un premier rendez-vous judiciaire pour l’acteur, accusé d’agression sexuelle sur le tournage des « Volets Verts »
L’acteur comparaît lundi pour avoir agressé sexuellement deux femmes en 2021. Une première étape pour le septuagénaire, également déféré à la justice pour le viol de Charlotte Arnould.
C’est un rôle qu’il n’a pas souvent joué à l’écran. Gérard Depardieu enfilera le costume d’accusé, lundi 28 octobre, devant le tribunal correctionnel de Paris. L’acteur de 75 ans est jugé pour agression sexuelle sur deux femmes lors du tournage du film Volets vertsde Jean Becker, en septembre 2021. Dans une analogie troublante avec sa propre situation, il incarne un grand acteur des années 1970 au crépuscule de sa carrière.
C’est la première fois que le monstre sacré du cinéma français comparaît devant la justice depuis qu’il est accusé de violences sexuelles. Sera-t-il présent à l’audience ? « Je vous confirme que Gérard Depardieu a l’intention de comparaître devant le tribunal »son avocat, Jérémie Assous, a répondu vendredi à franceinfo. Son client conteste les faits qui lui sont reprochés. « Les témoins et les preuves qu’il produira démontreront qu’il n’est que la cible de fausses accusations »» a ajouté l’avocat pénaliste.
Cette affaire a été révélée par Mediapart, qui a pour la première fois relayé, en février, la plainte d’un décorateur de cinéma pour agressions sexuelles, harcèlement sexuel et injures sexistes. Selon cette femme de 53 ans, qui souhaite garder l’anonymat, les faits se sont déroulés lors du tournage dans un hôtel particulier de l’avenue Mozart, au 16e quartier de Paris. Selon son récit au média d’investigation, l’acteur lui aurait d’abord fait de nombreux commentaires sérieux alors qu’elle travaillait à la mise en place d’un décor. Une heure plus tard, alors qu’elle quittait le plateau, l’acteur a soudainement « attrapé brutalement » Et « bloqué en fermant les jambes (sur elle) comme un crabe »alors il « pétri la taille, le ventre, remontant jusqu’à (son) seins »en lui lançant : « Viens toucher mon gros parasol, je vais te l’enfoncer dans la chatte… »
«J’avais l’impression d’être pris dans un piège à loups. J’ai paniqué, j’étais essoufflé »elle raconte à nouveau, décrivant le « une force phénoménale » de l’acteur et me rappelant avoir été « tiré en arrière » par les armes, tandis que d’autres saisissaient les mains de l’acteur.
« Ses gardes du corps l’ont emmené. Il criait et riait tout seul. Il m’a dit : ‘On se reverra, mon chéri !’ J’ai été abasourdi, secoué. Cela n’a duré que quelques instants mais ça résonne toujours. »
Le premier plaignantde Médiapart
En mars, une deuxième femme, âgée de 33 ans, assistante-réalisatrice sur le même tournage en 2021, a également porté plainte pour agression sexuelle, comme le rapporte Mediapart. Elle dénonce « toucher la poitrine et les fesses »trois fois, de Gérard Depardieu.
Après s’être confiée au deuxième assistant réalisateur, la jeune femme a indiqué avoir reçu des excuses de la part de l’acteur. Mais après, il l’a fait vivre « une épreuve »selon son témoignage à Mediapart : « Il ne me laissait plus faire mon travail, je ne pouvais plus lui parler pour lui transmettre des informations, ni venir le chercher aux loges pour l’accompagner sur le plateau. » Le directeur adjoint affirme avoir été traité comme « équilibre » sur le plateau, ayant été fait « crier dessus ». « Gérard avait réussi à me culpabiliser d’avoir parlé de ces actes et à me faire du mal »ajoute-t-elle.
