« Un vent de liberté »… Le skateboard casse les codes et réussit son concours d’entrée à la Concorde
Au Concorde,
« Tu viens me crier dessus parce que je prends des photos et je n’ai pas le droit de m’asseoir ici, c’est ça ? » Dans le milieu du skateboard, on pourrait penser que nos références journalistiques et notre apparence font de nous des rabat-joie potentiels. Mais non, il n’y a aucune intention ici de priver Noah Muller, un étudiant suisse de 21 ans, de son Climax des JO de Paris 2024, à savoir assister quasiment de l’intérieur à la médaille d’or de son idole, le Japonais Yuto Horigome.
Sous un soleil resplendissant et 30 degrés, il a vraiment optimisé son expérience lundi sur le superbe site de la place de la Concorde, où se dérouleront également du cyclisme BMX freestyle, du basket 3×3 et du breaking. « Au début, je me suis installé à ma place prévue sur mon billet, en haut d’une tribune dans le skatepark, raconte Noah. Puis je me suis rendu compte qu’il y avait quelques places libres, installées à deux mètres de l’endroit où les skateurs démarrent leur courir. J’ai dû saisir ma chance.
Kinane (13 ans) observe l’Onodera japonais (14 ans)
C’est une bonne décision pour lui, comme pour d’autres jeunes passionnés, de rejoindre cet espace initialement dédié, tout autour du skatepark, aux personnes en fauteuil roulant ainsi qu’à leurs accompagnateurs. Egalement aux premières loges avec un ami handicapé, Isaak (26 ans) profite de sa journée : « C’est un sport incroyable à regarder, qui a tout pour faire rêver les enfants et pourquoi pas déclencher des vocations ». Deux enfants venus dans le cadre d’une sortie avec un centre de loisirs de Seine-Saint-Denis, Royale (7 ans) et Kinane (13 ans) ne ratent rien des trucs tenté par les 22 patineurs inscrits à la compétition masculine.
« C’est une belle surprise, ce qu’ils font est stylé et impressionnant », s’enthousiasme Kinane, qui observe sans le savoir un athlète olympique japonais, Ginwoo Onodera, qui n’a qu’un an de plus que lui. Parmi ces supposés VIP, qui ne le sont donc pas du tout, David ne regrette pas d’être venu au Concorde, même si cela lui a coûté un visage écarlate au vu du soleil aussi incisif qu’un 900 de Tony Hawk sur son prime.
« Plus qu’un sport, c’est un spectacle »
« Je n’aurais jamais pensé assister un jour à une compétition de skateboard dans le cadre des Jeux Olympiques, surtout dans un complexe aussi fantastique », confie ce Bruxellois de 51 ans. « Mon fils voulait à tout prix y être. Plus qu’un sport, je pense que c’est un spectacle. Et puis on ressent cet univers rue et ce vent de liberté. »
Notre Belge tape dans le mille avec cette dimension de « liberté » : oubliez vos habitudes des autres sites olympiques (mais pas seulement) consistant à vous installer à votre place désignée (et à y rester), avec l’impossibilité de rejoindre une autre tribune. Ici, il y a un mouvement permanent dans les allées autour des athlètes, et certains spectateurs (on revient à Noah et aux plus téméraires) peuvent les surveiller entre leurs s’exécute.
« Les athlètes se félicitent constamment les uns les autres »
Le tout avec la complaisance/ »coolness » des bénévoles de Paris 2024, dont les (rares) consignes sont clairement moins rigides qu’à La Défense Arena, au Grand Palais ou à l’Arena Champ-de-Mars pour ne citer qu’eux. « C’est l’esprit originel du skateboard et c’est tellement cool de voir que c’est respecté ici », poursuit Noah Muller. On laisse la musique allumée en permanence, même pendant les s’exécute « Chers athlètes, nous sommes enfin proches d’un événement X-Games. »
Seule différence : des familles à des années-lumière de la culture skate étaient aussi présentes parmi les 4 000 personnes présentes au skatepark lundi. « Le cadre est fou avec l’Obélisque juste à côté », insiste Véronique, venue avec sa fille Louise (12 ans). « Et puis on entre vite dans le jeu du skateboard, et on voit que c’est une communauté bienveillante. Les athlètes se félicitent tous sans arrêt en pleine compétition, on n’a pas l’habitude de voir ça ailleurs. » Sur ce point aussi, on sent que le skateboard reste un ovni dans la famille olympique, à l’occasion de ses premiers vrais JO avec ferveur, trois ans après ceux de Tokyo à huis clos.
« Développer la communauté du skateboard »
« Tokyo n’était qu’une retransmission télévisée, explique Boris Darlet, président de la Fédération française de roller et skateboard (FFRS). Il y a encore une appréhension dans la culture skate par rapport à l’esprit olympique. Mais les skateurs reconnaissent que ce parc urbain de la Concorde, qui était la volonté du Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo), est le plus bel endroit au monde qu’ils aient jamais vu pour une compétition. Les Jeux olympiques sont le sens de l’histoire pour le skateboard, d’autant qu’il y aura un retour aux sources, dans quatre ans, à Los Angeles. »
Un élan qui a néanmoins été freiné par l’élimination lundi des trois Français en lice pour une qualification en finale, dont le Lyonnais Aurélien Giraud, qui visait une médaille. La mère d’un autre concurrent non qualifié pour cette finale, le Canadien Matt Berger, 11e au classement lundi, est enthousiaste : « C’est un événement fantastique, avec une belle énergie, et le défi sera de faire grandir la communauté du skateboard dans les années à venir. »
Un vœu pieux partagé par Boris Darlet : « On a vu que la cérémonie d’ouverture avait cassé les codes. Ce mélange d’un Paris traditionnel avec l’Obélisque et son parc urbain est le prolongement de ces codes cassés. » Allez, on l’avoue, on a tellement été emportés par ce « vent de liberté » qu’on pardonnera au DJ son remix électro douteux de Radiohead. Le rendez-vous est pris dans quatre ans à LA