un sommet à la recherche d’une paix impossible à obtenir
► Que peut-on attendre du sommet ?
L’idée d’un sommet mondial est née d’une demande du président ukrainien Volodymyr Zelensky. « Je vous invite à organiser un sommet mondial pour la paix », » a-t-il déclaré aux parlementaires suisses le 15 juin 2023. Un an plus tard, la Suisse accueille ce week-end des représentants de plusieurs dizaines de pays et d’organisations internationales, dont environ la moitié sont des Occidentaux, dans un complexe hôtelier perché sur une crête rocheuse. Sur la photo de la conférence, l’un des deux belligérants du conflit sera cependant absent. Contacté par les autorités suisses, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré que son pays ne viendrait pas s’il était invité. En l’absence de la Russie, le Brésil et la Chine ne viendront pas, contrairement à l’Inde, autre membre fondateur des BRICS.
Les organisateurs suisses veulent toutefois éviter de transformer la rencontre en un sommet pour l’Ukraine et contre la Russie. En réalité, ils ne prévoient pas la signature de la paix à l’issue des discussions. « L’idée est de mettre en place une feuille de route et un cadre dans lequel pourraient s’inscrire des négociations partielles », analyse l’ancien diplomate Marc Finaud, chercheur associé au Centre de politique de sécurité de Genève. Concrètement, les participants travailleront sur la sécurité alimentaire, la liberté de navigation en mer Noire, la sécurité des centrales nucléaires, le déminage ou encore les échanges de prisonniers. Selon les diplomates, il s’agit de trouver des points de rapprochement qui créeront de la confiance en vue d’un processus de paix. « Aujourd’hui, les positions sont tellement opposées qu’il est difficile de voir les pays faire des concessions. » prédit Marc Finaud.
► Que sait-on des précédentes négociations entre Russes et Ukrainiens ?
En juin 2023, Vladimir Poutine brandit un document de 17 pages contenant un projet d’accord négocié à Istanbul entre les délégations russe et ukrainienne, le 15 avril 2022. Selon lui, les belligérants étaient alors très proches d’une paix, qui se serait effondrée à le dernier moment en raison de l’intransigeance des Occidentaux.
La réalité est plus nuancée, même s’il est vrai que Kiev et Moscou semblaient ouverts à d’importantes concessions lors de ces discussions menées sous l’égide de la Turquie. L’Ukraine a accepté le statut d’État neutre » pour toujours « et une limitation de la taille de son armée. La Russie n’était pas opposée à l’adhésion à l’Union européenne. Mais cet avant-projet devait donner lieu à un sommet entre les présidents russe et ukrainien pour discuter des questions qui fâchent : combien de divisions pour l’armée ukrainienne, qu’en est-il des territoires occupés par la Russie…
Autre point en suspens, le texte prévoyait que l’Ukraine, en échange de sa neutralité, obtiendrait des garanties de sécurité obligeant les Etats-Unis à entrer en guerre en cas d’agression. Un point sur lequel les Américains n’ont pas voulu s’engager.
Pourquoi ces négociations, qui semblaient très avancées, se sont-elles brusquement arrêtées ? Certains parlent du manque de confiance des deux côtés, de la réticence des Occidentaux à cautionner cet accord, de l’impact de la découverte des atrocités russes commises à Boutcha, de la confiance retrouvée de l’armée ukrainienne. D’autres affirment que Moscou cherchait seulement à gagner du temps. « Il est très difficile de savoir aujourd’hui si Istanbul a été une occasion manquée », » déclare Yannick Quéau, directeur du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité. Les négociateurs étaient-ils sincères ? Il est courant dans les conflits d’assister à ce type de séquence. »
Désormais, les discussions se poursuivent via les canaux informels de la diplomatie parallèle. « Les acteurs du conflit utilisent des chercheurs, d’anciens diplomates, des hommes d’affaires, des humanitaires pour discuter et observer la réaction de l’adversaire, poursuit Yannick Quéau. La diplomatie parallèle vous permet de tester des idées, sans dire officiellement que vous êtes prêt à négocier. C’est un jeu de poker menteur. »
► Quelles sont les positions des Russes et des Ukrainiens aujourd’hui ?
Kiev reste fidèle à sa formule de paix, élaborée fin 2022. Ce document en dix points prévoit le retrait des troupes russes et le rétablissement de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, la création d’un tribunal international pour les crimes de guerre russes, mais également un système de garanties de sécurité pour l’Ukraine, ainsi que des dispositions telles que la garantie de la sécurité alimentaire et nucléaire. « Le développement de cette formule de paix était important, car il a permis à l’Ukraine de désamorcer les discours qui en faisaient des bellicistes refusant le principe des négociations », dit Marie Dumoulin, ex-diplomate et spécialiste de l’espace post-soviétique.
Mais en réalité, la perspective de négociations de paix est aujourd’hui bloquée, car les exigences russes restent inconciliables avec les positions ukrainiennes. «Les Ukrainiens continuent de dire que leur objectif est de mettre en œuvre un processus menant à un deuxième sommet auquel participeront les Russes, mais je ne pense pas que les Européens attendent la même chose, note Marie Dumoulin. Les russes se disent prêts à négocier, mais à condition que l’Ukraine reconnaisse «les nouvelles réalités territoriales», ce qui est inacceptable pour Kiev. Et Vladimir Poutine a laissé entendre qu’il ne voyait aucune raison de négocier, car la Russie est en position de force. »
Ce sommet en Suisse sera donc avant tout un exercice de démonstration pour l’Ukraine et une tentative d’élargir le soutien à l’Ukraine vers les pays du Sud. Plus le nombre de pays participants et représentés à un niveau élevé sera élevé, plus l’opération sera couronnée de succès. A l’inverse, la Russie tente de dissuader autant que possible d’autres pays de participer à ce sommet et a lancé une campagne d’information contre le prétendu manque de sincérité de la partie ukrainienne. Les Suisses ont indiqué que, » comme prévu « , Des cyberattaques liées à l’organisation de la conférence de paix, et dont ils n’ont pas nommé les auteurs, ont été constatées dans la matinée du jeudi 13 mai, deux jours avant le coup d’envoi du sommet.
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Des milliards d’euros pour l’Ukraine
Les dirigeants du G7 se réunissent en Italie atteint, jeudi, un « accord politique » sur l’utilisation des intérêts générés par les avoirs russes gelés en faveur de l’Ukraine, a déclaré un responsable de la Maison Blanche.
D’un montant de plus de 260 milliards d’euros, ces avoirs russes gelés depuis le début du conflit en 2022 génèrent entre 2 et 3 milliards d’euros d’intérêts chaque année. Ces revenus serviront à rembourser un emprunt contracté par l’Ukraine à hauteur de 50 milliards de dollars (46,3 milliards d’euros).
En outre, Les ministres de la Défense des États membres de l’OTAN se sont réunis jeudi à Bruxelles pour négocier un accord sur le montant de leur soutien à l’Ukraine. Le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg, souhaite le maintenir à un niveau minimum de 40 milliards d’euros par an.