Une future mine de tungstène en Ariège ?
En France, aucune mine d’exploitation de minerais métalliques n’est en service depuis les années 1990. Peut-être pas pour longtemps… Outre le projet de mine de lithium dans l’Allier, un autre voit le jour, en Ariège. La société Neometal vient de déposer auprès de l’Etat une demande de permis exclusif d’exploration minière (Perm) dite Montagne Ariégeoise pour une durée de cinq ans. Ce n’est pas la première fois qu’un acteur privé s’intéresse à l’ancienne mine de Salau, exploitée jusqu’en 1986 pour son tungstène.
En 2017, la société Variscan Mines avait obtenu une autorisation similaire, avant que les tribunaux n’annulent le permis. « La mine de Salau est un gisement reconnu d’intérêt de longue date, mais il n’est que partiellement caractérisé. Il est possible qu’il y ait des ramifications latérales ou plus profondes et que les ressources soient donc bien supérieures aux 3 500 tonnes déjà connues, certaines estimations parlant de plus de 10 000 tonnes. Il existe aujourd’hui de nouveaux moyens, notamment géophysiques, pour explorer nos sous-sols en profondeur par rapport à l’époque où cette mine était exploitée. commente Christophe Poinssot, directeur général adjoint et directeur scientifique du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
Un permis de recherche dans quatre communes
En 2022, cette structure publique avait répertorié les gisements miniers présents en France, dont le potentiel de tungstène pour le pays. Il s’agissait alors de 3.516 tonnes de tungstène soi-disant à Salau, après les 13.756 tonnes extraites dans les années 1970 et 1980 selon ses calculs. Pourquoi s’intéresser à nouveau à ce dépôt maintenant ? Bien que peu connu, le tungstène est un matériau stratégique. Très solide et très résistant à la chaleur, il est utilisé dans l’industrie aéronautique, mais aussi dans le spatial, l’électronique et surtout pour la fabrication d’armes.
« La France a préféré fermer progressivement ses activités minières dans les années 1980 pour des raisons économiques, préférant importer des produits moins chers, notamment de Chine. Mais le contexte international a considérablement évolué et nous sommes aujourd’hui dans un monde plus conflictuel, morcelé, avec une course aux minerais stratégiques. Ces dépendances peuvent à terme remettre en cause notre souveraineté, par exemple pour le tungstène où 80 % de la production mondiale est réalisée en Chine. Si nous voulons préserver notre souveraineté, nous devrons donc développer les ressources disponibles. poursuit le spécialiste.
Rejoint par La Tribune dimanchela société Neometal demande de patienter jusqu’en novembre pour communiquer sur les grandes lignes de son projet. Toutefois, les élus locaux ont laissé échapper certaines choses. On parle d’un permis d’exploration sur 101 kilomètres carrés, sur quatre communes (Auzat, Aulus-les-Bains, Ustou et Couflens), pour un investissement total de 12,56 millions d’euros. « Nous possédons ici la plus grande réserve de tungstène d’Europe. » » dit avec conviction un proche du dossier.
Vigilants sur l’aspect environnemental d’un tel projet, certains élus locaux, dont la présidente du département Christine Tequi, ont récemment reçu des représentants de Neometal. Pour ces élus, le projet doit « être entre des mains sûres, sérieuses et crédibles afin de ne constituer ni un mirage ni une prédation ». C’est ce que craint le collectif Stop Mine Salau, estimant que c’est davantage l’or potentiellement présent dans la mine qui intéresse les actionnaires de Neometal que le tungstène. La forte présence de l’amiante sur le site et sa gestion animent également ce collectif, tout comme celle des déchets miniers, très polluants. « Des déchets miniers ? On ne sait plus où les mettre ! Il faudra les envoyer ailleurs », peste Jacques Renoud, membre du collectif Stop Mine Salau et adjoint au maire de Couflens. Un débat public sur le projet est désormais espéré.