Le voyage de Salem
par Pascal Janovjak
Actes Sud, 204 p., 19,90 €
En décembre 1979, le Salem transporte quelque 200 000 tonnes de pétrole brut chargé au Koweït, destination Gênes. Quelques jours plus tard, le supertanker coule le 19 janvier 1980 au large des côtes sénégalaises. Le Salem s’enfonce inexorablement dans les profondeurs de l’Océan, alors qu’on s’attend à une marée noire dramatique… Rien. Le pétrolier est vide, ou plutôt plein d’eau de mer. La précieuse cargaison d’hydrocarbures s’est évaporée. C’est le casse du siècle.
Journal d’un marin
Jamais on n’a aussi bien parlé de l’or noir : « Le pétrole n’était pas seulement une matière première. C’était l’élément vital d’une civilisation. » Reprenant le fait divers, Pascal Janovjak en fait un thriller maritime : comment le pétrole a-t-il pu être volé entre le point de départ et le naufrage ? L’enquête du romancier est entrecoupée du journal fictif d’un marin et de documents réels. On imagine le gigantesque tanker dans lequel se déroule une séance à huis clos : « Le pont est aussi long que la rue de notre village. Quand quelqu’un est à la fin, on ne voit pas de qui il s’agit. C’est juste une silhouette frissonnant sous la chaleur. (…) La seule vérité, c’est que Salem est grand. Chacun de nous ne voit qu’une petite partie de ce qui s’y passe. » dit le marin.
Les journées s’éternisent, monotones. « Voilà ce qu’est un pétrolier : une longue boîte de conserve, une construction entièrement consacrée à la ressource qu’il transporte. » L’ennui s’installe parmi l’équipage, les yeux rivés sur la mer de pétrole : « Nous creusons la mer comme le soc d’une charrue. » Ceux qui sont sur terre fixent les règles, mais que savent-ils ? « Ils disent que nous arriverons dans six semaines. Vous ne devriez pas être confiant. En mer, le temps est menteur », répond le marin. Et comme il faut passer le temps, on se raconte des histoires : « Quand on n’a pas d’histoires à raconter, on gratte la réalité pour les trouver »» confia encore l’homme à son journal.
Un navire en acier
On ne sait toujours pas comment le détournement de la cargaison a pu se produire. Il n’en faut pas plus pour que le roman résolve l’énigme.
Les éléments d’enquête côtoient les hypothèses, le récit s’entremêle avec la fiction : c’est tout l’art de Pascal Janovjak qui joue sur les différents tableaux, pour tisser son roman d’une plume alerte : « C’est quand les aventures se terminent que les histoires commencent. »