Une lignée de grippe disparue pendant la pandémie de Covid
Les restrictions sanitaires en 2020 ont entraîné une baisse spectaculaire des cas de grippe, entraînant la disparition de la lignée B/Yamagata. Cela pourrait-il changer le cours des épidémies de grippe ?
En 2020, le Covid-19 et les restrictions sanitaires ont fortement limité les cas de grippe saisonnière dont le nombre a diminué de plus de 95 %. À tel point qu’une des lignées de virus de la grippe circulant habituellement semble avoir disparu… C’est ce que révèle une étude publiée dans Science, réalisées par des chercheurs chinois, belges et anglais.
En France, l’épidémie de grippe débute généralement vers la fin décembre et touche 2 à 8 millions de personnes, provoquant jusqu’à 6 000 décès. Les virus circulants se divisent en deux types principaux, eux-mêmes divisés en sous-types ou lignées : les virus de type A existent chez de nombreuses espèces animales, les virus de type B touchent principalement l’homme. Chaque hiver, les deux types de grippe circulent en même temps, dans des proportions variables selon les années. Mais si l’on sait approximativement quelle souche domine à quel moment de l’épidémie, « nous n’avons pas les chiffres exacts des décès liés à une lignée particulière », explique Mustapha Si-Tahar, directeur du Centre d’étude des pathologies respiratoires à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).
Parmi les virus grippaux de type B, deux lignées coexistent, nommées B/Yamagata et B/Victoria. « Certaines années en France, la souche B/Yamagata circulait plus que la ligne B/Victoria», indique Olivier Terrier, directeur de recherche au CNRS. Et pourtant, déjà en déclin avant la pandémie de Covid, elle semble désormais avoir totalement disparu grâce aux restrictions sanitaires comme le confinement, le port du masque ou encore la distanciation sociale.
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Le virus continue de circuler en Asie du Sud et de l’Ouest
Vous pourriez penser que c’est une bonne nouvelle, mais il ne faut pas se réjouir trop vite. Selon l’étude, la disparition de la lignée B/Yamagata pourrait augmenter les infections par la lignée B/Victoria. En effet, les infections par l’une des lignées grippales B offrent une protection partielle contre l’autre. Sans B/Yamagata, moins de personnes bénéficieront de cette immunité croisée, ce qui pourrait favoriser la propagation de B/Victoria, susceptible de provoquer des symptômes plus graves chez les jeunes enfants. » Même si B/Yamagata a principalement infecté les adultes et les personnes âgées, il a indirectement permis d’immuniser les enfants contre cette souche et la grippe de type B en général, sans qu’ils développent de symptômes. Avec sa disparition, les enfants pourraient devenir plus vulnérables à la grippe, car ils n’auraient pas bénéficié de cette immunité croisée », précise Olivier Terrier. Les chercheurs soulignent que même si cette hypothèse d’une augmentation des infections dues aux virus B/Victoria n’est pas confirmée, elle reste une possibilité sérieuse qui mérite d’être explorée.
Cette étude révèle que certaines régions ont servi de « réservoir évolutif » au virus. » Dans certaines régions, par exemple en Asie du Sud et de l’Ouest, la circulation des virus grippaux de types A et B/Victoria s’est poursuivie » pendant la pandémie de Covid, écrivent les auteurs. La prééminence de telle ou telle souche a duré encore plus longtemps, probablement en raison de la réduction des voyages longue distance qui permettent habituellement le remplacement des types de grippe. Les chercheurs ont conclu que les voyages internationaux sont principalement responsables de la propagation des lignées grippales, mais aussi probablement d’autres pathogènes respiratoires. Cependant, » nous ne pensons pas qu’une lignée deviendra dominante sur les autres même si certaines disparaissent. En effet, on retrouve désormais une diversité de souches similaire à la période pré-pandémique, à l’exception de la disparition de B/Yamagata. », poursuit Moritz Kraemer, professeur d’épidémiologie et de science des données à Oxford.
» Le retour des différentes grippes est même apparu plus rapidement que prévu », explique Moritz Kraemer. » Ce qui est important pour la planification future, selon cette étude, est de mettre en œuvre une surveillance accrue dans les zones à forte dérive antigénique, c’est-à-dire le processus d’évolution du virus, zones où l’émergence de nouvelles lignées qui deviennent alors mondiales », poursuit le chercheur.