un imam algérien condamné pour antisémitisme expulsé
Condamné pour avoir cité un « hadith » antisémite en 2018, le religieux, présent en France depuis 1985, s’est défendu « interprétation décontextualisée » de ses paroles. Il est arrivé en Algérie vendredi soir à la suite d’un arrêté d’expulsion signé le 5 avril par le ministre Gérald Darmanin.
L’expulsion a eu lieu en moins de 24 heures. Vendredi matin, un imam algérien en poste à Toulouse, Mohamed Tataï, a été interpellé à son domicile par la police aux frontières. Les agents lui ont présenté un arrêté d’expulsion signé par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Le soir même, le locataire de Beauvau annonçait, sur X, le départ pour son pays d’origine de ce « prédicateur de la haine »reconnu coupable de provocation à la violence contre la communauté juive.
Les avocats de l’imam n’ont pas eu de nouvelles de lui, mais une source proche du dossier confirme Figaro que l’imam a pris l’avion vendredi après-midi et a atterri en Algérie le soir même. «Je n’ai aucune nouvelle. Et sa famille, plus rien. »a déclaré l’un de ses avocats, M.e Jean Iglesis.
Hadith antisémite
Ce père, arrivé en France en 1985, était « sur le radar de Beauvau depuis quelques temps », nous dit une source institutionnelle. Il prend la direction deux ans après son arrivée de la mosquée Al Nour à Toulouse, dans le quartier d’Empalot. Dans ce lieu de culte qu’il a en partie fondé, il prêche depuis comme imam algérien détaché, explique la Dépêche du Midi. Des sermons prononcés entièrement en arabe par ce religieux qui, 35 ans après son arrivée en France, comptait encore sur un interprète pour s’exprimer dans les médias. En 2002 et 2007, deux demandes de naturalisation lui ont été refusées pour « absence d’efforts d’intégration ».
Après près de 13 ans de travaux, la mosquée Al Nour a été inaugurée en juin 2018 par une cérémonie officielle. Sont notamment présents le maire LR Jean-Luc Moudenc, la présidente de la région Occitanie Carole Delga, et le directeur de cabinet du préfet de Haute-Garonne, Marc Tschiggfrey. Quelques jours plus tard, l’Institut de recherche sur les médias du Moyen-Orient (MEMRI) diffusait une vidéo dans laquelle Mohamed Tataï, lors d’un sermon, prononce en arabe devant ses fidèles un hadith sur « la bataille finale décisive » qui doit opposer les musulmans et les juifs.
« Le Jour du Jugement dernier ne viendra que lorsque les musulmans combattront les juifs »» proclame le hadith (paroles de Mahomet transcrites par la tradition musulmane) cité par l’imam. « Les Juifs se cacheront derrière des pierres et des arbres, et les pierres et les arbres diront : Ô musulman, ô serviteur d’Allah, il y a un Juif qui se cache derrière moi, viens le tuer – sauf l’arbre Gharqad, qui est l’un des arbres des Juifs.
Dans la foulée, ces propos ont fait l’objet d’un rapport du préfet de Haute-Garonne, à « provocation de la haine et de la discrimination contre les Juifs ». Dès le mois de septembre suivant, une procédure judiciaire est ouverte. L’imam a été relaxé une première fois par le tribunal correctionnel de Toulouse. Il a néanmoins été condamné en appel à quatre mois de prison avec sursis. Dans sa décision, la Cour d’appel note que l’imam « n’a donné au hadith aucune explication qui aurait permis de le lire différemment de celle de l’appel textuel au meurtre des Juifs ». Ayant reçu un pourvoi de l’intéressé, la Cour de cassation, en décembre 2023, a confirmé cette condamnation.
« Résonance spéciale » après le 7 octobre
L’intéressé nie, quant à lui, tout antisémitisme. A travers un communiqué de la Grande Mosquée de Paris en 2018, l’homme de foi présente ses excuses « profondément avec ses amis de la communauté juive de Toulouse et de France »et pointe un « interprétation décontextualisée » de ses paroles. Il évoque également, sur France 3, dans un français difficile épaulé par un traducteur, un « traduction incorrecte » texte de l’arabe.
Mais ce sermon n’est pas la seule chose dont l’imam est accusé. En 2017, commentant la décision du président américain Trump de déplacer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, l’imam Tatai s’est clairement moqué de l’avenir de l’État d’Israël : « Alors que le Premier ministre israélien était chez lui, la presse a rapporté qu’il avait déclaré : ‘Nous allons célébrer l’accord Balfour et dans trente et un ans nous célébrerons le centenaire de la construction de l’État d’Israël.’ Je promets que nous serons toujours là. Puis il a dit – et c’est drôle, c’est drôle – qu’il craignait que l’État d’Israël ne vive pas au-delà de 76 ans, comme le disent ses propres prophéties. Et c’est ainsi qu’aujourd’hui, lorsque leur président est décédé il y a deux ans, une de leurs célébrités a déclaré : « Les gens ne sont pas venus pour les funérailles de Peres, mais pour l’enterrement d’Israël. »
Entre-temps, le terrible attentat du 7 octobre en Israël et la vague d’antisémitisme qui a suivi en France ont donné un « résonance et gravité particulière » aux propos de l’imam controversé, indique Beauvau dans son avis d’expulsion. Celui-ci a été délivré le 15 mars lors d’une commission à laquelle l’imam était présent, puis notifié quatre jours plus tard à l’intéressé. Le 5 avril, Gérald Darmanin signe l’arrêté d’expulsion.
Malgré ce retard, ses avocats dénoncent une décision précipitée à l’encontre de ce père de 6 enfants, marié à une Algérienne. « Il n’y a pas eu d’urgence, cela fait 40 ans qu’il est sur le territoire français, il a des enfants, il travaille, on ne parle plus de lui depuis sept ans, et là, il se retrouve dans un avion en direction de l’Algérie »a réagi à l’AFP Me Jean Iglesis. Pour lui, c’est un «Expulsion manu militari pour éviter la suspension de l’ordre». Une audience pour examiner une demande de référé des avocats de l’imam contre cet arrêté d’expulsion est prévue lundi au tribunal administratif de Paris, a-t-il ajouté.