Les inquiétudes se propagent rapidement dans les cercles dirigeants à la veille du budget 2025. Le Premier ministre Michel Barnier a annoncé la semaine dernière une austérité budgétaire de 60 milliards d’euros en 2025 pour réduire le déficit public de 6,1% du PIB à 5%. Sur ce total, Matignon a prévu 40 milliards » effort » de dépenses publiques et 20 milliards de hausses d’impôts.
Dans le viseur du chef du gouvernement figurent certaines aides aux entreprises comme le crédit d’impôt recherche (CIR) ou les leviers pour l’apprentissage. Mais ces pistes suscitent des craintes chez le patronat français. L’Inspection générale des finances (IGF) a également mis un coup de scalpel aux différents dispositifs d’aide aux entreprises dans son examen des dépenses de septembre.
La moitié des patrons réclament le maintien des aides
Face à ces menaces, 51% des chefs d’entreprise appellent au maintien des aides ciblées aux entreprises, selon la dernière grande consultation des entrepreneurs réalisée par OpinionWay pour la CCI France, La Tribune et LCI. Dans l’industrie (60%) et les services (57%), les entrepreneurs sont particulièrement inquiets. Parmi les commerçants (53%) et les entreprises de construction (53%), l’anxiété est légèrement moindre.
Le ministre de l’Économie Antoine Armand a déjà reçu la plupart des organisations patronales la semaine dernière au ministère des Finances. Et, il s’est également rendu au siège de l’AFEP (Association française des entreprises françaises), le puissant lobby des grandes entreprises françaises, avant la cruciale présentation du budget 2025 prévue jeudi 10 octobre. d’écouter les recommandations d’une quinzaine de grands patrons du CAC 40, rapporte le média La Lettre.
Simplification administrative et coûts de main d’œuvre
Parmi les autres enjeux prioritaires des chefs d’entreprise figure la simplification administrative (55%). Là encore, les attentes sont très élevées dans l’industrie et les services. Sur ce point, le Premier ministre a annoncé qu’il reprendrait « le chantier ouvert par la loi de simplification », lors de son discours de politique générale, mardi 1er octobre. Soutenu par l’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire, ce texte de loi visait notamment à simplifier les démarches administratives pour les PME et TPE.
Troisième dossier à ouvrir en priorité pour les chefs d’entreprise (51%) : la réduction du coût du travail. Dans l’industrie, les chefs d’entreprise sont particulièrement attentifs à ce sujet. Face aux députés, Michel Barnier a notamment évoqué une réforme du système de cotisations sociales. » Il est désormais démontré que notre système de réduction des coûts ralentit la hausse des salaires au-dessus du SMIC : nous le reverrons Présenté la semaine dernière avec plusieurs mois de retard, le rapport des économistes Bozio et Wasmer devrait servir de base à cette réforme particulièrement attendue par les salariés et les dirigeants. Pour « désmicardiser » la France, les experts préconisent notamment de baisser les baisses de cotisations au niveau du Smic. et en favorisant les exemptions pour les salaires supérieurs au salaire minimum.
Equilibre budgétaire et stabilité politique
Malgré la dégradation des finances publiques, le retour à l’équilibre budgétaire de la France arrive au quatrième rang des priorités réclamées par les dirigeants (45 %). Ce classement n’est pas vraiment une surprise compte tenu des craintes qui existent concernant les aides aux entreprises. L’autre attente concerne la stabilité politique de la France. Après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale, l’économie française est dans une position d’attentisme.
La nomination d’un nouveau gouvernement a certainement apporté de la visibilité après trois mois de brouillard. Mais des rumeurs d’une dissolution l’été prochain circulent déjà dans les couloirs de Matignon. Face au spectre de la censure dans un palais Bourbon divisé en trois blocs, le gouvernement Barnier est en pleine forme. Le Premier ministre sait que sa marge de manœuvre est extrêmement limitée en l’absence de majorité à l’Assemblée nationale.
Les chefs d’entreprise moins confiants dans l’économie française
Concernant les perspectives de l’économie française, la proportion de chefs d’entreprise confiants est en baisse de 3 points par rapport au mois d’août, passant de 24% à 21%. Le moral des industriels (16%) et des commerçants (17%) est clairement à la peine. Pressée par la flambée des prix de l’énergie depuis la guerre en Ukraine, l’industrie française continue de plonger. La plupart des indicateurs économiques mettent en évidence des difficultés majeures au niveau des carnets de commandes notamment.
L’inflation a certes commencé à ralentir en France et dans la zone euro, mais les moteurs de la demande continuent de ralentir. Dans son dernier point de conjoncture du mois de septembre, l’Insee s’attendait à un léger repli de l’activité au dernier trimestre (-0,1%). Le prochain resserrement budgétaire risque d’assombrir les perspectives économiques dans un grand nombre de secteurs. Reste à savoir ce qui ressortira de la très attendue présentation du PLF 2025.
Grégoire Normand