Le procureur de la République de Rennes a requis jeudi une « phrase principale »sans quantum, contre le commissaire Grégoire Chassaing, jugé pour l’homicide involontaire de Steve Maia Caniço noyé lors de la Fête de la musique à Nantes en juin 2019.
« M. Chassaing n’est ni un moqueur ni un bouc émissaire. C’est évidemment lui qui a mené l’action collective, qui a créé la situation qui a finalement abouti à la mort de Steve. »a déclaré Philippe Astruc, demandant que le fonctionnaire soit « coupable ».
Le ministère public a cependant trouvé des circonstances atténuantes chez le commissaire chargé de la sécurisation du site et dont les personnels ont lancé seuls une dizaine de grenades lacrymogènes, en réaction aux jets de projectiles, provoquant la chute dans la Loire de cinq personnes, dont Steve, qui ne savait pas nager.
« Si le commissaire divisionnaire Chassaing est le seul à comparaître aujourd’hui, il est donc loin d’être le seul dont l’éventuelle responsabilité a été examinée, neuf personnes physiques ou morales ayant été introduites dans le dossier. Cependant, je comprends parfaitement le sentiment qu’il peut avoir de se retrouver seul sur le banc des accusés, ce qui n’était pas l’option défendue par le procureur de la République.a rappelé M. Astruc.
Dans la matinée, le commissaire a expliqué qu’il ne comprenait pas pourquoi il était le seul à comparaître. Plusieurs personnalités avaient été placées sous le statut de témoin assisté ou mises en examen au cours de l’enquête, dont le préfet et le maire de Nantes, avant de bénéficier d’un non-lieu.
« Me retrouver seul au bar alors que des témoignages ont montré qu’il y avait d’autres responsabilités et que d’autres auraient pu se retrouver dans ce bar, c’est très dur à vivre »a déclaré Grégoire Chassaing, 54 ans, aujourd’hui chef de circonscription de Lyon.
Mercredi, il a été soutenu par le directeur général de la police nationale Frédéric Veaux qui est passé à la barre pour dresser un portrait élogieux du responsable.
Lors de son réquisitoire, Philippe Astruc a estimé que la noyade de l’animatrice périscolaire de 24 ans était « le résultat final d’une série de plusieurs éléments indépendants les uns des autres mais qui, par leur enchaînement singulier du 22 juin 2019, ont conduit au drame ».
Il a ainsi répertorié « le choix d’un site singulier et clairement dangereux » en bord de Loire avec une hauteur de quai de six mètres, le « décision d’un DJ d’outrepasser l’ordre donné d’arrêter la musique » qui porte un « responsabilité morale » dans le drame.
Puis il y eut « action violente » d’un groupe de fêtards mécontents lançant des projectiles sur la police, ce qui a provoqué « l’action des policiers qui ont fait usage de gaz lacrymogènes » envahissant le quai, entraînant des fêtards désorientés par le nuage de gaz tombant à l’eau.
Enfin dans cette chaîne de causalité se trouve le fait que Steve, qui avait une phobie de l’eau, ne savait pas nager, ainsi que « opacité » de la Loire qui a empêché une intervention rapide des secours nautiques.
«forte démonstration»
En accord avec le rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA), le procureur adjoint Tanguy Courroye a constaté « manque de discernement » du commissaire.
« L’usage d’armes par les troupes de M. Chassaing n’est ni absolument nécessaire ni strictement proportionné. Je ne pense pas que ce soit compréhensible de voir un quai Wilson saturé de gaz lacrymogènes »dit M. Courroye.
Me Cécile De Oliveira, avocate de la famille Maia Caniço, a reconnu que le fait de ne pas prononcer de réquisition avec une peine précise était tout à fait » inhabituel « .
« Nos clients avaient besoin de cet appui fort au principe de culpabilité, de cette démonstration forte des responsabilités de Grégoire Chassaing »a salué l’autre avocat de la famille, Me William Pineau.
Le procureur a également rappelé que la mort de Steve avait été un « drame national ». Les circonstances de sa mort ont alimenté le débat sur les violences policières en France.
Le procès devrait se terminer vendredi avec les plaidoiries finales de la défense. Le jugement devrait alors être réservé.
Le commissaire Chassaing risque une peine maximale de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.