« Un monde sous dopamine », une addiction appelée désir instantané
Livre. « Qui de mieux pour nous apprendre à éviter la surconsommation excessive que ceux qui y sont les plus vulnérables : les personnes qui souffrent d’addiction ? Traités et considérés depuis des millénaires dans toutes les cultures comme des dépravés, des parasites, des parias et des vecteurs de turpitude morale, ils ont développé une sagesse en phase avec notre époque. » Dans son livre Un monde sous dopamine, publié aux États-Unis, en 2021, sous le titre Nation dopaminergique et tout juste traduit en français, la psychiatre Anna Lembke accorde une large place aux histoires de ses patients et à leur parcours de soins.
Universitaire qui a notamment publié sur le fléau américain de l’addiction aux opioïdes, l’auteur, responsable d’un centre spécialisé dans les addictions à Stanford, montre ainsi la diversité des individus concernés, ainsi que celle des substances ou des comportements en cause. Certains la consultent pour des addictions « classiques » à l’alcool, à des drogues comme le cannabis ou l’héroïne, à des médicaments (opioïdes, stimulants, sédatifs…) ou encore une utilisation excessive des écrans et des réseaux sociaux ; d’autres pour des dépendances plus singulières. Ainsi de cet homme, au début de la soixantaine, accro à la masturbation depuis l’enfance, qui bricolait une machine à cet effet, utilisant le courant électrique de sa chaîne stéréo. Au fil des années, il a perfectionné le dispositif et le scénario, permettant par exemple à un inconnu rencontré sur un forum de contrôler à distance le courant électrique, pendant que d’autres regardent et commentent, également via écran. Épuisé, en proie à plusieurs reprises à des pensées suicidaires, il décide finalement de consulter le Dr Lembke.
Un autre de ses patients lui a raconté s’être immergé quotidiennement dans de l’eau glacée pendant plusieurs années, initialement pour se désintoxiquer de la cocaïne. « Immédiatement après être sortie du bain, je me sens euphorique. Comme avec la drogue (…) Je me sens bien pendant des heures », il témoigne. La psychiatre avoue elle-même avoir développé dès la quarantaine une passion dévorante pour… la lecture de romans érotiques, « lié à l’apparition des lecteurs électroniques ». Comparée à une addiction à des substances mortelles, cette dépendance peut faire sourire, mais elle a néanmoins affecté pendant un temps sa vie quotidienne, professionnelle et familiale.
« Tous les esclaves »
Cet ouvrage n’est cependant pas qu’une galerie de portraits d’addicts en tout genre. Etudes scientifiques à l’appui, Anna Lembke explique pédagogiquement ce que sont les addictions et pourquoi « D’une manière ou d’une autre, nous sommes tous esclaves de nos propres machines à masturbation ».
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