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une affaire beaucoup plus complexe

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Le 9 octobre dernier, Loan Léton a été congédié de son poste de conseiller à la clientèle pour avoir utilisé un GIF concernant la direction lors d’une conversation Teams. Soutenu par la CGT, il estime qu’il s’agit d’un prétexte pour dissuader d’autres salariés de s’exprimer sur les conditions de travail vécues par les salariés de l’entreprise.

Loan Léton, un jeune homme de 23 ans d’origine antillaise, était employé chez Concentrix, une entreprise spécialisée dans la gestion de la relation client, à Compiègne, avant d’être licencié pour faute grave le 9 octobre. Le motif officiel ? Un GIF (une image animée) envoyé lors d’une conversation Teams entre collaborateurs et ressources humaines, considéré comme un manque de professionnalisme de la part de la direction. Ce motif, bien que surprenant, semble matérialiser une tension plus profonde entre les salariés et la direction. Loan Léton et Manon Mathieu, représentante de la CGT, ont évoqué cette situation inhabituelle.

Un message mal reçu

Bien intégré dans son rôle de conseiller clientèle, Loan a apprécié son travail : « J’ai aimé ce travail parce que je n’avais pas besoin d’appeler les clients ; ce sont plutôt eux qui nous contactaient pour divers problèmes. Cela demandait une certaine polyvalence, une compétence que j’avais développée au cours de mon contrat. » Par ailleurs, le 26 septembre, la direction aurait annoncé que les salaires ne seraient pas payés à temps, ce qui a donné lieu à une discussion Teams où des employés en colère ont exprimé leur mécontentement. Pour calmer la situation, Loan a envoyé un GIF d’Homer Simpson disparaissant derrière une haie, qui, selon lui, illustre la réaction des RH. «Je voulais alléger l’atmosphère. Certains de mes collègues sont devenus très virulents. Ce GIF était une façon de montrer que la situation n’était pas bien gérée. »

Le Gif en question

Une réaction disproportionnée ?

Suite à cela, Loan a été interrogé le 4 octobre par sa supérieure : elle lui a expliqué que sa communication n’était pas professionnelle.  » Discuter de devoir manger du pain et de l’eau le week-end est acceptable, mais mon message sur les ressources humaines n’était pas acceptable. » Cette réaction pose question, quand on sait que Loan ne posait pas de problème jusque-là. De plus, ce type de communication serait courant dans l’entreprise : « De nombreux jeunes, tant parmi les agents que parmi les superviseurs, utilisent les GIF. »

Raisons antérieures ?

Pour Loan et la CGT, cette histoire du GIF n’est qu’un prétexte, masquant des motifs de licenciement plus obscurs : « Je pense que la direction a décidé de me licencier parce que j’ai témoigné via un Cerfa anonyme sur les risques psychosociaux dans l’entreprise et que j’ai protesté auprès de la CGT concernant les salaires. Ces faits sont antérieurs à l’histoire du GIF, » confie Prêt. C’est à partir de ces événements que la direction a changé d’attitude envers lui et son associé, également employé dans l’entreprise : « Ils sont devenus plus distants, surtout après les manifestations de mars (de la CGT) pour des augmentations de salaires. »

« Beaucoup ont peur de témoigner »

Le jeune homme estime que son licenciement servirait d’exemple pour créer un climat de peur parmi les salariés, les dissuadant ainsi de s’exprimer : « Beaucoup de gens ont peur de témoigner aujourd’hui parce qu’ils craignent pour leur emploi. Comme je n’avais pas peur de m’exprimer, j’ai été licencié pour faute grave. Je pense qu’ils utilisent mon cas pour décourager les autres. » Manon Mathieu, élue CGT et membre de la commission santé et sécurité au travail, soutient cette idée : « Loan a été utilisé comme exemple pour faire taire les autres salariés. Cela montre que s’ils signalent des problèmes et des risques psychosociaux, ils peuvent être licenciés pour des raisons aussi insignifiantes que celle évoquée pour Loan. »

« On m’a comparé à Omar Sy »

Ils mettent tous deux en lumière les conditions difficiles auxquelles de nombreux salariés sont confrontés au quotidien sur différentes plateformes de travail : « burn-out, dépression et remarques désobligeantes nuisant à leur confiance en eux. Il y a aussi le harcèlement, qu’il soit sexuel ou sexiste. De nombreux cas de dépression et de troubles du sommeil sont liés à la pression au travail. »

Le syndicaliste déplore des conditions quasi dictatoriales et restrictives : « Les supérieurs surveillent chaque geste et chaque échange entre collègues. Nous sommes infantilisés, » et dénonce également un système de conditionnement qui maintiendrait les salariés dans une position d’infériorité : « Les CDD doivent être prudents, craignant que leur contrat ne soit pas renouvelé. On m’a même dit que certaines personnes se sentent conditionnées. » Outre son premier témoignage, Loan évoque des propos xénophobes qu’il aurait subis dans la structure : « On m’a comparé à Omar Sy, à Lou Vega. J’ai même reçu des critiques sur ma tenue vestimentaire, simplement parce que je portais un jour un pantalon de survêtement. »

Dans un contexte de travail aussi anxiogène, le syndicat a fait appel en début d’année à un expert pour analyser les risques psychosociaux de l’entreprise : « UUn expert neutre, venant d’un cabinet externe, peut identifier ce qui doit être amélioré pour favoriser des conditions de travail plus saines. Cela a été contesté par la direction, qui nous a assigné en justice. C’est également dans ce contexte que Loan a témoigné et qu’il se retrouve désormais licencié pour des motifs inappropriés, tout comme deux autres confrères qui ont également témoigné. »

« J’aimerais que justice soit faite »

Loan Léton réfléchit à son avenir, mais reste perplexe : « J’aimerais retrouver mon travail, parce que j’ai adoré ce que je faisais, mais pas dans les mêmes conditions avec le même management. » Soutenu par la CGT, il envisage de saisir les prud’hommes : « J’attends des réponses sur les véritables raisons de mon licenciement, ainsi qu’une indemnisation. Cette expérience est difficile, et je me retrouve au chômage, dépendante du salaire de mon conjoint. J’aimerais vraiment obtenir des réponses et justice. »

Pour le moment, la société Concentrix n’a pas encore parlé à notre rédaction.

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