Un rapport sénatorial alerte sur une France « submergée par le trafic de drogue »
Cent cinquante-huit auditions d’enquêteurs, de magistrats, d’universitaires, de journalistes, de représentants des professions judiciaires ou de bailleurs sociaux ; huit déplacements, à Marseille, Anvers (Belgique) ou Le Havre (Seine-Maritime), notamment ; dix-neuf contributions écrites recueillies auprès d’organisations expertes : après six mois d’enquête, le rapport de la commission sénatoriale sur le trafic de drogue présidée par le sénateur (Saône-et-Loire, Parti socialiste) Jérôme Durain, rendu public mardi 14 mai, marque sans doute une étape importante. Celle de la reconnaissance d’un problème qui menace aujourd’hui la stabilité des institutions.
Ce travail accompli entre novembre 2023 et mai 2024 n’est pas sans défauts. La dimension sanitaire, notamment, est volontairement absente, et la préconisation de certaines solutions juridiques pose question. Mais il donne un aperçu sans concession d’un phénomène souvent ignoré par les gouvernements de tous bords depuis des décennies qui, au lieu de s’attaquer à ses racines, ont préféré lutter contre ses racailles.
Un constat, pour commencer, résumé par la commission en un mot : « submerger ». « La traite s’infiltre partout, avec pour corollaire des violences exacerbées »remarquent les sénateurs avec fatalisme, « comme une crue qui monte inexorablement, le trafic semble toujours trouver un moyen de s’infiltrer ». Et sa généralisation se traduit par une influence croissante sur certains quartiers les plus défavorisés, exposant leurs habitants à un risque « Un quotidien insupportable » ponctuée d’incivilités, d’insécurité, de dégradation des équipements collectifs, ponctuée de règlements de comptes ultra-violents entre bandes rivales qui se traduisent parfois par des « sur l’assassinat de victimes collatérales ».
Terreur et pouvoir financier
Surtout, la situation actuelle met en évidence le danger réel lié à la croissance exponentielle du trafic de drogue : la création d’un modèle social parallèle avec ses propres hiérarchies, sa police chargée d’assurer la sécurité des réseaux, son économie marquée par «Taylorisme»avec un « spécialisation des tâches et mise en place d’un marché du travail parallèle ». Autrement dit, une véritable contre-société dont l’efficacité est assurée par les deux forces puissantes qu’elle mobilise quotidiennement : non pas n’importe quel pacte social, mais la terreur et le pouvoir financier qui lui garantissent un soutien résigné ou actif. de populations délaissées, privées d’accès aux services publics, isolées, abandonnées à leur sort.
Il vous reste 71% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.