un récidiviste condamné à dix ans de prison à Bordeaux
La présidente Morgane Dumy commence par un examen du casier judiciaire du prévenu. « Cela donne une couleur particulière à ce dossier », prévient-elle. Dans la boîte, une feuille de papier et un crayon à la main, Vincent Terrasson, fines lunettes métalliques sur le nez, écoute religieusement avant de prendre des notes. Cet homme de 34 ans, originaire de Niort et résidant en Gironde, à Bègles depuis 2021, est un récidiviste d’infractions sexuelles sur enfants, déjà condamné à trois reprises.
Il est poursuivi pour de nouveaux téléchargements de milliers d’images pédopornographiques sur la toile, des agressions sexuelles sur deux petits garçons de 9 ans et du voyeurisme sur ces mêmes enfants, entre octobre 2021 et septembre 2023. Il a replongé quelques semaines après sa sortie de prison.
Il construit « une légende »
Il a commencé par « construire une légende » sur les sites et forums pédophiles. Sous le pseudonyme de Dadboyfr, cet homme célibataire sans enfant se décrit comme étant le père d’un garçon de 8 ans qu’il maltraitait. En mai 2023, son activité est repérée par le FBI, qui alerte les autorités françaises. Quatre mois plus tard, il a été arrêté. Des milliers de contenus pédopornographiques ont été découverts sur son ordinateur et ses téléphones. « Ça a été téléchargé automatiquement, c’est un téléchargement de masse », explique-t-il en consultant ses notes. Je regrette tout cela, j’en ai honte. Mais il était plus fort que moi. Quand je téléchargeais, je n’étais plus la même personne. Je pleurais. »
L’enquête révèle qu’il a non seulement téléchargé mais aussi rencontré des enfants, même si ses condamnations antérieures le lui interdisaient. Lorsqu’il ne travaillait pas comme caissier chez un grossiste, Vincent Terrasson passait des heures sur Internet, notamment sur le jeu vidéo en ligne Fortnite. « Je ne l’utilisais pas pour voir des mineurs, mais pour rencontrer des gens », raconte-t-il. J’ai besoin d’une vie sociale. »
C’est pourtant par ce biais qu’il rencontre deux mères célibataires, l’une en Vendée, l’autre dans le Nord de la France, en 2022. Chacune joue à Fortnite avec ses enfants et a posté, sur des forums dédiés au jeu, des messages auxquels il répond. « C’était son mode opératoire », pense Me Antoine Mathias, avocat des familles de petits garçons, parties civiles. « Il entre dans la vie de ces familles qui présentent certaines fragilités et en profite pour approcher des mineurs », fait valoir l’avocat qui constate des « défaillances dans le suivi des prévenus ». « Cela fait dix ans qu’il est soigné et rien n’a changé », tempère-t-il.
« Besoin de rencontrer du monde »
En 2022, Vincent Terrasson est invité en Vendée et s’y rend à plusieurs reprises. A chaque fois, il dort dans la chambre du fils de 9 ans qui confie plus tard avoir été touché. Idem pour un de ses camarades. Sur le téléphone du prévenu, des vidéos des deux enfants se changeant dans les vestiaires d’une piscine ont été retrouvées. «Je le reconnais, mais pas les attentats», se défend le prévenu. Je ne vais pas avouer quelque chose que je n’ai pas fait. »
Après la Vendée, il part dans le Nord, notamment pour un baptême. Toujours en violation de son contrôle socio-judiciaire. « Il flirte avec la limite », alerte son conseiller en insertion et probation. « Pourquoi ne respectez-vous pas l’interdiction ? Pourquoi ça ne marche pas avec toi ? », demande le président. « J’avais besoin de rencontrer du monde », répète le prévenu.
« Il entre dans la vie de ces familles qui présentent certaines fragilités et en profite pour approcher des mineurs »
Depuis son arrestation, il est « en couple » avec la mère de famille originaire du Nord. Présente à l’audience, elle « lui fait entièrement confiance ». Ses enfants ont été placés auprès de leur père, par la justice. « On s’aime, on est pacsés », explique Vincent Terrasson qui imagine « une nouvelle vie », après avoir « vécu le harcèlement à l’école, la fatphobie, la solitude ».
« Perversité structurelle »
Il justifie ses multiples récidives par des agressions et des viols qu’il a lui-même subis dans son enfance. Il a déposé une première plainte en 2012, classée sans suite, et une seconde plus récemment, toujours à l’étude. « Le discours que je sens avoir est celui du : ‘Ce n’est pas ma faute.’ Les enfants que je représente méritent mieux qu’un lâche », affirme l’avocat de l’association La Mouette, Me Marie Pommies-Courbu, partie civile.
« Perversité structurelle », « attitude manipulatrice », « appétit pédophile ciblant les garçons » et « risque élevé de récidive » sont soulignés par l’expertise psychiatrique de l’accusé. « Aujourd’hui encore, il démontre qu’il est incapable de trouver une place dans la société, sans risque pour les enfants », insiste le procureur Olivier Bonithon, avant de requérir huit ans de prison.
Des réquisitions « très élevées » pour l’avocat de la défense, Me André-Pierre Vergé, qui n’a pas réussi à convaincre le tribunal de les baisser. Vincent Terrasson a été condamné à dix ans de prison, dix ans de suivi socio-judiciaire et a été maintenu en détention.