Un nouveau missile intercontinental Sarmat aurait explosé lors d’un test
Ce missile balistique d’une portée de 18 000 kilomètres, pouvant emporter jusqu’à 15 ogives nucléaires, aurait explosé lors d’un essai sur le site de Plesetsk, dans le nord de la Russie.
Retourner « Satana »pourrait-on résumer. Le nouveau missile intercontinental lourd russe Sarmat, également appelé « Satan 2 » L’essai, qui a fait long feu en Occident, a fait long feu lors d’un essai raté vers le 21 septembre sur le site d’essais de Plesetsk, dans l’oblast d’Arkhangelsk, à l’extrême nord de la Russie, à moins de 200 kilomètres de la mer Blanche. La zone d’essai était concernée par plusieurs NOTAM, les zones d’exclusion aérienne. L’essai a aussi été suivi de près par les Etats-Unis, qui avaient prépositionné en Alaska, comme il est d’usage dans de tels cas, deux avions de renseignement RC-135S Cobra Ball, prêts à aller jeter un œil sur la péninsule du Kamtchatka, où se trouve le champ de tir (site d’impact, ndlr) des missiles intercontinentaux testés (évidemment sans charge nucléaire) par les Russes.
Mais cette fois, le missile n’est pas arrivé. Selon une image satellite du 21 septembre repérée par les chercheurs de l’OSINT, le Sarmat, encore en phase de développement, a explosé, laissant derrière lui un cratère de 55 mètres de diamètre sur le site. Un incendie de forêt à proximité du silo de lancement était également visible la veille. « Il est difficile de dater précisément l’événement », commente l’analyste militaire français Étienne Marcuz sur X. « Était-ce le 19 au moment du tir ? Ou le 20, après que le tir ait été annulé le 19 pour une raison technique rendant le missile instable ? »
Carburant volatil et toxique
Que s’est-il passé exactement ? À en juger par le cratère formé sur le site de lancement, « Le test s’est terminé avec l’explosion du missile avant même qu’il ne soit tiré, probablement pendant le remplissage du carburant. »a commenté sur X la chercheuse de l’IFRI spécialisée sur les questions nucléaires, Héloïse Fayet. « Le Sarmat semble être propulsé par un propulseur extrêmement dangereux, l’UDMH, qui est toxique et volatil et produit des vapeurs inflammables dans l’air. Il est donc possible qu’une fuite de propulseur dans le silo ait provoqué cet événement catastrophique. »précise Etienne Marcuz.
Cet échec n’est pas sans conséquence pour la Russie, car ce programme de missile balistique intercontinental lourd (ICBM) est l’un des plus structurants pour l’avenir de sa dissuasion nucléaire. Le Sarmat, un missile de très grande taille tiré depuis des silos et emportant plusieurs têtes nucléaires (jusqu’à 15) grâce à la technologie du « mirvage », devait remplacer le « Satan 1 » en service depuis les années 1960 et qui devait initialement être retiré du service en 2014, avant que cette date ne soit repoussée à 2022, déjà en raison de retards dans le nouveau programme. Si un premier essai s’est avéré concluant le 20 avril 2022, deux essais ultérieurs ont déjà probablement échoué en février et novembre 2023. Il s’agirait donc du troisième échec, sur quatre.
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Tout porte donc à croire que la « Satan 1 »qui fut pendant longtemps le plus gros ICBM du monde (32 mètres de long et plus de 200 tonnes), devra résister encore plusieurs années. « Le programme devra être révisé en profondeur pour le rendre plus fiable, ce qui pourrait prendre des années, d’autant plus que les sanctions occidentales semblent frapper durement le secteur. »commente Etienne Marcuz. « La destruction du site aura inévitablement des conséquences majeures »ajoute le chercheur, qui détaille « trois possibilités » : « la reconstruction du silo, qui pourrait prendre plusieurs mois voire plusieurs années » ; « des tests à partir de silos déjà construits sur de futurs sites de déploiement opérationnel » ; « fin du programme »qui apparaît « peu probable » étant donné l’importance de cela.
La dissuasion nucléaire russe n’est toutefois pas remise en cause, le missile étant de toute façon encore en phase expérimentale. Concernant le volet terrestre, la Russie s’appuie également sur des missiles intercontinentaux plus légers (si l’on peut dire) tractés par des camions, ce qui leur confère une mobilité utile en cas de premières frappes ou de ripostes. La Russie a ainsi mis en service le Topol-M en 1997 et surtout le Yars en 2010.
« De quoi relativiser la panique médiatique »
Moscou a encore renouvelé sa composante navale avec ses 7 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Boréï nouvelle génération (trois autres sont en construction), équipée de nouveaux missiles balistiques BoulavaIls ont eux aussi connu plusieurs essais de lancement infructueux, mais au fil du temps, l’arme a été fiabilisée avec succès. Du côté de la composante aérienne, la Russie a relancé la construction de bombardiers supersoniques Tupolev Tu-160 modernisés.
Mais l’échec de Sarmat à ce stade jette une ombre sur les programmes de « super armes » dévoilé en grande pompe par le président russe en 2018, largement destiné aux opinions occidentales. Le missile de croisière à propulsion nucléaire Burevestnik a subi un incident lors d’un test en 2019 et le missile hypersonique Kinzhal aurait été intercepté à plusieurs reprises en Ukraine. « planeur hypersonique » L’Avangard, les Russes sont particulièrement discrets à son sujet, même s’il est officiellement en service depuis 2019. Les Russes ont également développé leur torpille nucléaire « Poséidon », tirée par leur nouveau sous-marin nucléaire Belgorod mise en service en 2022. « De quoi relativiser la panique médiatique »conclut Héloïse Fayet, en évoquant les très nombreux articles de presse au ton catastrophique publiés sur le sujet « Satan-2 » fin 2022, alors que la Russie était en difficulté en Ukraine.