une étude met en évidence les risques pour les athlètes aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024
Les chercheurs ont examiné les risques pour la santé des nageurs. Les auteurs estiment que les niveaux de bactéries révélateurs d’une contamination fécale sont « inquiétants ».
Publié
Mise à jour
Temps de lecture : 4 min
Seront-ils capables de sauter à l’eau ? Près d’un mois avant la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024, le 26 juillet, sera-t-il possible de se baigner en toute sécurité dans la Seine ? La question reste en suspens après l’annulation début juin de l’entraînement de l’équipe de France de natation en eau libre. Malgré tout, les autorités se veulent rassurantes et promettent que les événements prévus dans le fleuve parisien pourront se dérouler comme prévu. Mais à quel prix ? La question des risques auxquels seront exposés les sportifs a fait l’objet d’un article publié samedi 8 juin dans le dernier numéro du magazine. Archives des maladies professionnelles et de l’environnement. Ce travail a été réalisé par un groupe d’internes en infectiologie, de microbiologistes et de spécialistes de santé, dans le cadre d’un cursus de santé publique dispensé par l’École Pasteur-Cnam.
Pour mesurer les dangers auxquels seront exposés les sportifs, les auteurs de cette étude ont passé en revue les résultats d’analyses de la qualité de l’eau réalisées par la ville de Paris ainsi que par le Syndicat interministériel de l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP). Plusieurs scénarios ont été étudiés. Le plus rassurant concerne la qualité chimique du fleuve, c’est-à-dire la concentration des produits arrivant dans l’eau suite aux rejets industriels, agricoles ou urbains. Sur la base des enquêtes SIAAP, les auteurs de l’étude estiment que « le risque encouru par les sportifs semble négligeable ». Mais l’article nuance ce constat en mettant en avant plusieurs zones d’ombre.
« Certaines substances identifiées comme dangereuses n’ont pas encore été mesurées dans la Seine et leur risque ne peut être évalué. »
Les auteurs de l’étudedans la revue « Archives des maladies professionnelles et de l’environnement »
En réalité, les auteurs estiment que le vrai danger est à chercher ailleurs, du côté des risques microbiologiques, c’est-à-dire dans les bactéries et virus qui peuvent circuler dans l’eau de la Seine. « Les données sur les risques microbiologiques suggèrent un taux de contamination élevé et la présence potentielle d’autres agents à surveiller », observent-ils. Cette observation s’appuie sur les concentrations de bactéries indicatives de contamination fécale (BIF) enregistrées par la ville de Paris durant l’été 2023 au niveau du futur site olympique, entre le pont Alexandre III et le pont de l’Alma. Ces bactéries, Escherichia Coli et entérocoques, ne sont pas dangereuses en elles-mêmes. Mais une concentration trop élevée de ces bactéries augmente le risque de contracter une gastro-entérite ainsi que des maladies de peau. Or, les taux enregistrés au cours de l’été 2023 ont largement dépassé les seuils des fédérations sportives ainsi que ceux des autorités sanitaires, comme le révélait franceinfo en janvier 2024. Au vu de ces résultats, les auteurs estiment que le risque microbiologique est « inquiétant ».
Là encore, l’article souligne également des trous dans la raquette. « De nombreux dangers microbiologiques potentiels ne sont pas pris en compte dans les mesures récentes, ce qui rend leur risque difficile à caractériser ou à négliger », écrivent les auteurs. Ils citent notamment la leptospirose, une maladie véhiculée par le rat et souvent bénigne chez l’homme, mais qui peut néanmoins entraîner des cas d’insuffisance rénale voire des fièvres hémorragiques, selon l’Institut Pasteur. « Aucun contrôle systématique n’est effectué »souligne l’étude. « Or, en 2022, pour la France métropolitaine, l’Ile-de-France était l’une des régions avec le taux d’incidence de la leptospirose le plus élevé (…) avec une recrudescence estivale prononcée »notent les auteurs de l’étude.
Enfin, l’article note le caractère extrêmement aléatoire des échantillons uniques prélevés dans la Seine pour mesurer au quotidien l’état de l’eau. « Il est très compliqué et extrêmement incertain de mesurer la qualité de l’eau »explique Amanda Munoz, l’une des auteurs de l’article.
« La qualité de l’eau peut varier selon le lieu ou l’heure du prélèvement. Les résultats du matin peuvent être très différents de ceux de l’après-midi. »
Amanda Munoz, épidémiologistesur franceinfo
À tel point que les auteurs estiment que l’impact des infrastructures mises en place par l’État et les collectivités pour améliorer la qualité de l’eau sera difficile à mesurer. Plusieurs aménagements ont en effet été construits dans le cadre des lourds investissements publics réalisés depuis 2016 (1,4 milliard d’euros) pour assainir le fleuve. Le plus emblématique est le bassin de rétention près de la gare d’Austerlitz à Paris. Mais ce gigantesque bassin d’eaux usées n’est opérationnel que depuis fin mai. Trop tard, estiment les auteurs, pour évaluer l’impact de ce type d’infrastructures. « Peu de données seront disponibles pour juger de leur efficacité et de leur capacité à réduire la contamination de la Seine lors des Jeux Olympiques »juger les auteurs de l’article.
En conclusion, l’étude recommande de bien informer les athlètes tout au long des épreuves. « Une communication transparente sur les différentes analyses réalisées et leurs résultats semble essentielle afin de sensibiliser les sportifs aux risques encourus », écrivent les auteurs. La ville de Paris a lancé depuis le 1er juin des analyses quotidiennes de la qualité des eaux de la Seine. Il a été annoncé que des bulletins hebdomadaires seraient publiés. Mais aucun résultat n’a encore été communiqué à ce jour.