Un moustique de l’espèce Aedes aegypti, dans le laboratoire du Centre de parasitologie et d’études vectorielles de l’Institut de recherche CONICET à La Plata, en Argentine, le 26 mars 2024 (AFP / Luis ROBAYO)
Le moustique Aedes aegypti utilise l’infrarouge dans son arsenal de moyens pour détecter et atteindre sa cible humaine, selon une étude publiée dans Nature.
L’insecte est l’un des principaux vecteurs de transmission à l’homme de virus comme la dengue, la fièvre jaune, le zika ou le chikungunya. Dommage collatéral à son objectif simple de se nourrir de sang, de préférence humain.
Pour y parvenir, il intègre simultanément plusieurs moyens de détection, rappelle l’étude menée par des chercheurs de l’Université de Californie à Santa Barbara.
Aedes aegypti détecte d’abord la minuscule fluctuation du dioxyde de carbone (CO2) dans l’air, induite par la respiration d’un être humain. Cette détection fonctionne jusqu’à plus de dix mètres du sujet.
Son effet, selon l’étude publiée mercredi, est d' »augmenter son activité locomotrice et d’accroître sa réactivité à d’autres stimuli de l’hôte ». Notamment des signaux olfactifs spécifiques à l’odeur humaine, détectables jusqu’à un à deux mètres de distance.
Cependant, comme Aedes aegypti a une « faible acuité visuelle », l’efficacité de ces indices pour trouver le chemin vers sa cible est réduite par d’éventuels courants d’air.
En revanche, l’insecte sait qu’il a atteint son objectif dès qu’il se trouve très près de la peau humaine, à moins de dix centimètres, en détectant l’humidité et la chaleur. Il ne lui reste plus qu’à y arriver.
– Serpent à sonnette –
L’équipe de l’Université de Californie, dirigée par le professeur Craig Montell, a cherché à savoir si Aedes aegypti pouvait, comme le crotale ou certains coléoptères, également utiliser le rayonnement infrarouge émis par tous les êtres vivants pour affiner sa position.
Le corps humain perd naturellement de l’énergie, en partie sous forme de rayonnement infrarouge. Ce même rayonnement qui révèle, à l’aide de lunettes de vision nocturne, la forme d’un homme ou d’un animal la nuit.
Les chercheurs ont mené une expérience comportementale en plaçant 80 moustiques femelles dans une cage, à quelques centimètres de distance de deux plaques, l’une à température ambiante de 29,5 degrés Celsius, typique d’un pays chaud, et l’autre qui pouvait être amenée à celle de la peau humaine : 34 degrés Celsius.
Ce dispositif permettait également l’émission d’un discret nuage de CO2 et la diffusion de l’odeur de sueur humaine émanant d’un vieux gant.
En combinant ensuite ces éléments et en filmant le comportement des moustiques, ils ont constaté qu’un seul signal, CO2, odeur ou rayonnement infrarouge de la plaque portée à température de la peau, suscitait une réponse très faible. Elle était significativement plus marquée avec une combinaison d’odeur et de CO2. Et maximale en combinant rayonnement infrarouge, odeur et CO2.
Vue microscopique d’un moustique de l’espèce Aedes aegypti, dans le laboratoire du Centre de parasitologie et d’études vectorielles de l’Institut de recherche CONICET à La Plata, en Argentine, le 26 mars 2024 (AFP / Luis ROBAYO)
L’étude indique que la température de surface des autres mammifères dans l’environnement humain peut varier jusqu’à 10 degrés Celsius. Malheureusement, c’est la température de surface de la peau humaine « qui attire le plus les moustiques », selon l’étude.
Ce qui précise que selon les observations Aedes aegypti peut détecter le rayonnement infrarouge de la peau jusqu’à au moins 70 centimètres du sujet. A une distance « intermédiaire » entre celle où il détecte le CO2 et les odeurs corporelles d’une part et la chaleur et l’humidité de la peau d’autre part.
L’équipe de l’Université de Californie explique cette capacité par le réchauffement, par rayonnement infrarouge, des extrémités des neurones situés sur les antennes de l’insecte. Ce réchauffement « active à son tour des récepteurs thermosensibles », selon l’étude.
Les auteurs émettent l’hypothèse que « la détection infrarouge pourrait être largement utilisée par les moustiques hématophages pour se diriger vers des hôtes à sang chaud ». Et si tel est le cas, les chercheurs évoquent la possibilité de concevoir des « pièges à moustiques plus efficaces ».