Une personne a testé la « Tesla du suicide assisté », plusieurs personnes arrêtées
Lundi 23 septembre, une Américaine de 64 ans a mis fin à ses jours en Suisse grâce à un nouveau dispositif de suicide assisté développé par l’activiste Philip Nitschke, le Sarco. Une création qui fait largement débat à travers le Jura.
Une invention controversée. Début juillet, Philip Nitschke, militant et fondateur d’Exit International, une ONG prônant la légalisation de l’euthanasie volontaire et du suicide assisté basée aux Pays-Bas, a annoncé avoir créé le « Tesla du suicide assisté ». Dans une interview à la NZZ, il a présenté une capsule qui permet de « mourir sans douleur », Sarco.
« Le jour où nous mourons est l’un des jours les plus importants de notre vie », expliquait alors Philip Nitschke. « Quand cela devient inévitable, pourquoi ne pas l’accepter ? Avec cette machine, nous pouvons mourir où nous le souhaitons : avec vue sur les montagnes ou sur les vagues de l’océan. Et à part cette machine, nous n’avons pas besoin de grand-chose : pas de médecin qui vous injecte une aiguille dans les veines, pas de drogues illégales difficiles à obtenir. Cela démédicalise la mort. »
La personne souhaitant mettre fin à ses jours est invitée à entrer dans cette capsule de verre de la taille d’un cercueil et à appuyer simplement sur un bouton. La porte se ferme et la cabine se remplit d’azote : au bout de quelques minutes, environ cinq, l’individu décède par manque d’oxygène (hypoxie et hypocapnie). Philip Nitschke présente alors Sarco comme une alternative aux injections intraveineuses létales et indique avoir choisi de la tester en Suisse. C’est désormais chose faite.
Une femme qui souffrait d’un « déficit immunitaire sévère »
En effet, selon le journal néerlandais « de Volkskrant », un premier suicide assisté impliquant Sarco a eu lieu lundi 23 septembre, près d’une cabane forestière, à Merishausen, dans le canton de Schaffhouse, à la frontière allemande. Exit International précise dans un communiqué qu’il s’agit d’une femme de 64 ans, originaire du « Midwest américain », qui souffrait d’un « grave déficit immunitaire ».
Florian Willet, co-président de The Last Resort, filiale suisse d’Exit International, a décrit sa mort comme « paisible, rapide et digne ». Philip Nitschke s’est dit « heureux que le Sarco ait fonctionné exactement comme il a été conçu pour permettre une mort élective, sans médicament et paisible au moment choisi par la personne ».
Elle voulait vraiment mourir.
Philip Nitschke chez « de Volkskrant »
« Lorsqu’elle est entrée dans le Sarco, elle a presque immédiatement appuyé sur le bouton. Elle n’a rien dit. Elle voulait vraiment mourir », a-t-il décrit dans « de Volkskrant ». « J’estime qu’elle a perdu connaissance en deux minutes et qu’elle est morte au bout de cinq minutes. Nous avons vu de petits tressaillements saccadés des muscles de ses bras, mais elle était probablement déjà inconsciente à ce moment-là. Cela ressemblait exactement à ce que nous attendions. »
Nos confrères précisent que la défunte a consulté un psychiatre avant de recourir à la capsule Sarco et qu’elle a fait une déclaration aux avocats de la filiale suisse d’Exit International, « The Last Resort », avant de mettre fin à ses jours.
Plusieurs personnes en garde à vue
Mais dans la foulée, « plusieurs personnes » ont été placées en garde à vue dans le cadre d’une enquête pour « suspicion d’incitation et de complicité de suicide ». Parmi elles figurent au moins un photographe du « Volkskrant » qui voulait prendre des photos de la première utilisation de la capsule, ainsi que deux avocats du « Last Resort » et très probablement son directeur, Florian Willet.
Interrogée lundi au Parlement suisse sur les conditions d’utilisation de la capsule Sarco, la ministre de la Santé Elisabeth Baume-Schneider a laissé entendre que son utilisation ne serait pas légale. « D’une part, elle ne répond pas aux exigences de la loi sur la sécurité des produits et ne doit donc pas être mise en circulation », a-t-elle déclaré. « D’autre part, l’utilisation correspondante d’azote n’est pas compatible avec l’article sur l’utilisation conforme de la loi sur les produits chimiques ».
La Suisse est l’un des seuls pays au monde où les étrangers peuvent se rendre légalement pour mettre fin à leurs jours et dispose de plusieurs organisations qui se consacrent à l’aide au suicide. Mais contrairement à d’autres pays, la Suisse n’autorise pas l’euthanasie, mais uniquement le suicide assisté, à condition que ceux qui aident la personne à mourir ne le fassent pas pour « un quelconque motif égoïste ».
Selon The Last Resort, la femme n’a rien payé pour l’utilisation du Sarco, à l’exception de 18 francs suisses pour la bouteille d’azote et les frais d’obsèques. « L’utilisation du Sarco est gratuite. Cela fait partie de notre philosophie. Nous ne voulons pas en tirer d’argent », a déclaré son directeur à « de Volkskrant », ce qui exclut « tout motif égoïste ».