Joe Biden pensait réconcilier l’Amérique avec elle-même. « La politique ne doit pas nécessairement être un incendie dévastateur qui détruit tout sur son passage. Chaque désaccord ne devrait pas être la cause d’une guerre totale. » C’était son discours le jour de son investiture, le 20 janvier 2021. Deux semaines plus tôt, les partisans de Donald Trump avaient pris d’assaut le Capitole. La démocratie américaine était en panne. Mais, en ce jour de retour illusoire à la normale, le nouveau président a parlé de » respect » et » unité « .
Près de quatre ans plus tard, alors que les citoyens américains s’apprêtent à élire son successeur, mardi 5 novembre, ces propos ressemblent à un mirage. L’Amérique chancelle près d’un précipice. Plein d’amertume, Joe Biden est relégué sur le siège inconfortable de spectateur. C’est désormais à Kamala Harris de reprendre la mission : sauver la démocratie américaine et l’État de droit d’un nouveau mandat de Donald Trump, qui s’annonce dévastateur et plus extrémiste, selon ses propres engagements.
Neuf ans après l’entrée fracassante du milliardaire en politique, en empruntant un escalator de la Trump Tower à New York, la prolongation de ce combat parle de l’enracinement du trumpisme, de la puissance de sa rhétorique identitaire et de la fragmentation de l’Amérique. La nouvelle ligne de front est la écart entre les sexesl’écart sans précédent entre le vote des hommes et celui des femmes. Blancs et sans diplômes, les hommes constituent le public captif de Donald Trump depuis 2016. Mais de plus en plus d’hommes hispaniques et noirs s’y ajoutent, selon des études. L’espoir des démocrates est leur moindre mobilisation par rapport à celle des femmes.
Accusé et condamné
Sur la pelouse d’Ellipse Park à Washington le 29 octobre, la candidate démocrate a mis en garde contre son rival, un homme « instable, obsédé par la vengeance, rongé par le ressentiment et en quête d’un pouvoir illimité ». Un Donald Trump désormais sans retenue, échevelé, inculpé et condamné au pénal, promettant d’utiliser l’armée contre ses adversaires politiques, de purger l’État fédéral, de placer la justice sous son contrôle direct. Un Donald Trump, surtout, qui a prémédité, depuis plus d’un an, une opération inédite pour contester les résultats, s’ils lui sont défavorables, dès le soir de l’élection.
L’année 2024 s’ouvre sur un scénario morose, celui d’un nouveau duel entre Joe Biden et son prédécesseur, toujours sans reconnaître sa défaite. Une grande majorité d’Américains, exaspérés par cette stagnation, manifestent peu d’appétit pour la campagne à venir. Alors qu’elle se présentait aux primaires républicaines, Nikki Haley, ancienne gouverneure de Caroline du Sud, a lancé cet avertissement : « Le premier parti qui retirera son candidat de 80 ans sera celui qui remportera cette élection. » Elle-même est impuissante à contester la domination absolue de Donald Trump sur le parti. La ferveur de la base MAGA (Make America Great Again) transforme la course à l’investiture en une formalité.
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