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Une avocate condamnée pour avoir dû retirer son soutien-gorge pour voir son client en prison – Libération

Une avocate condamnée pour avoir dû retirer son soutien-gorge pour voir son client en prison – Libération
La cour administrative d’appel de Toulouse a condamné mardi 17 septembre l’Etat pour violation des droits des avocats. Me Stella Bisseuil avait été contrainte par l’administration pénitentiaire de retirer son soutien-gorge pour avoir accès à sa cliente détenue en prison.

Le 25 août 2020, Me Stella Bisseuil s’est rendue à la maison d’arrêt de Seysses, près de Toulouse, pour s’entretenir avec sa cliente. Alors qu’elle franchissait le portique de sécurité, l’avocate a entendu une sonnerie. Elle a alors indiqué aux surveillants pénitentiaires que cette alerte était provoquée par l’armature métallique de son soutien-gorge. Mais le personnel pénitentiaire a refusé de la laisser entrer tant qu’elle n’avait pas retiré ses sous-vêtements, ce qu’elle a fini par faire sur le parking de la maison d’arrêt. Une situation que l’avocate toulousaine juge dégradante et discriminatoire.

Après des discussions avec l’administration de Seysses, qui assure avoir simplement respecté la loi, Me Stella Bisseuil a porté l’affaire devant le tribunal administratif de Montpellier. Ce dernier a rendu un premier jugement en faveur de l’administration pénitentiaire le 25 octobre 2022. Mais l’avocate, convaincue de son bon droit, a fait appel et a réussi à faire condamner l’État par un arrêt de la cour administrative d’appel de Toulouse le 17 septembre 2024, pour violation de ses droits d’avocat. Une victoire pour elle, mais aussi pour ses confrères qui ont vécu des scénarios similaires, comme elle l’explique à Libérer.

Que s’est-il passé le 25 août 2020 ?

Je me suis rendue à la maison d’arrêt de Seysses pour parler à une cliente qui était en garde à vue. Pour entrer dans l’établissement, c’est exactement comme un aéroport : il faut mettre ses affaires dans un carton et passer par un portique de sécurité. Mais ce jour-là, il a sonné quand je suis passée. J’ai enlevé mes chaussures, mon bracelet, ma barrette, mais il continuait à s’allumer à chaque fois. J’ai dit au gardien que c’était sûrement à cause de mon soutien-gorge à armatures métalliques. Je ne pouvais pas l’enlever, d’autant qu’il n’y avait pas de place pour me changer. Le gardien m’a dit « Tant que tu sonneras, tu ne pourras pas entrer ». Je me dis qu’il faut absolument que je retourne voir mon client qui m’attendait.

La directrice de la prison passe et j’imagine qu’avec une femme on va pouvoir discuter et trouver un arrangement. Elle me dit qu’il n’y a pas d’autres solutions et que je ne rentrerai pas avant que la cloche ne sonne. Insister ne sert à rien. Je lui demande si on va m’obliger à me déshabiller. Elle me dit « c’est ton affaire ». J’ai donc dû le faire dans ma voiture, sur le parking de la prison. Un endroit où il y a des caméras partout. Je me suis dit que ce qui se passait était anormal et que c’était un manquement à mon devoir professionnel.

Pourquoi avez-vous choisi de vous tourner vers la justice ?

J’ai pensé qu’il fallait montrer qu’il y a une règle de droit. Je les avais d’abord contactés par mail pour qu’ils conservent la vidéo de l’incident, car tout est filmé à l’intérieur. Ils m’ont simplement répondu qu’ils avaient appliqué la loi. J’ai contacté le contrôleur des lieux de privation de liberté et j’ai retrouvé les textes pour me faire une opinion juridique. Il y a une circulaire qui stipule que si un portail sonne pour un avocat, un médecin ou pour toute personne entrant en prison, il peut y avoir une fouille manuelle pour déterminer si la sonnerie est inoffensive.

Nous sommes allés au tribunal une première fois en 2022 et j’ai perdu. Ils ont prétendu que j’avais refusé qu’ils utilisent un détecteur de mains et que j’avais préféré me précipiter vers ma voiture. Ils ont menti sans vergogne, c’est quand même particulièrement choquant ! J’ai fait appel devant la Cour administrative d’appel de Toulouse et je les ai sommés de produire la fameuse vidéo de l’incident. Ils ne l’ont évidemment pas fournie, et pour cause, ils savaient très bien ce qu’elle montrait. La Cour d’appel a statué en ma faveur en validant ma version des faits et ma version de la loi. Elle a reconnu que c’était illégal et une atteinte à ma dignité.

Quelles traces espérez-vous voir ressortir de ce jugement ?

Je suis ravie d’avoir réussi à gagner ce procès car la justice administrative n’est pas la plus encline à condamner l’administration. C’est aussi une victoire qui me dépasse car j’ai reçu des témoignages similaires de confrères. Mais cela peut aussi concerner des hommes pour une prothèse ou pour un élément métallique qui ne peut pas être retiré. En plus d’être une question de dignité, je considère cela comme une atteinte aux droits des avocats comme des détenus.

J’espère donc que l’administration pénitentiaire fera appliquer la loi et équipera les gardiens de détecteurs de métaux portatifs, comme ils le font dans les aéroports. Il n’y a aucune raison pour que vous ne puissiez pas monter dans un avion parce que la porte d’embarquement sonne et que vous ne pouvez pas retirer vos vêtements ou votre prothèse de hanche.

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