Un pont submergé construit par des hommes anciens à Majorque réécrit l’histoire de l’île
Île principale de l’archipel des Baléares, Majorque est aussi la sixième plus grande île de la Méditerranée. Elle semble pourtant avoir été parmi les dernières à être colonisée. Jusqu’à présent, les premières traces d’occupation humaine remontent à environ 4000 avant J.-C. Mais la découverte d’un pont immergé de 7,6 mètres dans une grotte de l’île, construit plusieurs milliers d’années plus tôt, pourrait remettre en cause cette chronologie. Ces conclusions sont détaillées dans la revue Communications Earth & Environment du 30 août 2024.
Les défis de la colonisation préhistorique des îles Baléares
« La reconstitution des premières colonisations humaines des îles méditerranéennes est un défi en raison du manque de preuves archéologiques »Les chercheurs de l’Université de Floride du Sud (États-Unis) qui ont dirigé l’étude, ont présenté dans un communiqué de presse leurs travaux. Des recherches antérieures, basées sur l’analyse de charbon de bois, de cendres et d’ossements trouvés à Majorque, datent son début au Néolithique, il y a quatre millénaires. Une chronologie qui coïncide notamment avec la disparition de la « chèvre des cavernes des îles Baléares », Myotragus des Baléares.
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D’autres études font remonter la présence humaine à 9 000 ans. Mais leurs résultats sont controversés en raison d’incohérences et d’une mauvaise conservation des matériaux datés au radiocarbone (ossements, poteries). Globalement, note une équipe dans Géoarchéologie des îles de la Méditerranée (CNRS Éditions, 2016), « les premières occupations sont mal documentées et l’implantation définitive des groupes humains est mal datée » aux îles Baléares.
Bien qu’il existe des preuves que les hommes sont arrivés sur les îles au cours du 3e millénaire avant J.-C., la date précise de leur installation se situe entre 2900-2800 avant J.-C. et 2350-2150 avant J.-C. À partir de cette date, le peuplement chalcolithique s’est développé sur toutes les îles. – Francesc, Burjachs, et al. Changements environnementaux et histoire de la colonisation humaine des îles Baléares (Méditerranée occidentale) : conséquences sur l’évolution de la végétation.
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C’était sans compter les récentes recherches menées à l’intérieur de la grotte inondée de Genovesa, près de la côte de Majorque. En 2000, une expédition de plongée y a découvert un pont de 7,6 mètres, constitué de gros blocs de calcaire empilés les uns sur les autres. Des fragments de poterie retrouvés à l’intérieur de la cavité ont permis d’estimer que l’installation, d’origine humaine, avait été construite il y a environ 4 400 ans.
Preuve d’une arrivée ancienne à Majorque
Une équipe disciplinaire dirigée par Bogdan Onac, professeur de géologie à l’université de Floride du Sud, a déterminé que cette datation initiale était erronée. Pour cela, ils ont analysé des dépôts caractéristiques riches en calcium – appelés spéléothèmes ou concrétions – qui se sont formés sur le pont à des périodes où la Méditerranée était plus haute. Mais aussi, une bande claire sur sa partie supérieure, semblable à un « anneau de baignoire ».
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Selon les scientifiques, des études antérieures ont montré que de telles incrustations de calcium et des changements de couleur sur des objets fabriqués par l’homme sous l’eau pouvaient servir d’indicateurs indirects (proxies) pour suivre les changements historiques du niveau de la mer. Ainsi, en analysant ceux observés sur le pont, ils ont pu dater sa construction d’il y a environ 6 000 ans. Et ainsi fournir des preuves d’une activité humaine plus ancienne à Majorque, 1 600 ans avant les estimations précédentes les plus sérieuses.
« La présence de ce pont submergé et d’autres artefacts indique un niveau d’activité sophistiqué, ce qui implique que les premiers colons (de Majorque) ont reconnu les ressources en eau de la grotte et ont construit stratégiquement des infrastructures pour la parcourir. »« Cela permet également de réduire l’écart temporel entre les chronologies de colonisation des îles de la Méditerranée orientale et occidentale. Chypre et la Crète, considérées comme les plus longtemps occupées, l’auraient été pendant au moins 9 000 ans », explique Bogdan Onac dans le communiqué.
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« Cette recherche souligne l’importance de la collaboration interdisciplinaire pour découvrir des vérités historiques et faire progresser notre compréhension de l’histoire humaine. »Les auteurs de l’étude comptent désormais explorer davantage les réseaux de grottes méditerranéennes et les étudier avec des méthodes similaires. Ils espèrent également retrouver des grottes qui se sont formées il y a des millions d’années, bien avant l’ère industrielle, afin d’étudier l’impact du changement climatique sur la montée des eaux.
GrP1