Et le ciel leur est tombé sur la tête. Ces derniers mois, les céréaliers ont subi des pluies à répétition. Des intempéries qui ont affecté les semis et les récoltes : la production de blé tendre s’est effondrée, et se situe au plus bas niveau observé depuis 1983. Elle a atteint 26,3 millions de tonnes, soit une baisse de 25 % par rapport à la moyenne des cinq dernières récoltes, selon le service statistique du ministère de l’Agriculture.
Ce déclin pourrait coûter cher à la France, première puissance agricole de l’Union européenne.La baisse de la production agricole, essentiellement due à ce stade aux céréales, se traduirait par un dixième de point de croissance en moins en 2024, estime l’Insee dans une note de conjoncture publiée lundi 9 septembre. Une estimation qui n’intègre pas les résultats des vendanges quidevraient également fortement diminuer (–18%). A titre de comparaison, la contribution des Jeux olympiques au PIB est estimée à environ +0,1 point sur l’année. L’Institut prévoit une croissance globale de 1,1%.
Les exportations vers les pays tiers s’affaiblissent
En 2016, qui fut aussi une année noire pour les récoltes, marquée aussi par un recul de la viticulture, le PIB a été réduit de 0,2 point. Ces effets sur la croissance s’expliquent notamment par la baisse des exportations. Car les céréales pèsent sur l’excédent commercial de la France : aux côtés des oléagineux, des légumes et d’autres cultures non permanentes, elles étaient en 2022 en tête des produits agricoles bruts dans la balance commerciale avec 9,6 milliards d’euros, précise l’Insee. En 2022-2023, 49 % de la production de blé tendre (destinée notamment à la farine panifiable) a été exportée vers nos partenaires européens et les pays tiers, notamment en Afrique du Nord.
Ce sont justement les exportations vers les pays tiers qui seront particulièrement fragilisées cette année. La société Argus Media France a calculé que les exportations de blé tendre vers ces pays devraient être réduites de 60% de leurs volumes, au plus bas niveau depuis plus de vingt ans.
« Ces exportations sont toutefois rentables car il s’agit de blé meunier, contrairement à celles vers nos voisins européens qui sont essentiellement du blé fourrager, destiné à l’alimentation du bétail », « Cela ne devrait pas être le cas », souligne Clarisse Bonhomme, chargée des missions économiques aux Chambres d’agriculture françaises. Toujours selon les projections d’Argus Media France, la filière d’exportation du blé vers les pays tiers subirait une perte de 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires.
Frais élevés
De son côté, l’Association générale des producteurs de blé (AGPB) s’attend à des effets sur le PIB plus importants que ceux calculés pour l’instant par l’Insee. « Certes, les rendements, bien qu’ayant baissé, restent meilleurs qu’en 2016. Mais en termes de revenus pour les 120 000 producteurs de céréales et d’oléagineux, les conséquences économiques seront plus importantes qu’il y a huit ans car nous connaissons des prix de vente bas et des charges (coût des intrants) qui restent élevées, assure Éric Thirouin, président de l’AGPB« Selon nos calculs, la perte de revenus pour les exploitations agricoles dépasserait les 3 milliards d’euros. ».
Après avoir atteint des records en 2022 sur fond de guerre en Ukraine, les cours se sont stabilisés autour de 200, 220 euros la tonne de blé tendre ces dernières semaines sur Euronext, opérateur qui gère plusieurs bourses européennes. « Les coûts d’intermédiation des coopératives ont augmenté de plus de 50 % au cours des trois dernières années. Résultat : le prix payé aux agriculteurs s’élève à 175 euros la tonne. A ce prix s’ajoutent des rabais (baisses de prix dues à la mauvaise qualité des produits, NDLR) qui peuvent varier entre dix et quarante euros en raison de problèmes de qualité du blé récolté », affirme Éric Thirouin.
Qu’est-ce qui va mettre l’industrie céréalière dans le rouge ? « Les situations varient énormément d’une exploitation à l’autre au sein d’un territoire », répond Benoît Piétrement, président du conseil spécialisé « Grandes cultures » de FranceAgriMer. L’AGPB a notamment demandé au ministère d’activer un dispositif de prêts garantis par l’Etat.
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