Divertissement

il m’entraĂ®ne en fin de nuit… 🧛

Rue dĂ©serte. Dernière cigarette. Plus rien ne bouge. Juste un bordel qui Ă©claire en rouge le trottoir d’une prostituĂ©e. C’est ainsi qu’entre en scène Louis, un proxĂ©nète crĂ©ole originaire d’une petite ville de la Nouvelle-OrlĂ©ans en 1910, qui tente de faire prospĂ©rer son entreprise tout en luttant contre ses propres penchants sexuels. C’est lĂ  qu’intervient Lestat, un homme d’affaires tout juste arrivĂ© de France, qui compte bien faire du jeune homme son compagnon d’immortalitĂ©. En 2020, Ă  DubaĂŻ, le journaliste Daniel Molloy reprendra ce qu’il avait abandonnĂ© des annĂ©es plus tĂ´t, son entretien avec un vampire. Placement du titre, rideau.

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Cet aperçu d’une histoire, Ă  quelques dĂ©tails près, vous dit forcĂ©ment quelque chose. Il s’agit du plus gros succès de la romancière Anne Rice, sortie en 1978, qui a elle-mĂŞme Ă©crit le scĂ©nario du film Ă©ponyme en 1994 avec une belle programmation hollywoodienne : Brad Pitt, Tom Cruise, Antonio Banderas, Christian Slater et la très jeune Kirsten Dunst. Excusez-moi un peu. Le film a Ă©tĂ© nominĂ© pour deux Oscars et a remportĂ© le prestigieux prix du pire couple pour Pitt et Cruise aux Razzie Awards 1995.

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Depuis 2020, ce sont les studios AMC – les mĂŞmes qui produisent 36 sĂ©ries The Walking Dead par an – qui ont rĂ©cupĂ©rĂ© les droits d’adaptation des Ĺ“uvres de Rice et ont immĂ©diatement annoncĂ© que Interview with the Vampire reprendrait vie sous forme de sĂ©rie. . Et alors que la saison 2 s’apprĂŞte Ă  arriver aux Etats-Unis, le public français peut enfin dĂ©couvrir l’avant-première sur Paramount+. Alors cadeau des anges ou Ĺ“uvre d’un Diable s’habillant en Prada ?

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Vous l’aurez compris Ă  la lecture du pitch (ce qui se trouve au tout dĂ©but de cet article), le show entend reprendre les points principaux de Rice tout en changeant la ponctuation afin de souligner diffĂ©rents dĂ©tails. Avant de crier au complot, Ă  l’infamie et Ă  la chasse aux sorcières, il faut prĂ©ciser que l’auteur elle-mĂŞme a eu son mot Ă  dire dans cette adaptation (avant sa mort) et que si cet Entretien avec le vampire avait fait exactement la mĂŞme chose que les deux autres Entretien avec le vampire Vampire, alors ça aurait Ă©tĂ© moins une interview et plus une transcription.

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D’autant qu’on ne peut pas reprocher Ă  la sĂ©rie de saccager la parole de ses modèles (livre et film) puisqu’elle a au contraire utilisĂ© sa plus grande libertĂ© d’espace – sept Ă©pisodes d’environ 45 minutes chacun – et les enjeux sociĂ©taux passĂ©s et prĂ©sents pour rĂ©tablir puis Ă©toffer la vĂ©ritĂ©.

L’argent est chic et les vampires sont bizarres

Tout d’abord, la série permet de mettre des images et des mots sur ce que le film a refusé de faire. Oui, le mythe du vampire chez Rice est complètement associé à la culture homosexuelle et plus largement LGBTQIA+. Nous parlons de créatures qui entrent dans votre esprit et sucent votre sang. Quant à ceux qui voudraient devenir immortels, vous devrez aussi sucer.

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Et si le film de Neil Jordan Ă©tait aussi homosexuel qu’un match de volley-ball dans Top Gun, il ne faudrait pas brusquer le grand public et se contenter de faire des insinuations très lourdes. On peut mĂŞme dire que les images font tellement transpirer les parties des dents en l’air qu’il devient ridicule de ne pas les montrer.

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Un problème que la sĂ©rie efface aussi vite que l’eau du bain et le bĂ©bĂ© avec. Louis se cherche et sa transformation va lui permettre de rĂ©vĂ©ler sa vraie nature Ă  ses proches, catholiques convaincus, qui ne l’acceptent plus. Le spectacle joue alors sur ses deux temporalitĂ©s diffĂ©rentes. En 1910, on parlait de dĂ©mons, en 2020, le mot coming out n’est plus un tabou. L’homme est ouvertement gay et sa relation avec Lestat est filmĂ©e.

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Fini les non-dits, fini les secrets, le vampire n’est autre que l’esclave de ses propres dĂ©sirs et ceux-ci sont enfin assumĂ©s. LĂ  encore, pas de quoi crier au scandale puisque tout Ă©tait lĂ  depuis le dĂ©but et que cela finisse par apparaĂ®tre Ă  l’Ă©cran n’est qu’une suite logique, naturelle de la chose. Cet Entretien avec le vampire est le mĂŞme qu’en 1976, mais sans les interdits. La sĂ©rie s’en moque en faisant rĂ©fĂ©rence Ă  une prĂ©cĂ©dente interview des annĂ©es 70 qui n’aurait pas vraiment Ă©tĂ© « honnĂŞte ».

Entretien avec un vampire ?

LĂ  oĂą le spectacle Ă©choue, c’est lorsqu’il s’agit de mettre en scène son propos. Si le cĂ´tĂ© vampirique de l’interview est prĂ©sent, il se fait Ă  peine sentir devant la camĂ©ra tant il semble ne pas parvenir Ă  iconiser ce statut. La dimension fantastique n’a aucune valeur ajoutĂ©e Ă  l’Ă©cran au point qu’on a parfois l’impression que la partie surnaturelle intĂ©resse bien plus les scĂ©naristes que les diffĂ©rents rĂ©alisateurs.

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La camĂ©ra filme les acteurs qui disent des choses, font des choses, mais sans y apporter la moindre valeur ajoutĂ©e. Ce n’est qu’un outil austère. Par moments, elle nous donne l’impression de ne plus savoir vers qui se tourner, faisant preuve de violence et d’Ă©rotisme frontal avant de se replier vers une timiditĂ© surprenante. Et les premiers sacrifiĂ©s sur l’autel du puritanisme visuel sans Ă©nergie, ce sont les acteurs qui, d’une scène Ă  l’autre, ont ce petit truc animal dans les yeux. Sauf que bien souvent, l’animal est mort.

Nous avons tous du sang rouge

Pas de quoi trop gâcher une Ă©mission qui aborde de nombreux sujets, dont la question raciale. LĂ  oĂą le vampire de Pitt Ă©tait un propriĂ©taire blanc, l’identitĂ© crĂ©ole fait partie intĂ©grante de ce Louis incarnĂ© par Jacob Anderson et de l’intrigue. Un changement de perspective qui permet d’accentuer ce qui est le thème central du rĂ©cit, Ă  savoir l’acceptation de qui nous sommes et le rejet des diffĂ©rences.

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Louis se cherche en vampire homosexuel crĂ©ole, ce qui renforce ses tourments, ses dĂ©sirs et parfois sa haine des mortels. Il est plus que victime d’une relation toxique avec son père, mentor et amant (incarnĂ© par Sam Reid comme un faux Pitt pour la blague), il est l’esclave de cette relation, de sa nouvelle condition, et il ne souhaite pas dĂ©faire ses chaĂ®nes. La grande force de la sĂ©rie est lĂ , donnant de la profondeur Ă  chaque symbole.

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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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