Un ministre du Travail droit dans ses bottes pour présenter la réforme

Quatre jours après la première grande mobilisation contre la réforme des retraites, l’écho des 2 millions de manifestants dans les rues de France ne porte plus à l’Élysée. Ce lundi, le Conseil des ministres a examiné le projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale pour 2023 portant les deux grandes mesures régressives que l’exécutif entend imposer au régime général. Ou le recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. Et l’accélération du rythme des rentes demandées (de 41 à 43) pour obtenir une retraite à taux plein. Non seulement ces deux limites sont confirmées dans le texte, mais le gouvernement ne prend même pas la peine d’intégrer quelques contreparties minimales afin de rendre sa copie plus présentable. « Le président de la République a exprimé sa détermination (pour faire passer sa réforme – NDLR) et sa détermination est identique à celle du gouvernement », coupa court au ministre du Travail lors de sa présentation du texte à la presse. Ce durcissement va cependant à l’encontre de l’avis d’une grande majorité de Français (59%) qui estiment que le gouvernement ne peut pas rester « droit dans ses bottes », comme Alain Juppé en 1995, et ne fait rien pour retoucher sa réforme, selon le sondage Odoxa pour Le Figaro sorti samedi.
A ceux qui doutaient encore que la réforme gouvernementale ait pour seul et unique objectif de réduire les dépenses publiques, Olivier Dussopt a dissipé leurs dernières illusions. « Les mesures d’âge permettent de revenir à l’équilibre en 2030. Nous avons fait un ajustement avec 64 ans. Mais revenir sur ce point serait renoncer à l’équilibre, et donc manquer à nos responsabilités envers les générations futures », a immédiatement posé le ministre du Travail, rappelant que la réforme devait permettre de réaliser 18 milliards d’euros d’économies sur le dos des salariés cotisants d’ici 2030.
Présent à ses côtés, Stanislas Guerini, ministre de la Fonction publique, a tenté d’effacer du côté paternel la rigueur affichée par son collègue Dussopt, soulignant que « un tiers (sur les 18 milliards – NDLR) est consacré à l’amélioration du système de retraite. Cela montre à quel point la notion de justice est efficace dans cette réforme.. Mais ces mini-indemnités (retraite minimum de 1.200 euros pour 43 ans de carrière complète ; départs anticipés, dispositifs de prévention de la pénibilité…) n’ont pas vocation à prendre plus d’importance lors d’un débat parlementaire promis. avec du pain sec et de l’eau. « Chaque fois qu’un amendement nous permet d’améliorer le texte sans renoncer au retour à l’équilibre en 2030, ni aux fondamentaux de la réforme, évidemment nous y serons ouverts », enfermé le ministre du Travail, qui reste calé sur sa feuille de route pour un retour du déficit public en dessous de 3% du PIB d’ici cinq ans, comme prévu dans les finances publiques 2023-2027.
Huit mois supplémentaires pour les femmes nées en 1980, quatre mois pour les hommes
« Rien, il n’y avait rien de nouveau annoncé, aucune inflexion. Cette présentation est même devenue pathétique lors des questions de la presse, car Olivier Dussopt était en difficulté et s’est perdu dans la technicité de ses réponses. résume Catherine Perret, secrétaire confédérale de la CGT. Rien concernant l’emploi des seniors, sujet pour lequel le ministre des comptes publics, Gabriel Attal, réfléchissait pourtant ce week-end à « des mesures coercitives pour les entreprises qui ne jouent pas le jeu ». Enfin, Olivier Dussopt accepte des sanctions pécuniaires (1% de la masse salariale) si et seulement si les entreprises de plus de 300 salariés concernées ne publient pas l’indice censé dresser un état des lieux au sein de l’entreprise. Et encore : selon des indicateurs qui ne seront connus qu’après la publication d’un décret d’application, après une négociation de branche et après trois ans laissés aux entreprises pour le mettre en place, si l’on s’en tient à comme l’index de l’égalité professionnelle. Soit au Saint-Glinglin.
Rien de mieux non plus pour les 16-18 ans, qui travailleront un an de plus que les 43 ans demandés à tout le monde à la retraite. « Chaque système a ses effets de seuil », coule Olivier Dussopt. Enfin, rien de mieux pour les femmes, qui souffriront plus que les hommes du passage à 64 ans et de l’accélération de la durée de cotisation : une différence qui se traduira pour la génération de 1980, par 8 mois de travail supplémentaire pour elles, contre 4 pour leurs homologues masculins. « Cette présentation renforce le sentiment que la seule perspective pour combattre cette réforme est la mobilisation sociale », conclut Catherine Perret.
Grb2