Un juge annule la procédure – Libération

Après la protection divine, celle de la justice ? « C’est Dieu seul qui a empêché l’impensable »Donald Trump l’a proclamé ce week-end après avoir miraculeusement survécu à une tentative d’assassinat. Ce lundi, c’était au tour de la juge fédérale Aileen Cannon, dont l’inexpérience et la partialité ont été maintes fois pointées du doigt, de jouer les anges gardiens. Nommée fin 2020 par Trump lui-même, et chargée de présider le procès qui l’opposait pour avoir dissimulé des documents classifiés après son départ de la Maison Blanche, elle a décidé d’annuler toute la procédure, jugeant illégale la nomination du procureur spécial Jack Smith, qui enquête sur l’affaire.

Cette décision radicale, qui devrait faire l’objet d’un appel de la part du ministère américain de la Justice, n’en constitue pas moins une victoire éclatante pour l’ancien président, le jour où débute la convention républicaine qui doit officialiser sa candidature à l’élection présidentielle de novembre. Une bouffée d’air frais d’autant plus délicieuse qu’avant de s’enliser dans les manœuvres dilatoires et les décisions incompréhensibles du juge Cannon, cette affaire d’archives confidentielles a longtemps été considérée comme la plus périlleuse des (nombreuses) menaces judiciaires qui pesaient sur l’ancien président.

Dans cette affaire, dont les faits se sont essentiellement joués après le départ en disgrâce de Donald Trump de la Maison Blanche le 20 janvier 2021, soit deux semaines après l’attaque du Capitole par ses partisans, la responsabilité directe et flagrante de l’ancien président et de deux de ses assistants personnels semblait en effet la plus facile à démontrer. L’enquête et les perquisitions menées à l’été 2022 par le FBI dans la résidence de Mar-a-Lago ont notamment permis de retrouver plus d’une centaine de documents classifiés, dont des plans militaires et des informations sur les armes nucléaires, entreposés dans des placards, des salles de stockage, une salle de bal et même des toilettes. En totale violation de plusieurs lois, dont celle régissant les archives présidentielles et une autre sur l’espionnage, qui interdit de conserver des secrets d’État dans des endroits non autorisés et sécurisés. Egalement accusé d’avoir tenté de détruire des preuves, Donald Trump était visé dans ce dossier par une quarantaine d’inculpations, dont les plus graves sont passibles d’un maximum de dix ans de prison.

Jurisprudence affaiblie

Sans se prononcer sur le fond de l’affaire, à peine évoqué dans sa décision de 93 pages, la juge Aileen Cannon, 43 ans, a donné raison à la défense de Donald Trump, qui contestait l’autorité constitutionnelle du procureur spécial Jack Smith, nommé en novembre 2022 par le ministre de la Justice, et le financement de son travail d’enquête. « La Cour est convaincue que la poursuite de cette affaire par le procureur spécial Smith viole deux piliers de notre ordre constitutionnel : le rôle du Congrès dans la nomination des fonctionnaires en vertu de la Constitution et le rôle du Congrès dans l’autorisation des dépenses. »« Apparemment indifférent au fait que dans le passé, y compris récemment, de nombreux juges fédéraux ont catégoriquement rejeté des arguments similaires à ceux des avocats de Trump concernant la légitimité des procureurs spéciaux, dont la tradition remonte aux années 1870 », a écrit le juge.

Mais, et c’est là l’une des conséquences les plus durables du premier mandat de Donald Trump, au cours duquel il a nommé des centaines de juges à tous les niveaux du système fédéral : jamais la jurisprudence n’a semblé aussi fragile aux États-Unis. Particulièrement au sein d’une Cour suprême de plus en plus politisée, où siègent trois juges nommés par Trump. Et qui, deux ans après avoir abrogé le droit fédéral à l’avortement, vient de réduire considérablement le pouvoir de régulation des agences fédérales et de reconnaître une large immunité pénale au président des États-Unis. Cette décision inédite, rendue le 1er juillet, a renvoyé au tribunal de première instance l’autre grand dossier fédéral menaçant Donald Trump, sur les tentatives d’annulation des résultats de l’élection présidentielle de 2020.

Suite à la décision de lundi, Donald Trump a appelé à l’abandon de toutes les poursuites judiciaires à son encontre : « Alors que nous avançons vers l’unification de notre nation après les horribles événements de samedi, cette annulation de l’acte d’accusation illégal en Floride devrait être la première étape, suivie rapidement par l’annulation de TOUTES les chasses aux sorcières. »« Nous sommes en train de nous opposer à Joe Biden », a déclaré le candidat républicain à la présidentielle sur sa plateforme Truth Social, puis a énuméré les poursuites engagées contre lui. S’il l’emporte le 5 novembre face à Joe Biden, Donald Trump pourrait, une fois investi en janvier 2025, ordonner l’abandon définitif de toutes les poursuites fédérales à son encontre. Les procédures toujours en cours dans l’Etat de New York et en Géorgie, une autre affaire concernant la tentative de corruption du résultat de l’élection de 2020, seraient suspendues pendant toute la durée de son mandat.

Mise à jour à 18h50 avec des éléments contextuels.