Au tribunal de Paris,
Beaucoup de silences, de réponses succinctes, brèves, voire inexistantes. Le souvenir semble s’être complètement évaporé des souvenirs de Franky D., jugé ce jeudi par le tribunal correctionnel de Paris pour homicide involontaire d’Antoine Alléno, le fils du chef. Un cas emblématique de violences routières et notamment d’homicide routier qui était en passe d’être adopté avant la dissolution de l’Assemblée nationale.
Le prévenu risque jusqu’à dix ans de prison et 150 000 euros d’amende, en raison de deux circonstances aggravantes, conduite sans permis et état d’ébriété. S’y ajouteraient l’excès de vitesse ainsi que la tentative de délit de fuite, comme l’ont soutenu les avocats de la famille, insistant également sur le caractère « volontaire » de l’acte rejetant le terme « d’accident, de fatalité ». Le procureur a requis huit ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt contre Franky D., qui a comparu libre. Le procureur de la République a également requis l’annulation du permis de conduire, l’interdiction de conduire tout véhicule terrestre à moteur pendant dix ans et l’interdiction de prendre le permis. pour la même période. La décision sera prise le 28 novembre 2024.
La petite voix intimidée de ce jeune père de deux enfants, âgés de 8 et 3 ans, contraste avec l’arrivée tonitruante de l’Audi SR6 volée quelques minutes avant la violente collision. L’un des chauffeurs de taxi heurté par le véhicule fou a déclaré lors de son audition avoir « entendu le bruit d’un missile ».
Amnésie proche du mutisme
Malgré de nombreuses tentatives de la part du tribunal, du procureur et des avocats des parties civiles, elles n’ont reçu que des réponses laconiques. « Je ne sais pas », « je ne me souviens pas », « oui », « non », répond Franky D., les mains derrière le dos. Il présente ses excuses aux proches d’Antoine Alléno, mais ne s’explique rien. «Je n’ai pas de mots pour expliquer ce que j’ai fait. Il est trop tard pour m’excuser, j’ai fait quelque chose d’irréparable », semble-t-il regretter. Ce 8 mai 2022, au volant du véhicule, ce passionné de « belles voitures » poussait jusqu’à 120 km/h dans les rues de Paris.
Au moment de la collision avec le taxi puis le scooter sur lequel était garé Antoine Alléno, la voiture allemande roulait entre 54 km/h et 75 km/h, sur un axe limité à 30 km/h. La victime est décédée sur le coup. Il a été déclaré mort à 23h15. Son casque retrouvé à plusieurs mètres de lui, cassé. Le conducteur n’était pas seulement en excès de vitesse, il était aussi complètement ivre, avec un taux d’alcool reconstitué entre 1,45 et 1,94 grammes par litre de sang, donc « proche de deux grammes », souligne son avocat.
On sent une certaine honte chez ce jeune homme qui a aujourd’hui 27 ans, soit à peu près l’âge qu’aurait eu la victime. Lorsque ses coaccusés, poursuivis pour vol en bande, montent à la barre, il se tient la tête, s’appuie sur ses genoux et se recroqueville comme pour disparaître. Il dit regretter d’avoir été « stupide ». Un euphémisme, remarque le président du tribunal au vu des faits.
L’émotion d’une pièce entière
C’est alors que l’émotion envahit la salle d’audience. Larmes et mouchoirs s’invitent dans la 10e salle du tribunal correctionnel dès les premiers mots de Yannick Alléno. « Je n’ai rien oublié », assure ce père meurtri qui raconte en détail son arrivée sur les lieux du « chaos », où il est tombé devant « un enchevêtrement de voitures » découvrant son fils au sol. « J’ai aussi vu son sang, j’ai dû forcer le passage de la police. Je me suis allongé sur mon fils, j’ai crié. »
Ce cri que la maman, Isabelle Alléno, « entend encore » aujourd’hui. Elle qui n’a organisé sa vie qu’autour de ses deux enfants et « a tout perdu le 8 mai ». «C’était un tremblement de terre, une catastrophe. On n’imagine jamais le pire en tant que parent (…) mettre son enfant dans un cercueil, le mettre en terre », réussit-elle à exprimer entre deux sanglots.
Les larmes coulaient sur les visages des amis d’Antoine présents dans la salle, mais aussi sur ceux des prévenus. Franky D. tient sa tête dans ses mains et semble, de dos, s’essuyer les yeux. A côté de lui, son beau-frère Sniper G. a les yeux et le nez rougis et leur beau-père, Franck A. se cache le visage. Ils sont tous les trois papas. Dans un dernier mot à la barre, Franky D. s’excuse une dernière fois, en larmes, « même si (il) ne se serait pas excusé à leur place ».