Gyrophare bleu, grosses flèches lumineuses signalant l’intervention de fourgons… « On se demande comment » on a pu ne pas les voir et pourtant, 27 véhicules de patrouille autoroutière ont déjà été percutés en 2024. Contre ce fléau, Vinci mise sur l’IA et une cloche stridente.
Au volant de sa camionnette, équipée d’un dispositif combinant intelligence artificielle (IA) et alarme sonore, Johan Moreau, un patrouilleur de 39 ans, entame sa ronde sur l’A11 reliant Paris à la Bretagne.
Avec lui, « l’alarme ne s’est encore jamais déclenchée », hormis les vérifications d’usage avant chaque ronde. « Et tant mieux, car si cela arrive, c’est que quelque chose ne va pas », explique le patrouilleur, tout de jaune vêtu.
Dans le véhicule, le dispositif, appelé PatrolCare, est représenté par un bouton rouge, une petite caméra à l’arrière et une alarme rouge.
Développé par une filiale de Vinci, il combine un logiciel basé sur l’IA qui analyse les images en direct filmées par une caméra à l’arrière du fourgon, sur 200 à 250 mètres, et une cloche qui retentit lorsqu’une trajectoire dangereuse d’un véhicule est détectée.
D’ici la fin de l’année, 200 fourgons doivent être équipés. Un autre opérateur du Nord et de l’Est de la France, Sanef, a indiqué à l’AFP être « intéressé » par le système.
C’est un « plus » bienvenu et « même avec les fenêtres fermées et la radio allumée, vous l’entendrez ! », garantit Johan Moreau, patrouilleur depuis deux ans et pompier volontaire depuis 20 ans.
– 144 incidents en 2023 –
« Ce dispositif permet d’alerter les patrouilleurs et les usagers » dont on peut craindre qu’ils « changent d’itinéraire », explique Sandra Lafay, cheffe de secteur chez Vinci qui gère les équipes intervenant sur l’A10 et l’A11, depuis le centre de Ponthévrard (Yvelines).
Le week-end des 13 et 14 juillet, ces deux axes dans le sens des départs sont annoncés comme « particulièrement encombrés » par Bison futé. Au lieu des 2,5 millions d’usagers quotidiens habituels sur l’ensemble du réseau Vinci Autoroutes, ce sont 4 millions qui sont attendus.
Alors qu’il repart, Johan Moreau croise à quelques centaines de mètres trois véhicules de patrouille. Ils sont chacun positionnés à 150 mètres les uns des autres, leurs flèches de signalisation allumées tandis qu’un agent coupe l’herbe sur le terre-plein central.
« Si vous avez les yeux ouverts, vous pouvez les voir », constate Johan Moreau en croisant ses collègues.
Et pourtant, en 2023, l’Association des sociétés d’autoroutes françaises (ASFA) a dénombré 144 incidents impliquant des agents en service : un homme est décédé et 22 ont été blessés.
En mars dernier, un patrouilleur avait été mortellement heurté alors qu’il sécurisait le lieu d’un accident sur la Côte d’Azur, et une autre personne avait été blessée.
– Somnolence et « distracteurs » –
« J’interviens sur l’autoroute trois à six fois par jour », estime Johan Moreau, « la plupart du temps pour des animaux sur la route, des obstacles, des sangles de vélo et aussi des accidents… ».
Des tâches qui peuvent paraître anodines pour certains mais qui comportent beaucoup de risques à proximité de véhicules roulant à 130 km/h.
Près d’un accident sur deux survient lors de travaux d’entretien, selon l’observatoire des comportements autoroutiers Sanef en juillet. Et plus d’un tiers lors d’interventions d’urgence pour venir en aide aux automobilistes.
« Comment est-ce possible ? Il s’agit souvent de somnolence, d’hypovigilance, souvent de ‘distracteurs' », c’est-à-dire l’utilisation de téléphones, GPS et autres écrans détournant l’attention du conducteur, énumère Johan Moreau.
Selon Vinci, 65% des conducteurs téléphonent en conduisant, davantage encore utilisent leur smartphone ou programment leur GPS et deux sur cinq prennent la route dans un état de grande fatigue.
Pourtant, le patrouilleur, père de quatre enfants, ne considère pas son métier comme « dangereux ».
Cela comporte « un risque, lié à l’usager », minimise-t-il, mais le cœur du métier « c’est la bienveillance », selon lui.
Durant la période estivale, « on voit des gens (les vacanciers) pour qui ce n’est pas facile, car ils n’ont pas l’habitude de prendre l’autoroute, ils peuvent vite stresser », « on est là pour les protéger », souligne le patrouilleur.
publié le 14 juillet à 08h43, AFP