Un missile russe RS-28 « Sarmat » a probablement explosé dans son silo au cosmodrome de Plesetsk
Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie pratique une forme d’intimidation stratégique en rappelant régulièrement son statut de puissance nucléaire. Cela s’est notamment traduit, outre les insinuations du Kremlin, par la suspension de sa participation au traité de désarmement New Start et par son retrait du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE).
Par ailleurs, en juin, le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, avait déclaré qu’il envisageait de modifier la doctrine nucléaire russe, dont la dernière version a été publiée en 2020. La semaine dernière, le contre-amiral Andreï Sinitsine, directeur du site d’essais nucléaires de Nouvelle-Zemble, a déclaré qu’une reprise des essais « à grande échelle » pourrait avoir lieu rapidement s’il en recevait l’ordre.
Mais au-delà de ces déclarations, cette «intimidation stratégique» passe aussi par la tenue d’exercices nucléaires ainsi que par des tests de missiles balistiques intercontinentaux à capacité nucléaire.
Un tel lancement était-il prévu entre le 19 et le 23 septembre ? C’est en tout cas ce que laissaient entendre récemment des avis aux aviateurs (NOTAM – NOTice To AirMen), qui imposaient des interdictions de vol pour les régions susceptibles d’être concernées par un tel essai. A priori, ces NOTAM étaient similaires à ceux qui avaient été émis en novembre 2023 et avril 2024, c’est-à-dire avant des essais prévus du missile RS-28 Sarmat (ou Satan II). Des essais qui n’ont finalement pas eu lieu.
🚀 Réessayez – Nouvelle tentative de lancement d’ICBM lourd SARMAT 🇷🇺 ☢️
La Russie prévoit un nouveau lancement de son nouveau missile Sarmat entre jeudi et lundi.
Les NOTAM (zones de vol restreintes) sont très similaires à ceux de novembre 2023 et d’avril 2024, qui ont été annulés ou ont échoué. https://t.co/tyqKGWxCIL pic.twitter.com/p1BWOTOZZE-Étienne Marcuz (@M51_4ever) 17 septembre 2024
Que s’est-il passé cette fois-ci ? D’après les images satellites, le cosmodrome de Plesetsk aurait subi de graves dommages entre le 20 et le 21 septembre. Un cratère d’au moins 60 mètres de large est visible au niveau du silo de lancement « Yubilinaya », qui avait auparavant servi au lancement du RS-28 Sarmat (SS-X-30). Les installations environnantes ont également subi des dommages importants, ce qui suggère que le missile a explosé peu après le lancement ou lors de l’allumage.
Il est possible qu’un incident se soit produit lors du remplissage des réservoirs du RS-28 Sarmat utilisant un propulseur à base de diméthylhydrazine asymétrique (UDMH), une substance très volatile (et donc dangereuse).
🛰️📷🚀🤯Comparaison des @planète Images satellite HR du 10 juillet et du 21 septembre de la rampe de lancement « Yubileynaya » au cosmodrome de Plesetsk (62.888611, 41.759444), montrant les conséquences de l’échec du missile balistique intercontinental super-lourd RS-28 Sarmat. https://t.co/94FxMp2203 pic.twitter.com/zmWHy2oR8o
— Mark Kroutov (@kromark) 22 septembre 2024
Jusqu’à présent, l’explosion du cosmodrome de Plesetsk n’a été évoquée que par le journal « Moskovski Komsomolets ». Et même là, seulement à moitié. En effet, il citait un expert militaire qui a déclaré que les essais du Sarmat devraient être « intensifiés », après avoir rappelé que le missile R-36M2 qu’il est censé remplacer avait subi 26 tirs, dont 20 réussis.
Ce n’est pas la première fois qu’un incident de cette nature se produit au cosmodrome de Plesetsk. Le 18 mars 1980, plusieurs dizaines de personnes avaient été tuées (ou grièvement blessées) dans une explosion lors des préparatifs du lancement d’une fusée Vostok-2M.
Un grand cratère (environ 62 mètres de large) est visible au niveau du silo de lancement et des dégâts importants à l’intérieur et autour de la rampe de lancement sont visibles, ce qui suggère que le missile a explosé peu de temps après l’allumage ou le lancement. pic.twitter.com/2a4l7YWf3m
— George Barros (@georgewbarros) 22 septembre 2024
Pour rappel, le RS-28 Sarmat est un missile d’une masse de 200 tonnes, capable d’emporter jusqu’à 15 têtes nucléaires MIRV. Il est possible qu’il fasse partie d’un système de bombardement orbital fractionné (OGCh pour Orbital’noi Golovnoi Chasti), qui vise à propulser une arme nucléaire en orbite basse afin d’échapper à la surveillance radar, notamment nord-américaine.
Le dernier tir d’essai réussi d’un RS-28 Sarmat remonte à avril 2022. Depuis lors, les autorités russes ont indiqué qu’il avait été officiellement mis en service.
Photo : missile Sarmat en avril 2022