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une compétition sur fond de rivalité entre l’UEFA et la Fifa

Après le match d’ouverture Allemagne-Écosse, vendredi 14 juin, l’Euro 2024 a débuté pour un mois. Sur le terrain, tout le monde aspire à succéder à l’Italie, sacrée en 2021.

Mais en coulisses, une autre rivalité ancestrale se joue entre l’UEFA et la FIFA, deux entités partenaires, la première étant sous l’égide de la seconde.

Super Ligue, un projet qui a mis le feu aux poudres

« En France, les communes, les régions, les départements sont censés travailler ensemble. Cela n’empêche pas les rivalités, notamment économiques, entre les différentes entités. Il en va de même pour la FIFA et l’UEFA. »compare Loïc Ravenel, géographe et chercheur au Centre international d’étude du sport (CIES). « La réalité est que l’UEFA est l’acteur le plus puissant au sein de la FIFA, car le football européen rassemble les meilleures équipes du monde et génère le plus d’argent. D’un autre côté, la Fifa veut constamment réduire le poids du corps européen en son sein. »

Le projet de « Super League » en 2020 a fourni un exemple spectaculaire de cette rivalité. Cette année-là, la Fifa lance ce projet de Ligue fermée, réservée aux plus grandes équipes européennes. Une ingérence sans précédent de l’instance mondiale dans les affaires du football européen et qui, si le projet voyait le jour, porterait un coup fatal à la Ligue des champions, la compétition phare de l’UEFA.

« C’est ironique quand on sait qu’Alexandre Ceferin, le président de l’UEFA, est le parrain de l’une des filles du président de la Juventus Turin, Andrea Agnelli. Il y a là une forme de trahison”, s’amuse le géopolitologue du sport Jean-Baptiste Guégan. Si le projet patauge, notamment à cause de la révolte de certains autres grands clubs européens, des institutions comme le Real Madrid, le FC Barcelone ou la Juventus Turin, semblent jouer sur les deux tableaux et profitent des rivalités entre les deux. instances.

Le vieux monde contre le football ?

L’idée sous-jacente à la Super League était la création d’un Championnat du Monde des Clubs, basé sur un modèle ressemblant à la NBA américaine en basket-ball. Le président de la Fifa, Gianni Infantino, souhaite à terme créer des tournois pour augmenter ses marges financières.

« Dans ces rivalités, il faut voir, au-delà des institutions, des oppositions individuelles »estime l’historien Kévin Tallec Marston. « Quand Gianni Infantino est arrivé à la tête de la Fifa, il venait de l’UEFA et savait qu’il devait affaiblir cette dernière, car c’était son principal concurrent. Il a une vision très business, très politique. La création de nouvelles compétitions par la Fifa est une manière de reprendre le contrôle d’un football qui n’est normalement pas sous son contrôle, à savoir le football de clubs. Il souhaite récupérer les revenus produits par le football interclubs, qui restent aujourd’hui les plus importants. »

« Le football a ses origines en Europe »se souvient Jean-Baptiste Guégan. « Nous avons d’un côté l’UEFA qui se veut la gardienne d’une certaine vision historique du football, tandis que la Fifa a plutôt une vision mondialisée, dérégulée et financiarisée, et Infantino représente parfaitement cela. »

Vers un euro responsable

Dans ce contexte, les deux entités sont également engagées dans une bataille de communication. A peine après une Coupe du monde 2022 au Qatar, avec son lot de polémiques, la Fifa a annoncé en grande pompe, une Coupe du monde 2030 organisée sur trois continents et dans six pays différents. La cerise sur le gâteau ubuesque est l’inauguration probable de l’Arabie Saoudite comme pays hôte de l’événement en 2034.

Une image à partir de laquelle l’Euro 2024 cherche à prendre le contrepied. Outre-Rhin, on a l’ambition d’être le championnat européen le plus écologique possible. Pour la première fois, le développement durable est explicitement intégré dans les règles de concurrence. « Nous voulons que le plus de personnes possible voyagent en train »s’est confié à ce sujet Andreas Schär, le directeur de l’Euro 2024. « Les 2,8 millions de titres de transport incluent 36 heures d’utilisation des transports locaux. De plus, les billets à prix réduit pour les trains longue distance permettent de voyager à moindre coût et de manière écologique. Pour les 24 équipes, les distances de déplacement ont été réduites au minimum grâce à un calendrier de matchs optimisé. »

« Dans le cahier des charges de l’UEFA, il y a sans aucun doute une plus grande prise en compte des défis contemporains. Ils ont compris que la pérennité de l’événement commençait par la responsabilité”note Jean-Baptiste Guégan. « La Fifa et l’UEFA ne ciblent pas le même public »nuance toutefois Loïc Ravenel. « Le public européen est sans doute beaucoup plus sensible aux questions environnementales, donc l’UEFA s’adapte. »

Le pouvoir des joueurs

Cet Euro 2024, suivi des Jeux Olympiques de Paris, marque aussi une première séquence d’une décennie où l’Europe et le monde occidental se retrouvent au centre du jeu. Les prochains Jeux Olympiques auront lieu aux Etats-Unis (Los Angeles 2028), tout comme la prochaine Coupe du monde de football (2026). « Dans un contexte de désoccidentalisation du monde, c’est une manière de dire « on reprend le contrôle » »spécule le géopolitologue Jean-Baptiste Guégan. « Pour que ça marche, il faut aussi évaluer le niveau de la compétition, car ça reste un sport ».

Avec des emplois du temps de plus en plus chargés chaque année, l’UEFA espère que le spectacle sur le terrain n’en souffrira pas. « Il y a de la schizophrénie à l’UEFA »souligne David Gluzman, analyste financier dans le monde du sport et chroniqueur à l’émission Génération Après sur RMC. « En même temps, elle mise beaucoup sur l’Euro 2024 pour rester cette superpuissance économique. Et en même temps, cela ajoute toujours un peu plus de temps aux calendriers des joueurs au cours de l’année pour garder le contrôle des clubs et prend ainsi le risque de fragiliser le niveau. »

« Depuis la Coupe du monde au Qatar, la mi-saison, le niveau a baissé. Nous ne devrions pas être surpris si l’attractivité décline également. », poursuit le spécialiste. Dans cette compétition entre l’humain et l’argent, le salut viendra-t-il des joueurs ? « C’est à eux de prendre conscience qu’ils représentent un véritable fardeauestime David Gluzman. Quand Mbappé annonce qu’il quitte le PSG, le pays est à l’arrêt depuis un mois. Il leur faut désormais alerter sur les rythmes et les horaires infernaux et mettre un terme à tout prix au business du football. Certains commencent à le faire, on l’a vu avec Raphaël Varane qui mettait en garde contre la santé mentale joueurs. Il est allé au fond des choses. »

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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