Les déclarations de ces deux femmes ont été confirmées à Mediapart par de nombreux membres de l’équipe du film, témoins des événements. L’actrice Anouk Grinberg a également appuyé leurs témoignages en décrivant au site d’information un climat « étouffant, épouvantable », « tout cela en toute impunité ». « Dès les premières heures de tournage, Depardieu était dur, obscène »se souvient l’actrice, sortie du silence fin 2023 sur les accusations visant l’acteur. Également interrogée par l’AFP, elle a confirmé que « du matin au soir, on avait droit à ses salaceries ».
« Lorsque les producteurs engagent Depardieu sur un film, ils savent qu’ils engagent un agresseur. »
L’actrice Anouk Grinbergà l’AFP
Contactés par Mediapart, les producteurs, Laurent Pétin et Michèle Halberstadt, se sont exprimés sur « un projet risqué » qu’ils ont « a accepté de produire, dans le respect de la présomption d’innocence de Gérard Depardieu ». Ils prétendent que le« incident » concernant le décorateur a été traité avec « gentillesse et compréhension » par leur directeur de production, mais assurez-vous « avoir parfaitement ignoré l’incident survenu » pour le directeur adjoint.
Une troisième plainte a fait l’objet d’une enquête de la police judiciaire, mais a été classée sans suite par le parquet en raison de la prescription. L’acteur n’aura donc pas à s’expliquer sur ces faits lors du procès. Elles se sont déroulées, selon le plaignant, sur le tournage d’un autre film, Le magicien et le siamoisde Jean-Pierre Mocky, en 2014.
Cet ancien assistant de cinéma, alors âgé de 24 ans, s’est confié à Courrier occidental en février. Elle affirme avoir été agressée par Gérard Depardieu une première fois au domicile de l’acteur, où elle s’était rendue pour des raisons de production. « J’ouvre un placard et il me pousse dedans, m’attrape les fesses et crie : Crie ! Crie ! Ça va les faire jouir là-bas »elle témoigne. La jeune femme rapporte une deuxième agression lors d’un tournage aux arènes de Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire). Selon elle, la star lui a attrapé le poignet et a mis sa main sous sa jupe. Elle se souvient « ses mains partout (son) corps » et de « ses propos indécents ».
« Si on avait une prescription glissante pour les victimes majeures comme pour les victimes mineures, ces femmes pourraient avoir une reconnaissance légale »a regretté auprès de l’AFP l’avocate Carine Durrieu-Diebolt, espérant « une réforme législative à cet égard ». La prescription roulante permet à une première victime de bénéficier du délai de prescription accordé à une seconde lorsque l’auteur de l’infraction ou du crime sexuel est identique. Contactée par franceinfo, Carine Durrieu-Diebolt n’a pas souhaité faire d’autres commentaires avant l’audience.
Les débats et la décision rendue dans ce premier procès ont un enjeu important pour la suite. Gérard Depardieu est en effet inculpé depuis 2020 pour viols et agressions sexuelles sur une jeune actrice, Charlotte Arnould. Le parquet de Paris a demandé son renvoi devant un tribunal correctionnel et c’est désormais au juge d’instruction d’ordonner ou non un procès. L’acteur est également visé par une cinquième plainte, déposée en Espagne par la journaliste et écrivain Ruth Baza, qui l’accuse de l’avoir violée en 1995 à Paris. Une sixième plainte, celle de l’actrice Hélène Darras pour agression sexuelle lors d’un tournage en 2007, a été classée sans suite, là encore pour cause de prescription. Au total, l’acteur est accusé par une vingtaine de femmes qui ont témoigné dans la presse ou devant la justice.
Dans une lettre ouverte publiée par Le Figaro en octobre 2023, l’acteur a insisté sur le fait qu’il n’était pas « ni violeur ni prédateur ». «Jamais, au grand jamais, je n’ai abusé d’une femme»il a écrit. Après s’être défendu devant la presse, l’acteur aura cette fois-ci l’occasion de le faire devant une tribune judiciaire. Il risque cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende.