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Un premier premier roman frappant à la mémoire de la famille rebelle

L’écrivain enquête sur la trajectoire de son arrière-grand-mère, interne de force et lobotomisé dans les années 1950. Une histoire poignante et libératrice sur un terrible secret familial.

France Télévisions – Écriture de la culture

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Temps de lecture: 8min

Chaque famille porte à l’intérieur son misérable petit lot de secrets, et celui d’Adèle yon n’échappe pas à la règle. Sauf que les jeunes années trente, Normalienne et Today Cooking Chef, ne se contente pas de révéler dans ce premier roman brillant, qui est arrivé à son arrière-grand-mère Betsy, postulant pour sortir la grand-mère de Aucun homme de la terre de silence dans lequel la légende de la famille l’a plongé depuis des décennies. Elle construit également par cette enquête féministe une formidable démonstration de résilience pour tous ceux à qui nous essayons de couper les ailes. Mon vrai nom est Élisabeth a été publié le jeudi 6 février aux éditions du sous-sol.

L’histoire s’ouvre sur un suicide le 4 janvier 2023. Celui du grand-oncle d’Adèle, inventeur de la Minitel Rose, qui est devenue millionnaire, qui choisit de se défendre à partir du 7e étage de son appartement. «  »Il fallait qu’un corps de saut devait être jeté dans une chute libre pour remplacer un autre corps, porté par des hommes en blanc un autre matin de janvier soixante-dix ans plus tôt. (…) Jean-Louis est mort et les membres de ma famille ont commencé à parler.  »

Jean-Louis ne s’est jamais remis de l’internement de sa mère dans les années 1950, Betsy, arrière-grand-mère d’Adèle. Diagnostiqué avec un schizophrène, cette femme a été internée de force pendant dix-sept ans dans un hôpital psychiatrique, mutilée par une lobotomie désastreuse qui lui laissera sa vie pendant elle-même. Pendant des décennies, « Betsy est un nom qui n’est pas prononcé « . Le tabou est solide, personne n’évoque jamais son histoire dans cette grande famille bourgeoise catholique. Il faudra donc la mort tragique de Jean-Louis et la peur d’Adèle de devenir folle à son tour à un moment de sa vie où elle aime la déstabiliser pour déclencher le désir d’en savoir plus … Qu’est-il arrivé à Betsy? Était-ce vraiment schizophrène? Pourquoi un si grand silence entoure-t-il son existence tragique?

Pendant quatre ans, le jeune romancier, alors théâtre, se lancera dans un travail scrupuleux d’historien. Elle interroge sa famille, compile les interviews, exhume la correspondance de Betsy et André, son arrière-grand-père, recherche les derniers témoins de l’asile psychiatrique, les dossiers médicaux. Débrouillant de cette masse d’archives et documente le voyage biographique et psychologique de Betsy, elle confronte systématiquement l’histoire de la famille officielle aux faits. Au fur et à mesure que cette vaste recherche progresse, les certitudes commencent à vaciller.

Émerge ensuite le portrait d’une Betsy hypersensitive, intellectuellement brillante et rebelle, inadaptée à son environnement bourgeois et rigide. En aucun cas celui d’une dangereuse folle. «  »Betsy était très … très forte, très attrayante. Il y avait toujours des gens autour d’elle, qui l’ont écoutée, qui l’admirait. (…) On disait qu’elle était brillante. (…) Jeune fille, elle était très exubérante, très … elle était aussi« En tant que tel, sa correspondance avec celle qui deviendra son mari, est la preuve la plus flagrante. Face à cet homme autoritaire, obsédé par »un vocation de la sainteté « Et qui en rêve seulement soumis et docile, nous découvrons sous le stylo de Betsy un bel esprit, qui ne cesse jamais d’écrire à son fiancé son besoin « de beaucoup de liberté « aspirant à se réaliser dans l’enseignement et la vie en plein air.

Juste à travers ces échanges transcrits dans le livre, nous percevons déjà l’étendue de la catastrophe à venir. Le désaccord du couple au début, la dépression après des naissances indésirables. Six enfants en dix ans. Arguments de plus en plus violents, jusqu’à l’internement. L’hypothèse de la schizophrénie si longtemps avancée par l’entourage de la famille s’effondre sur les pages. D’autres questions se posent alors. «  »André aurait-il pu être inséré Betsy pour se débarrasser d’une femme inutile qui était devenue inconfort?  » Certains éléments trouvés dans les archives psychiatriques semblent aller dans cette direction. Betsy était absolument lucide lorsque son opération a été décidée. Peut-être, mais lucide. L’auteur cherche alors dans l’histoire de la psychiatrie au début du 20e siècle les cas des femmes internées et lobotomisées afin de soutenir cette hypothèse effrayante, mais plausible dans le cas de Betsy: « La lobotomie ne se contente pas d’intervenir sur les patients désespérés, après l’échec de tout autre thérapeutique: en fait, il intervient très régulièrement pour apporter le comportement à la racine qui nuise à la famille ou au cadre social. «  »

Afin de comprendre ce que son arrière-grand-mère a vécu au cours de ses dix-sept années de confinement, Adèle Yon épluche un certain nombre de fichiers de patients lobotomisés où leurs sentiments ont été très précisément enregistrés après les interventions. Cette chorale de femmes torturées lui ramène un sentiment de colère très puissant. Une colère qui lui rappelle certains excès de sa propre adolescence. Une émotion qui ne serait plus considérée aujourd’hui comme un défaut. «  »La colère est ce que nous avons partagé, nous, les descendants de Betsy, ce qu’elle avait, avant, ce que nous l’avons emmenée et qui vomit en nous. « 

C’est peut-être à ce lieu du livre que le relevé rationnel, factuel et documenté change dans quelque chose d’universel. Un lien mystérieux a été créé entre ces deux femmes au-delà du temps. « Pour un tel accès à la fureur, d’autres avant moi ont été jugés, c’est-à-dire condamnés sans procès. » Comme si, à la fin du voyage d’Adèle Yon, une forme de réhabilitation de son arrière-grand-mère avait eu lieu, célébrant son esprit de révolte, son indocilité en tant qu’héritage émancipateur et lumineux.

« Mon vrai nom est Élisabeth » par Adèle Yon, éditions du sous-sol, 393 pages, 22 euros.

Extrait : « Comment changer de silence au son d’un prénom pesé avec des secrets? En d’autres termes: quelle est la meilleure façon de lâcher une bombe? Par la suite, les choses deviendront plus faciles. Les membres de ma famille viendront me trouver, curieux, L’air suspect: alors il semble que vous fassiez des recherches sur Betsy?

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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Gérard Truchon

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