Un premier lancement majestueux pour la nouvelle fusée européenne
CONTREEt voilà, c’est fait. Attendue comme le messie par l’agence spatiale européenne, Ariane 6 s’est finalement élevée dans le ciel de Guyane mardi 9 juillet à 21 heures (heure métropolitaine), la salve de feu ayant été temporairement repoussée, le temps de résoudre un problème d’acquisition de données de vol apparu lors de vérifications de routine. Ladite salve de feu n’annonçait aucune catastrophe, au contraire. Comme prévu, les deux boosters latéraux et le moteur principal Vulcain ont arraché du sol les 8 200 tonnes de la fusée qui transportait 17 passagers sous sa coiffe : des micro-satellites conçus par des universités, des expériences scientifiques et deux capsules de rentrée atmosphérique.
Les colis devaient être déposés…
CONTREEt voilà, c’est fait. Attendue comme le messie par l’agence spatiale européenne, Ariane 6 s’est finalement élevée dans le ciel de Guyane mardi 9 juillet à 21 heures (heure métropolitaine), la salve de feu ayant été temporairement repoussée, le temps de résoudre un problème d’acquisition de données de vol apparu lors de vérifications de routine. Ladite salve de feu n’annonçait aucune catastrophe, au contraire. Comme prévu, les deux boosters latéraux et le moteur principal Vulcain ont arraché du sol les 8 200 tonnes de la fusée qui transportait 17 passagers sous sa coiffe : des micro-satellites conçus par des universités, des expériences scientifiques et deux capsules de rentrée atmosphérique.
Les colis devaient être placés sur leurs orbites respectives grâce au moteur Vinci rallumable de l’étage supérieur de la fusée, une nouveauté dans la gamme d’Ariane 6 par rapport à sa devancière Ariane 5. Elle lui permettra de bien performer sur le marché en plein essor des constellations de satellites. Ce succès, qui devra attendre l’analyse des dernières étapes de la mission pour être pleinement concrétisé – un troisième rallumage du moteur Vinci et la chute de l’étage supérieur dans le Pacifique – est avant tout un immense soulagement pour l’Europe et ses Etats membres, pour l’ESA (Agence spatiale européenne), pour l’industriel ArianeGroup, maître d’œuvre de la fusée, et pour Arianespace, qui commercialise la famille de fusées européennes.
Rattraper quatre années de retard
« C’est un premier vol, il y a une part de risque », avait auparavant prévenu Philippe Baptiste, le patron du Centre national d’études spatiales (CNES). Au vu des statistiques, ce n’était pas anodin. Depuis les débuts de l’industrie spatiale civile dans les années 1950, les vols inauguraux de nouveaux modèles à travers le monde se sont terminés au tapis près de la moitié du temps. L’Europe en a déjà fait l’amère expérience. Le 4 juin 1996, la première fusée Ariane 5 n’avait survécu que 37 secondes, à cause d’une erreur de son système informatique. Ce départ désastreux ne l’a pas empêchée de triompher pendant près de trente ans sur le marché des lancements de satellites.
Le succès d’Ariane 6 était d’autant plus nécessaire qu’il n’est pas dans les temps. Décidé par l’ESA en 2014, le développement de la fusée a été retardé pendant des années en raison de la pandémie de Covid-19 et de diverses difficultés techniques. Le lancement initial était prévu pour 2020. Jusqu’à ce doux 9 juillet, l’espace européen était en bien mauvaise posture.
Alors que la passation de relais devait se dérouler sans encombre entre Ariane 5 et Ariane 6, la première a achevé sa mission ultime il y a un an, le 5 juillet 2023. Le lanceur léger Vega-C, conçu sous maîtrise d’œuvre italienne, est cloué au sol depuis l’échec de son premier vol commercial le 20 décembre 2022. Quant au lanceur intermédiaire Soyouz, qu’Arianespace exploitait depuis Kourou en partenariat avec l’agence spatiale russe Roscosmos, il a disparu du catalogue en raison de l’invasion de l’Ukraine.
Résultat, le Vieux Continent n’avait plus d’accès autonome à l’espace. Le marché des satellites commerciaux, en plein essor, lui échappait. Et pour ses satellites institutionnels, scientifiques et militaires, il en était réduit à solliciter la concurrence ou… à attendre. C’est ainsi que l’Europe, le cœur lourd, a fait appel à l’entreprise américaine SpaceX pour deux lancements – quatre satellites – de sa constellation Galileo, le système européen de géolocalisation. L’un des deux a eu lieu fin avril.
Doubles bouchées
Il va désormais falloir mettre les bouchées doubles. Un vol commercial devrait avoir lieu d’ici la fin de l’année. Six autres sont prévus en 2025 et huit en 2026 pour passer à neuf puis douze lancements par an. Arianespace a déjà commercialisé vingt-neuf missions, dont dix-huit pour le déploiement de Kuiper, la constellation de satellites de télécommunications d’Amazon. Mais un contrat signé en 2015 lui a glissé entre les doigts. Fin juin, Eumetsat, l’organisation européenne des satellites météorologiques, l’a rompu pour le céder à SpaceX.
Depuis une décennie, SpaceX, gorgé de financements de la Nasa, s’est imposé comme l’acteur pivot du spatial. La société du milliardaire Elon Musk a tiré… 91 Falcon 9 l’an dernier. Une routine. En septembre prochain, la nouvelle fusée New Glenn de Blue Origin, la société de Jeff Bezos – le ponte d’Amazon – doit décoller à son tour. Dans l’environnement hyperconcurrentiel de l’industrie spatiale des années 2020, Ariane 6 a interdiction de traîner.
Le savoir-faire girondin dans le ciel
Construite sous la maîtrise d’œuvre d’ArianeGroup, Ariane 6 rassemble des pièces fabriquées dans différentes parties du continent. Sur le corps central de la fusée, l’étage principal – le premier à s’allumer avec son moteur Vulcain – est assemblé aux Mureaux, dans les Yvelines. L’étage supérieur vient de Brême, en Allemagne. Les éléments de la coiffe, qui abrite la charge utile, sont conçus en Suisse. Ariane 6 est disponible en deux versions, Ariane 62 et Ariane 64, avec deux ou quatre « boosters » latéraux, les propulseurs auxiliaires qui fonctionnent à ergols solides et fournissent l’essentiel de la poussée initiale.
La propulsion solide de la famille Ariane est issue du savoir-faire de l’établissement ArianeGroup de Saint-Médard-en-Jalles (centre). C’est à l’origine la fabrique royale des poudres, passée sous plusieurs enseignes industrielles depuis une cinquantaine d’années. Les ergols des missiles stratégiques M51 qui équipent les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la flotte française sont également développés dans cet établissement. Par ailleurs, des pièces essentielles des boosters proviennent des deux autres établissements ArianeGroup de Gironde. Les tuyères, qui canalisent les gaz d’échappement à très haute température, sont assemblées au Haillan. Et les «jupes», composants majeurs sur le corps des boosters, proviennent de l’établissement de Saint-Médard-Issac. ArianeGroup emploie des milliers de personnes dans la banlieue bordelaise.