Une bagarre entre députés éclate au Parlement géorgien
Un député de l’opposition a frappé à la tête un député du parti au pouvoir alors que ce dernier présentait un projet de loi sur les « agents étrangers », jugé liberticide par ses détracteurs.
Une bagarre entre députés a éclaté ce lundi au Parlement géorgien, qui débat de la réintroduction du projet de loi controversé sur « agents étrangers » , à l’origine de manifestations de grande ampleur l’an dernier et considérée comme liberticide par ses détracteurs. Le parti au pouvoir dans ce pays du Caucase, le Rêve géorgien, a annoncé début avril le retour de ce projet de loi, dont une première version avait été abandonnée après des manifestations ayant rassemblé des dizaines de milliers de personnes à Tbilissi en mars 2023 pour dénoncer un texte inspiré par la législation russe visant les détracteurs du pouvoir.
Lorsque les débats ont débuté lundi au Parlement sur ce texte, plusieurs députés en sont venus aux mains au milieu de l’hémicycle. Des images de la session parlementaire montrent un député de l’opposition frappant à la tête un député du parti au pouvoir qui a co-rédigé le projet de loi, provoquant une bagarre généralisée et l’arrêt de l’audience. diffusion en direct. Dans la matinée, plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés devant le Parlement pour arborer un grand drapeau de l’Union européenne, à laquelle la Géorgie ambitionne de rejoindre, en signe de protestation.
Un grand rassemblement est prévu dans la soirée contre ce texte inspiré d’une loi russe utilisée depuis des années par le Kremlin pour persécuter les voix dissidentes. « La société géorgienne est suffisamment forte pour ne pas laisser le pays glisser vers un autoritarisme à la russe »veut croire l’un des manifestants, Saba Gotoua, un architecte de 48 ans. « Nous ne laisserons pas le rêve géorgien gâcher la chance historique de la Géorgie de devenir membre de l’UE », a-t-il ajouté à l’AFP. La semaine dernière, environ 8 000 personnes avaient déjà manifesté contre le projet de loi à Tbilissi. La Géorgie ambitionne depuis des années d’approfondir ses relations avec l’Occident, mais le parti au pouvoir est accusé de vouloir, au contraire, rapprocher cette ancienne république soviétique de la Russie. Le retour de cette loi, critiquée par Bruxelles, risque de raviver de profondes divisions.
Le parti au pouvoir accusé de collaborer secrètement avec le Kremlin
Le texte obligerait les organisations recevant plus de 20% de leur financement de l’étranger à s’enregistrer sous le fameux label de« organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère », sous peine d’amendes. Cette étiquette a été modifiée du terme « agent d’influence étrangère » de la première version de 2023. Le gouvernement défend un projet de loi qui obligera les organisations à démontrer davantage « transparence » sur leur financement. Les critiques du texte y voient un outil d’intimidation des ONG et des médias indépendants.
Selon des experts interrogés par l’AFP, le parti au pouvoir, accusé de collaborer secrètement avec le Kremlin, considère le financement de certaines ONG et médias par les Occidentaux comme une remise en cause de son contrôle sur le pays. « Le rêve géorgien ne cache pas que la loi vise à neutraliser l’influence occidentale »souligne la politologue Ghia Nodia. «Le parti ne cesse de répéter qu’il conduit la Géorgie vers l’UE, mais en réalité il sabote la voie européenne de la Géorgie», qui est soutenu par environ 80 % de la population, selon les sondages d’opinion, dit-il. Le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidze, connu pour sa rhétorique anti-occidentale, se défend de tout sabotage du processus d’adhésion à l’UE, même si Bruxelles a demandé l’abandon du texte.
En décembre, la Géorgie a obtenu le statut de candidat officiel à l’adhésion, mais Tbilissi doit encore procéder à des réformes judiciaires et électorales, renforcer la liberté de la presse et réduire le pouvoir des oligarques avant que les négociations puissent réellement avoir lieu. lancé. Les Etats-Unis ont estimé la semaine dernière que l’adoption d’un tel texte « faire dérailler la Géorgie de sa voie européenne ». Le retour du projet de loi au Parlement devrait également raviver les tensions entre le parti au pouvoir et la présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili, farouche partisane du rapprochement avec l’UE. En 2023, elle soutient ouvertement les manifestants. Ses prérogatives sont toutefois limitées.