Un Ukrainien de 23 ans remporte un prix pour son invention qui transforme les feuilles mortes en papier
Fabriquer des emballages en papier à partir de feuilles mortes… Valentyn Frechka, un jeune Ukrainien installé en France, poursuit méthodiquement son rêve, désormais sur le point d’inaugurer une usine pilote près de Paris alimentée par les feuilles de la capitale.
Le scientifique de 23 ans vient de remporter le deuxième prix dans la catégorie Jeune inventeur 2024 de l’Office européen des brevets (OEB) lors d’une cérémonie à Malte.
A l’origine de son projet, une démarche ambitieuse et très réfléchie : trouver une idée jamais exploitée auparavant qui pourrait répondre à un défi du siècle.
« Nous avons eu très rapidement de bons résultats »
« Une idée que j’aurais présentée en Ukraine, puis à l’international. Je voulais voir le monde et je voulais représenter mon pays », expliquait-il à Paris en juin dernier depuis Station F, un incubateur de start-up qui abrite aujourd’hui son équipe de 20 personnes.
Avec l’aide de son professeur de chimie, il a trouvé sa voie en 2017 dans un parc planté de vieux chênes, en voyant les feuilles tomber : « utiliser les fibres pour fabriquer du papier ! Les feuilles contiennent de la cellulose, la matière principale du papier. Et très vite on a eu de bons résultats. »
Le projet remporte rapidement un concours national, puis des médailles aux États-Unis, au Kenya, en Europe, etc. Il reçoit un premier soutien du WWF, qui en entraîne d’autres, notamment dans l’Union européenne, où le jeune entrepreneur choisit d’implanter ses « accélérateurs d’innovation ».
C’est ainsi qu’est née en 2020 la société Releaf Paper. L’entreprise produit de la pâte à papier à partir de feuilles de Kiev, mais elle commercialise également le papier sous son nom, après fabrication par des papeteries ukrainiennes à partir de la pâte fournie : « il fallait montrer que ça marche ».
Le procédé mis au point permet désormais de produire une tonne de cellulose à partir de 2,3 tonnes de feuilles mortes, évitant ainsi l’abattage de 17 arbres, explique l’inventeur, qui travaille avec un compatriote pour la partie développement de l’entreprise qu’ils ont cofondée.
L’Oréal, Weleda, Logitech… Les entreprises utilisent déjà cette nouvelle technologie
La transformation des feuilles se fait, après un nettoyage minutieux, par un traitement « thermo-mécanique » impliquant broyage et ramollissement à la vapeur à haute pression. Objectif : isoler les fibres, pour produire une pâte semblable à la pâte de bois. On utilise de l’eau, mais aucun produit chimique, insiste son concepteur.
Pour fabriquer du papier, cette pâte, qui fournit des fibres courtes, est ensuite mélangée à du papier recyclé, qui fournit des fibres longues. Parmi les clients de Releaf Paper, L’Oréal, Weleda, Logitech… qui ont commandé des boîtes, des sacs, des cahiers…
Valentyn Frechka a également perfectionné ces techniques à l’Ecole Internationale du Papier et des Biomatériaux de Grenoble, qu’il a rejoint en 2022 lorsque la guerre a éclaté entre son pays et la Russie.
En Ukraine, l’activité de Releaf se poursuit. « Nous sommes Ukrainiens, c’est une façon de soutenir notre économie. Et nous avons toujours notre équipe là-bas, cinq personnes », explique Valentyn Frechka, désormais loin de sa famille et de son village de Transcarpatie, près de la frontière roumaine. Mais pour Releaf Paper, l’heure est désormais au déploiement en France. Grâce à un soutien européen de 2,5 millions d’euros, l’entreprise devrait bientôt inaugurer son usine pilote aux Mureaux (Yvelines), « avant la saison des feuilles ». Un espace de 2 000 m2 qui traitera 5 000 tonnes de pâte par an. L’entreprise a déjà sécurisé 25 000 tonnes de feuilles annuelles auprès de la Ville de Paris.
Le coût de ce papier sera de 10 à 30 % plus cher que celui du papier recyclé, mais Valentyn Frechka ne doute pas qu’il baissera avec l’essor de la production. Et il réfléchit déjà à d’autres développements, pour les « papiers de soie » (mouchoirs, papier toilette, etc.). « Les consommateurs du XXIe siècle ne veulent plus que l’on coupe des arbres pour cela. Il faut trouver des alternatives », explique le jeune inventeur, qui s’intéresse de près aux propriétés des feuilles de bananier et d’ananas.