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Un nouveau témoignage bouleverse l’abbé Pierre

L’abbé Pierre fait l’objet d’une nouvelle accusation de violences sexuelles remontant à la fin des années 1980. La fille d’une femme – aujourd’hui décédée depuis 5 ans – révèle une lettre écrite en 2019 par sa mère à l’Église catholique dans laquelle elle témoignait des abus qu’elle avait subis alors qu’elle était matériellement dépendante de l’homme d’Église.

L’abbé Pierre avait 77 ans, la mère de Marie* n’en avait que 34 au moment des faits qu’elle raconte, datant de 1989-1990. Le journal Libération rapporte mardi 13 août que cette femme raconte avoir été l' »objet sexuel » du célèbre prêtre français, dans une lettre adressée à la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise) en mars 2019, alors qu’elle se trouvait dans une situation très précaire.

« Je suis choquée que l’abbé Pierre soit considéré comme un saint alors que je ne connaissais sa nature que d’obsessionnel sexuel », écrit cette femme, aujourd’hui décédée, relatant des « masturbations devant elle » ou des « fellations » forcées.

Chaque soir dans Le titre à la une, découvrez ce qui se cache derrière les gros titres. Céline Kallmann vous raconte une histoire, une histoire de vie, avec aussi le témoignage intime de ceux qui font l'actualité.
L’abbé Pierre accusé d’agression sexuelle : « Que faites-vous quand c’est Dieu qui vous fait ça ? »

Un témoignage qui s’ajoute à ceux des sept femmes qui ont accusé l’abbé Pierre de violences sexuelles entre 1970 et 2005 dans un rapport indépendant réalisé par la firme d’experts en prévention de la violence. Des faits rendus publics le 17 juillet, pour lesquels l’Eglise catholique a exprimé « sa honte » et « sa compassion » envers les victimes.

Une correspondance inachevée

La jeune femme, la trentaine, n’a pris conscience de ces faits qu’après le décès de sa mère, il y a cinq ans. En rangeant son appartement, Marie est tombée sur une lettre avec accusé de réception signée par Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président du Conseil d’Etat chargé de la Ciase.

« Les faits que vous révélez sont graves et ils justifient pleinement d’être pris en compte dans les travaux de notre commission », lit Marie, qui ignore qu’il s’agit des agissements de l’abbé Pierre.

Cet homme chargé des enquêtes sur les violences sexuelles au sein de l’Eglise propose à sa mère que la commission recueille ses déclarations, tout en respectant l’anonymat qu’elle semble alors souhaiter préserver.

Le magistrat Antoine Garapon, membre de la commission, lui avait alors écrit dans une lettre non datée que son témoignage « méritait une attention particulière », qu’il n’avait pas pu la joindre mais qu’il souhaitait qu’elle le contacte. Mais le rendez-vous n’eut jamais lieu, et la mère de Marie mourut trois mois après l’envoi de cette lettre, à l’âge de 64 ans.

Une femme qui a fui la violence domestique

Lorsqu’elle découvre cette correspondance inachevée, Marie téléphone à la Ciase pour savoir ce que sa mère lui révèle et avoir une copie de la lettre qu’elle lui a envoyée plus tôt. Elle et sa sœur sont alors reçues quelques mois plus tard par Antoine Garapon qui leur lit la fameuse lettre dans laquelle sa mère écrit :

« Après tant d’années de silence, je veux dénoncer les abus sexuels que j’ai subis en 1989-1990 de la part de l’abbé Pierre, aujourd’hui décédé. »

Marie et sa sœur racontent qu’à cette époque, leur mère venait de rentrer du Canada, où elle avait quitté son mari qui lui infligeait des violences conjugales. De retour en France, elle avait été rejetée par sa famille en raison de son divorce et s’était tournée vers l’abbé Pierre parce qu’elle le connaissait déjà, dans le cadre de recherches généalogiques qu’elle avait menées auparavant sur son grand-oncle Pierre Chaillet, jésuite et figure de la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale.

La mère de Marie se rendit donc en Normandie en 1989 avec l’idée de demander un logement à l’abbé Pierre. Elle raconte, dans sa lettre à la Ciase, que l’homme d’Église l’installa alors dans l’hôtellerie de l’abbaye bénédictine de Saint-Wandrille (Seine-Maritime) où il résidait lui-même une partie de l’année.

« J’étais complètement dépendante de lui financièrement et dans une grande détresse », raconte cette femme 30 ans après les faits, âgée de 64 ans au moment de la rédaction de cette lettre.

« Il est rapidement passé de l’aide caritative à l’abus sexuel »

« L’abbé Pierre m’a dit qu’il voulait me faire plaisir et remplacer le mari que je n’avais plus, poursuit-elle. Il est rapidement passé de l’aide caritative aux abus sexuels. Il m’a emmenée dans un appartement parisien dont il avait la clé pour passer des nuits avec lui. » La sexagénaire raconte aussi que l’abbé Pierre lui a demandé de « le fouetter avec sa ceinture », et qu’il lui a proposé qu’une deuxième jeune femme les rejoigne pour qu’il puisse assister à des ébats lesbiens.

Le journal Libération rapporte qu’à la réception de la lettre, la Ciase a pris des précautions pour accréditer ce témoignage accablant, selon des sources proches du dossier. L’un des historiens spécialistes du fondateur d’Emmaüs a confirmé au journal que le prêtre avait effectivement une obsession pour le lesbianisme et que sa bibliothèque personnelle comptait une poignée d’ouvrages sur le sujet.

Marie s’est exprimée dans une story Instagram pour évoquer cette histoire le 17 juillet dernier, lorsque les faits de l’enquête indépendante lancée à l’initiative de la Fondation Abbé Pierre ont été révélés. Quelques jours plus tard, après avoir été contactée par le cabinet qui a rédigé le rapport, elle leur a livré le témoignage de sa mère.

*Il s’agit d’un nom d’emprunt, utilisé par le journal Libération à la demande de l’intéressé.

Jeanne Bulant Journaliste de BFMTV

Cammile Bussière

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