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« Un symbole mais insuffisant »… Le fait que l’Etat soit actionnaire du doliprane change-t-il vraiment quelque chose ?

Fin du suspense pour le doliprane. Le géant Sanofi va céder 50% de sa filiale Opella, qui produit notamment le célèbre médicament, au fonds américain CD&R. Un changement de nationalité qui se passe plutôt mal. Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, a notamment dénoncé « le symbole de l’échec de Macron ». Le Covid-19, et notamment la pénurie de masques au début de la pandémie, ont remis sur la table la quête de la « souveraineté sanitaire ».

Voyant le scandale prendre de l’ampleur, l’Etat a cherché à rassurer en annonçant ce week-end qu’il était désormais actionnaire d’Opella, via sa banque publique d’investissement. « Bpifrance devrait participer en tant qu’actionnaire minoritaire à hauteur d’environ 2% », précise Sanofi dans un communiqué. Cette intervention de l’État change-t-elle la donne ?

Une volonté de l’Etat « impossible à imposer »

«C’est encore une part très très minoritaire», estime Nathalie Coutinet, professeur d’économie de la santé à Sorbonne Paris Nord Université. L’Etat ne pourra pas imposer de décisions à Opella, et cette prise de capital n’offre aucune garantie d’une réelle stratégie de maintien du doliprane en France. »

Bruno Coquet, docteur en économie, est également sceptique : « L’État n’a jamais réussi à imposer sa volonté dans les grands groupes où il est actionnaire minoritaire, même dans les participations où il détenait bien plus de 2 % de parts. « . Le chercheur prend notamment l’exemple des premières fermetures d’usines Renault, auxquelles l’Etat s’est systématiquement opposé, sans parvenir à convaincre.

« Mieux que rien, mais insuffisant »

Autre preuve pour Nathalie Coutinet : « L’État était contre le rachat d’Opella par un groupe étranger, et pourtant, c’est ce qui s’est passé. Cela illustre bien la possibilité limitée pour l’État d’influencer les décisions des grands groupes. »

Pour l’expert, étant actionnaire ultra-minoritaire d’Opella, « c’est toujours mieux que rien, mais ce n’est pas du tout suffisant » pour rassurer. Mieux que rien, l’économiste Philippe Crevel veut aussi le croire : « Cela permet d’avoir un représentant au conseil d’administration et d’être informé des décisions que le groupe compte prendre. » Et même si avec 2% et une seule petite voix, le conseiller de la Bpi ne pourra bien sûr pas y opposer son veto, « il lui sera toujours possible de faire preuve de réactions et d’agitation en cas de décision qui déplaît à l’Etat » .

Et pourquoi ne pas devenir actionnaire majoritaire à 51 % ? « Cela coûterait beaucoup trop cher », dans un budget 2025 qui cherche à réduire les dépenses. Le groupe Opella est valorisé à 16 milliards d’euros.

« Un effet d’annonce »

L’État a certes posé quelques conditions à cet accord tripartite, comme une amende de 40 millions d’euros en cas d’arrêt de production en France. Mais pour un achat valant plusieurs milliards d’euros, on peut encore se poser la question de l’intérêt d’une toute petite amende en comparaison. «C’est un effet d’annonce pour faire croire que l’État n’est pas totalement impuissant dans cette histoire», constate Nathalie Coutinet. « Mais en réalité, il ne pourra pas faire grand-chose si CR&D prend des décisions contraires aux intérêts de la France. »

Même conclusion pour Bruno Coquet : « Le doliprane est un symbole, il fallait répondre par un symbole. Cette décision ne change pas le problème de la souveraineté sanitaire, mais permet de trouver une solution politique. L’État n’aura rien fait », et tant pis si l’action en elle-même est un peu inutile.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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