AAvons-nous précipité sa mort ? Joël est décédé le 7 janvier 2023 dans l’Unité d’Hospitalisation de Courte Durée (UHCD) du Centre Hospitalier d’Angoulême après avoir reçu de la morphine associée à un puissant sédatif. Ce patient de 66 ans atteint du syndrome de Down avait été admis aux urgences du même hôpital moins de 13 heures plus tôt pour de simples examens dus à une détresse respiratoire. Il y a quelques semaines, selon nos informations, le parquet d’Angoulême a ouvert une information judiciaire à la suite d’une plainte pour meurtre contre le médecin ayant pris en charge le patient. La Commission d’indemnisation des accidents médicaux, destinataire d’une expertise accablante, aurait également fait un rapport au parquet.
«Je l’attendais à l’hôpital. Il est arrivé en ambulance peu après 13 heures pour des tests simples. Comme d’habitude, il avait peur des blouses blanches et des cris. Mais il ne souffrait pas. Ils ont même dû retenir plusieurs personnes pour lui faire une injection », raconte une des sœurs de Joël.
« Il ne passera pas la nuit »
Selon le rapport d’expertise, « le patient ne présentait pas de détresse majeure et l’objectif de la visite aux urgences est un retour rapide à son état initial après le traitement ». Cette dernière a dû se limiter à « une augmentation d’oxygène », une « radiographie des poumons » et une éventuelle « aspiration bronchique ». Le tout afin d’envisager un retour dans la maison de retraite où il résidait « après 48 heures ». En clair, pour l’expert, ce n’est qu’« en l’absence d’amélioration après un traitement simple » que des soins de confort pour accompagner la fin de vie pourraient être envisagés.
« Le médecin m’a dit : ‘Il ne passera pas la nuit, il est en fin de vie.’ La veille, il n’était pas si mal, nous lui avons même pris rendez-vous chez le dentiste.
Cependant, pour l’expert, « le patient n’a pas eu la chance de s’améliorer sous un simple traitement ». « Dans l’après-midi, le médecin est venu me voir. Il m’a dit : ‘Ton frère souffre, je vais le soulager' », raconte la sœur du patient. Selon un document de suivi du Centre Hospitalier, à partir de 16h30, Joël a été placé sous hypnovel et morphine en vue de soins palliatifs. Sans augmentation de l’oxygène, la sédation « a accru la détresse respiratoire », note l’expert. Et l’augmentation des doses au cours de la soirée entraînera le coma puis la mort, « ce qui était l’objectif recherché ».
«Je n’ai pas compris qu’il s’agissait de commettre un acte mortel. J’ai appelé mon autre frère et ma sœur. Le médecin m’a dit : « Il ne passera pas la nuit, il est en fin de vie. » Je n’ai pas compris que c’était à cause du produit que la perfusion lui envoyait dans les veines. . La veille, il n’était pas si mal, nous lui avons même pris rendez-vous chez le dentiste », raconte la sœur de Joël.
«Euthanasie douce»
L’avis d’expert est cinglant : « La mort du patient est le résultat d’un acte volontaire visant à provoquer la mort à court terme par une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’à la mort avant même toute évaluation de l’évolution sous traitement, supprimant aucune chance d’amélioration de son état. » Ou « euthanasie douce ». Et l’expert a constaté « qu’aucun accord n’a été donné pour une sédation profonde », estimant que l’information donnée à la famille visait uniquement à « limiter les soins » excluant l’hospitalisation en réanimation.
« Ce médecin décidait seul de la fin de vie d’un patient qui pouvait pourtant vivre malgré sa maladie et ne méritait pas de mourir ce jour-là »
L’expert doute également que la collégialité, préalablement à toute décision de plonger un patient sous sédation profonde, ait été respectée dans la mesure où « il ne s’est pas écoulé une heure entre l’observation médicale par le médecin urgentiste et la mise en place d’une perfusion ». a décidé la fin de vie d’un patient qui pouvait pourtant vivre malgré sa maladie et ne méritait pas de mourir ce jour-là », affirme Me Philippe Courtois, l’avocat de la famille de Joël.
Confiance pour le soignant
Interrogé, le médecin n’a pas répondu. De son côté, le Centre Hospitalier assure prendre acte de l’expertise. « Nous suivons l’avis de l’expert, c’est pourquoi une offre d’indemnisation a été faite à la famille. Cependant, nous avons exprimé notre désaccord avec ses conclusions. La position de l’établissement est qu’il n’y a pas eu de sédation profonde », indique le directeur général adjoint de l’établissement Nicolas Prentoux. « Nous avons interrogé le médecin, son avis nous suffit », a-t-il indiqué, assurant maintenir sa confiance envers l’aide-soignante.