Le système antichar Bulsae-4 monté sur un véhicule à six roues a été repéré dans la région ukrainienne de Kharkiv, preuve supplémentaire de la coopération militaire croissante entre Pyongyang et Moscou.
Les obus nord-coréens de 152 mm labourent depuis plusieurs mois les terres du Donbass, où les Russes avancent désormais chaque jour de cinq à dix km2 à l’intérieur du système ukrainien. Mais c’est un nouveau type de matériel militaire livré par Pyongyang qui a été observé mardi 30 juillet par un drone de surveillance ukrainien dans la région de Kharkiv : pour la première fois, un blindé nord-coréen utilisé par l’armée russe a été aperçu sur le champ de bataille dans cette région où Moscou a lancé une nouvelle offensive au printemps. L’image a été publiée sur le compte Telegram @KUPua01 qui suit le déroulement du conflit en Europe de l’Est.
Les spécialistes de l’OSINT ont formellement identifié le véhicule blindé à six roues motrices comme étant le système antichar Bulsae-4, qui, grâce à ses huit tubes porteurs de missiles guidés, peut atteindre des cibles à plus de dix kilomètres de distance, hors de portée visuelle. Les programmes militaires du royaume ermite étant particulièrement opaques, peu d’informations sont disponibles à leur sujet : le Bulsae-4 a été officiellement présenté à la télévision d’État nord-coréenne en 2016 et, selon certaines sources sud-coréennes, sa portée pourrait atteindre 25 kilomètres.
5,2 millions de coquilles
L’essentiel n’est pas d’identifier les spécificités exactes de cette arme nord-coréenne, mais plutôt de constater que l’aide militaire nord-coréenne à la Russie se diversifie et dépasse désormais le simple envoi de munitions. Le conflit en Ukraine, lancé en février 2022 il y a plus de deux ans, est devenu une guerre d’usure : chaque protagoniste tente d’épuiser les réserves d’hommes et de matériel de son adversaire. Malgré l’aide occidentale, Kiev peine face à Moscou, qui bénéficie des vastes stocks de l’Union soviétique, d’une industrie de défense mobilisée dans le cadre de l’économie de guerre, et d’alliés prodigues, à commencer par la Corée du Nord, sans oublier l’Iran et ses drones bon marché.
Le soutien direct du régime nord-coréen à l’invasion de l’Ukraine par la Russie a commencé discrètement à l’été 2023, mais s’est cristallisé en septembre de la même année lors de la visite de Kim Jong-un à Moscou. Dans une interview au journal japonais Actualités Yomiuri Le 24 juillet, le ministre sud-coréen de la Défense, Shin Won-sik, a estimé que les conteneurs nord-coréens exportés vers la Russie équivalaient à quelque « 5,2 millions d’obus de 152 mm »mais aussi à « Des dizaines de missiles balistiques à courte portée »Les chiffres sont considérables, car la capacité de production annuelle de la Russie pour ces obus est estimée à quelque trois millions d’exemplaires et l’armée russe tirerait chaque jour entre 10 000 et 20 000 obus sur l’Ukraine. L’Union européenne a reconnu qu’elle ne pourrait pas livrer un million d’obus par an à Kiev en raison de ses capacités de production insuffisantes… et la commande de 800 000 à 1,5 million d’obus menée par la République tchèque, annoncée en mars dernier, accuse des retards.
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En juin, Vladimir Poutine s’est rendu à Pyongyang pour une visite d’État au cours de laquelle les deux dirigeants ont signé un nouvel accord. « partenariat stratégique »dont le contenu est gardé secret mais qui inclurait une clause de« assistance mutuelle » et pourrait ouvrir la voie à la livraison de nouveaux équipements militaires et aux échanges de technologies. Récemment, le magazine Le Diplomate basé à Washington et dédié aux questions asiatiques, croyait que « La guerre entre la Russie et l’Ukraine a ouvert de nouvelles opportunités pour l’industrie des chars nord-coréens ».
Pyongyang utilise encore de nombreux T-62, un vieux char soviétique datant de la guerre froide, que Moscou a récemment sorti de ses réserves pour compenser la forte attrition de son armée en termes de blindage. Selon le site Oryx, plus de 3 200 chars de combat russes ont été endommagés, détruits ou capturés depuis le début de la guerre, et les réserves issues de l’ère soviétique ne peuvent pas durer éternellement. Surtout, la plupart de ces vieux équipements nécessitent une solide modernisation avant d’être envoyés au front. L’industrie nord-coréenne pourrait ainsi compléter celle russe. La livraison du Bulsae-4 montre néanmoins que Pyongyang pourrait à l’avenir fournir de nouveaux types d’équipements, non utilisés actuellement par Moscou.
Cette image, anecdotique en elle-même, est donc probablement un signal faible d’un renforcement, dans les prochains mois, de l’aide militaire nord-coréenne à la Russie. Verra-t-on bientôt des dizaines de chars en provenance du lointain royaume ermite à l’est du Dniepr ?