Divertissement

« Un petit truc en plus », héritier d’une longue série de succès où le handicap tient le premier rôle

L’équipe du long métrage d’Artus s’apprête à fouler les marches du Festival de Cannes. Le film totalise déjà plus de 3 millions d’entrées. Il aborde un sujet sérieux, le handicap, sur un ton humoristique, comme d’autres ouvrages avant lui plébiscités par le public.

Toujours aussi porté. Artus, le directeur deUn petit quelque chose en plusa obtenu qu’une marque de luxe habille des acteurs et actrices handicapés lors de la montée des marches de l’équipe de son film au Festival de Cannes, mercredi 22 mai. Il s’agit du groupe Kering, qui possède notamment les marques Gucci, Yves Saint Laurent, Les marques Balenciaga et Alexander McQueen, pour ne citer que les plus prestigieuses, ont répondu au coup de gueule, lancé sur France Inter, par le réalisateur, auteur du tube surprise du printemps, qui a dépassé la barre des 3 millions d’entrées en salles.

Mais au-delà de ce succès inattendu et de ce « costard gate », le long-métrage inscrit le handicap dans le débat public, à la veille du premier comité interministériel de Gabriel Attal, comme Premier ministre, sur ce thème. Le film raconte l’histoire de deux cambrioleurs, père et fils, interprétés par Clovis Cornillac et Artus, qui échappent à la police en se cachant dans une colonie de vacances réservée aux personnes handicapées, dans la Drôme. Le point de départ d’une tendre comédie « qui défend la différence »selon l’un des acteurs, Stanislas Carmont.

Le thème n’est pas nouveau au cinéma. « Le handicap fait partie du langage cinématographique »assure à franceinfo Jaco Van Dormael, le directeur belge de Huitième jour. Artus cite également ce film, avec Daniel Auteuil et Pascal Duquenne, acteur trisomique, comme référence. « Peu de réalisateurs (avait) acteurs mis en avant avec un handicap mental »souligne le comédien dans La Tribune dimanche.

Le prix du meilleur acteur décerné aux deux acteurs au Festival de Cannes 1996 et les plus de 3,6 millions d’entrées en France prouvent que le pari peut être payant. D’autres réalisateurs ont poursuivi dans cette voie, notamment ces dernières années : Chacun pour tous de Vianney Lebasque (2018), Exceptionnel (2019) avec l’acteur autiste Benjamin Lesieur, Presque (2022), mis en scène et interprété par Bernard Campan et le philosophe Alexandre Jollien.

Artus fait partie de cette trajectoire, lui qui voulait faire un film »avec (personnes handicapées), pas sur eux », souligne-t-il auprès de l’AFP. Jaco Van Dormael, lui, n’est pas forcément conscient de l’impact de son film, mais trouve des points communs avec Un petit quelque chose en plus : « Pendant deux heures, on ne détourne pas le regard, on les regarde, on les aime et on rigole avec eux. Le simple fait qu’ils soient à l’écran, c’est déjà énorme. »

« J’avais fait du théâtre et du cinéma avec ces acteurs dits spéciaux, donc je savais qu’ils allaient faire des choses que les acteurs classiques ne pouvaient pas faire. »

Jaco Van Dormael, réalisateur

sur franceinfo

Pour Un petit quelque chose en plusArtus réuni « onze comédiens handicapés, qui n’étaient pas des professionnels, pas des étoiles »note sur franceinfo Thierry Wong, l’un des producteurs. Il a même adapté son scénario à son casting : « Comme ce ne sont pas des acteurs, j’ai écrit pour eux, c’est eux, explique-t-il sur France Inter. C’était une façon de me protéger. Tu ne peux pas me dire que j’en ai exagéré. Ce sont eux : Arnaud est un vrai fan de Dalida, Boris aime beaucoup se déguiser. »

Mais cette représentation des personnes handicapées dans le long métrage d’Artus ou dans les films français ne convainc pas forcément les premiers concernés. L’avocate et militante Elisa Rojas, qui a posté un message sur « toujours fabriqués par des personnes valides pour des personnes valides et ne sont pas vraiment destinés aux personnes handicapées elles-mêmes ». Elle dénonce également le discours « attendu et creux, fait de bons sentiments, qui tourne autour de la découverte déconcertante par des personnes valides de notre ‘humanité commune' ». « Ces films visent, en réalité, non pas à humaniser les personnes handicapées, mais à rassurer les personnes valides sur leur propre humanité à notre égard, ce qui est bien différent… »dit l’avocat.

Le traitement du handicap à l’écran a néanmoins évolué. Dans les années 1980, le cinéma américain représentait les personnes handicapées soit comme des phénomènes forains, commeHomme éléphantde David Lynch, avec John Hurt, soyez comme des génies, comme Homme de pluiede Barry Levinson, avec Dustin Hoffman. « Des personnages toujours très dramatiques dont la différence était souvent cause de drame, c’est à dire des personnages si exceptionnels qu’ils n’étaient pas très représentatifs »analyse dans Le Parisien Catherine Morhange, présidente de l’association Culture Relax, qui favorise l’accès à la culture des personnes en situation de handicap complexe.

