Nouvelles locales

Un terrain sur un archipel arctique stratégique est à vendre, suscitant l’intérêt de la Chine

Pour 300 millions d’euros, on peut aujourd’hui acquérir 60 km2 de plaine et de montagne au sud-ouest de l’archipel, loin de tout.
Lisi Niesner / REUTERS

Il s’agit du dernier terrain encore entre des mains privées au Svalbard, dans l’Arctique. Une opération à laquelle s’opposent les autorités norvégiennes, qui détiennent 99,5% de cet archipel.

Une opportunité unique : le dernier terrain encore en mains privées sur l’archipel stratégique du Svalbard, dans l’Arctique, est à vendre, une opération susceptible d’attirer la Chine et à laquelle les autorités norvégiennes s’opposent. À mi-chemin entre la Norvège continentale et le pôle Nord, le Svalbard se situe dans une région dont la valeur géopolitique et économique augmente à mesure que les tensions entre la Russie et l’Occident s’intensifient et que la banquise recule.

Pour 300 millions d’euros, vous pouvez aujourd’hui acquérir la zone du Søre Fagerfjord, au sud-ouest de l’archipel : 60 km2 de plaine et de montagne, loin de tout, dépourvus d’infrastructures mais agrémentés d’un glacier et de 5 km de rivage. « C’est le dernier terrain privé du Svalbard et, à notre connaissance, le dernier terrain privé au monde dans l’Extrême Nord »» se vante l’avocat Per Kyllingstad chargé de représenter les vendeurs. « Les Chinois sont naturellement des acheteurs potentiels car ils manifestent depuis longtemps un réel intérêt pour l’Arctique et le Svalbard »dit-il en s’assurant qu’il avait reçu « des marques d’intérêt concrètes » venant de ce pays.

Depuis le Livre blanc qu’elle a consacré à la région en 2018, signe de l’importance qu’elle y attache, la Chine se définit comme un État « près de l’Arctique » et entend y jouer un rôle croissant. Pourtant, le Svalbard est régi par un ovni juridique qui ouvre la porte aux désirs étrangers. Un traité de 1920 reconnaît la souveraineté norvégienne sur ce territoire mais accorde également aux ressortissants des parties contractantes – dont la Chine – le droit d’en exploiter les ressources naturelles. « sur un pied d’égalité ». C’est par exemple pour cette raison que la Russie dispose de plusieurs emprises là-bas, où sa société d’État Trust Arktikugol a exploité et exploite encore des gisements de charbon.

Mais les temps ont changé. Jalouse de sa souveraineté, la Norvège serait défavorable à voir le domaine de Søre Fagerfjord tomber aux mains d’un pays étranger. A fortiori la Chine, considérée par les services de renseignement norvégiens comme la principale menace étrangère contre le royaume après la Russie.

« Troisième Guerre mondiale »

Le procureur de la République a donc mis en demeure les propriétaires – une société contrôlée, selon les médias locaux, par un Russe naturalisé norvégien – d’annuler le processus de transfert. « Le terrain ne peut être vendu sans l’accord des autorités norvégiennes »» déclare la ministre du Commerce et de l’Industrie, Cecilie Myrseth. « Il n’est pas non plus possible d’entamer des négociations sur la propriété », Elle ajoute. Un argument qui s’appuie sur les clauses d’un ancien emprunt accordé par l’Etat en 1919. Per Kyllingstad assure qu’il existe un délai de prescription.

L’État norvégien possède 99,5 % du Svalbard et a classé la majeure partie du territoire, y compris la zone de Søre Fagerfjord, comme zones protégées où la construction et les déplacements motorisés sont interdits. Mais les vendeurs ne voient pas les choses du même oeil et invoquent le traité de 1920. « Tous les partis doivent avoir les mêmes droits »souligne Per Kyllingstad, arguant que la Norvège avait construit des logements, un aéroport et des installations portuaires à Longyearbyen, la capitale de l’archipel. « Imaginez que la Norvège adopte désormais des réglementations limitant les activités sur les emprises russes »il a dit, « ce serait la troisième guerre mondiale ».

Pour Andreas Østhagen de l’Institut de recherche Fridtjof Nansen, le terrain de Søre Fagerfjord a une valeur économique « minimal » et son éventuel transfert ne représente pas « une énorme menace » pour la Norvège. Mais, dit-il, « Posséder des terres au Svalbard pourrait avoir une valeur stratégique dans 50 ou 100 ans ». En attendant, la mention des intérêts chinois est, selon lui, avant tout « un chiffon rouge pour forcer les autorités norvégiennes à faire quelque chose ».

En 2016, le gouvernement a déboursé 33,5 millions d’euros pour acheter, près de Longyearbyen, l’avant-dernier terrain encore privé du Svalbard qui, disait-on déjà, suscitait l’intérêt des investisseurs chinois. Cela lui avait valu les critiques de ceux qui jugeaient qu’il s’était laissé tromper par des arguments que rien n’avait jamais pu soutenir. En 2018-2019, l’État avait également déjà négocié le rachat de Søre Fagerfjord mais les négociations butaient sur le prix. Selon la ministre Cecilie Myrseth, sa porte reste ouverte tant que les conditions sont réunies. « réaliste ».

 » data-script= »https://static.lefigaro.fr/widget-video/short-ttl/video/index.js » >

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
Bouton retour en haut de la page