La situation a commencé à changer, selon elle, dans les années 1990, lorsque « la représentation du handicap au cinéma devient plus réaliste, très souvent à travers la comédie », explique-t-elle à l’AFP. Les succès de Forrest Gumpde Robert Zemeckis, avec Tom Hanks, et Huitième jour a ouvert une porte. Qu’il fasse ou non appel à des acteurs handicapés, le cinéma, notamment français, s’est emparé de cette thématique ces dernières années. De préférence dans le registre bande dessinée. Et avec un succès public certain.

« La comédie aide à dédramatiser. Cela fait fonctionner l’empathie pour ceux qui ne sont pas touchés par le handicap et donne une représentation à ceux qui sont touchés.

Catherine Morhange, présidente de l’association Culture Relax

dans « Le Parisien »

Donc, Exceptionnelsur les jeunes autistes, Les patientsinspiré de la vie du chanteur Grand Corps Malade, ou encore La famille Béliersur un jeune chanteur dont les parents sont sourds, ont tous dépassé le million d’entrées, à la suite deIntouchables, sur la relation entre un homme tétraplégique et son aide à domicile, et ses 19 millions de billets vendus. Des films encore plus confidentiels, comme Presque Ou De toutes nos forces, de Nils Tavernieront réuni respectivement près de 500 000 et 650 000 spectateurs.

Des exemples qui prouvent « que le handicap est un sujet ‘bankable’ qui rapporte beaucoup d’argent quand des personnes valides s’y intéressent », note à franceinfo Elisa Rojas. Elle n’est donc pas surprise du succès du film d’Artus : « Nous savons depuis longtemps que gérer le handicap est un sujet facile et sans risque, contrairement à ce que prétendent les personnes valides. »

Artus a également réussi. L’humoriste espère battre le record d’entrées pour un premier film, détenu jusqu’ici par Le briseur de coeur de Pascal Chaumeil, qui a attiré 3,7 millions de spectateurs. Jaco Van Dormael tempère cependant l’idée selon laquelle la réussite accompagne nécessairement la thématique du handicap. « Le succès est toujours un miracle, il croit. Nous jetons une bouteille à la mer et nous ne savons pas si quelqu’un va la ramasser. Artus confie à France Inter que son film tombe à point nommé, « dDans ces temps un peu anxiogènes, c’est une bulle d’oxygène qui fait du bien. » Certaines associations saluent l’effet bénéfique de ces longs métrages qui « aider à réduire le sentiment d’étrangeté de l’autre (Et) jouer un rôle positif »selon Catherine Morhange dans Le Parisien.

Ils accueillent également « ttoutes les pierres » apporté «pour sensibiliser et améliorer la situation» personnes handicapées, a déclaré à l’AFP Arnaud de Broca, président du Collectif handicaps. La télévision a également contribué à changer les regards grâce à l’émission « Les Rencontres du Papotin », au cours desquelles des personnalités sont interviewées par des personnes autistes. Proposé par Eric Toledano et Olivier Nakache, directeurs de Exceptionnelle spectacle est diffusé sur France 2 en prime time, un «des progrès exceptionnels»assure Clément Chovin, l’un des producteurs. «On ne parle pas d’inclusion, on la pratique»il ajoute.

Les principaux acteurs concernés, les artistes en situation de handicap, se réjouissent de cette exposition et de ses bienfaits. « Je fais du théâtre, je fais de l’improvisation et ça m’aide aussi à vaincre la timidité »confie à franceinfo l’actriceUn petit quelque chose en plus Mayane-Sarah El Baze, porteuse du syndrome de Down. « Il y a trois ans, elle ne parlait à personne. Elle change, le cinéma l’a fait changer, ce film l’a fait changer, je suis fier d’elle »confirme sa mère. Mais il n’est pas question de crier victoire trop vite. Car les rôles d’acteurs handicapés sont rares, confirme Stanislas Carmont, l’une des révélations deUn petit quelque chose en pluségalement journaliste aux « Rencontres du Papotin », à La Tribune dimanche : « J’ai une agente, mais je ne vous cache pas qu’elle a beaucoup de mal à trouver des castings.« 

Si Catherine Morhange veut croire que le septième art peut contribuer à modifier l’image du handicap, Elisa Rojas est beaucoup plus pessimiste, « a fortiori dans un contexte politique où les droits des personnes handicapées régressent de jour en jour. Selon l’avocat, « il est nécessaire donner aux personnes handicapées les moyens de reprendre le contrôle de leur récit pour qu’elles puissent réaliser leurs propres productions, plus ancrées dans le réel et dans lesquelles les personnes concernées peuvent aussi se retrouver ».

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
Bouton retour en haut de la page