« Un Français sur trois achète des produits reconditionnés, c’est six fois mieux qu’il y a dix ans », souligne le président de Back Market.

L’entreprise Back Market, ou place de marché en ligne en bon français, fête ses 10 ans en 2024, alors que le marché du reconditionné explose ces dernières années. Les téléphones portables, notamment, sont de plus en plus achetés d’occasion plutôt que neufs. Thibaud Hug de Larauze, Le président et co-fondateur de Back Market est l’invité économique de franceinfo du jeudi 19 septembre.

franceinfo : Le marché du reconditionné a explosé. À quoi cela est-il dû ? À des téléphones toujours plus chers, que les gens préfèrent réparer plutôt que d’en acheter un autre. Ou est-ce plutôt dû à une conscience écologique ?

Thibaud Hug de Larauze : Un peu des deux. Ce qui va pousser les Français à choisir un téléphone reconditionné plutôt qu’un neuf, c’est d’abord l’économie de prix. Il coûte toujours deux fois moins cher. Les produits neufs coûtent toujours plus cher et donc dépenser 1 000 euros ou plus pour un nouveau terminal n’a plus de sens aujourd’hui et cela en a de moins en moins chaque année.

Le fait que les nouveaux téléphones portables deviennent de plus en plus chers, est-ce plutôt une aubaine pour un marché comme le vôtre ?

Ce qui est une aubaine pour le développement de l’économie circulaire et la vente de produits reconditionnés, c’est qu’il n’y a plus d’innovation. Pour être très concret, je vous invite à me dire la différence entre un iPhone d’il y a huit ans et un iPhone d’aujourd’hui.

Xavier Niel a déclaré hier qu’il aurait adoré inventer l’iPhone, mais qu’il aurait été incapable de le vendre au prix où il est vendu aujourd’hui.

Ce sont encore de très bons produits. Mais c’est beaucoup de marketing. Aujourd’hui, on propose une alternative facile aux consommateurs français, qui consiste à acheter en ligne un terminal reconditionné qui coûtera entre 50 et 70 % moins cher, avec les mêmes garanties que sur le neuf.

En France, il existe la loi sur l’économie circulaire qui taxe les industriels et finance ensuite cette taxe, un circuit de reconditionnement. Bénéficiez-vous de cette taxe ?

Non, tout n’est pas encore parfait en France, ça progresse. Mais si on parle de l’écotaxe et de cette taxe qui est collectée à chaque fois qu’un nouveau produit est vendu. Aujourd’hui, 100% a été utilisé par les éco-organismes pour financer le recyclage de ces produits.

Il ne s’agit pas de les acheter pour d’autres clients, mais d’utiliser la matière première.

Sauf qu’il faut d’abord essayer de réparer ces produits, les reconditionner et les revendre puisqu’il y a déjà une demande pour acheter ces produits plutôt que de les démonter et les brûler pour ensuite créer de l’énergie qui est revendue ensuite.

Vous pensez donc que cette taxe pourrait bénéficier à un marché comme le vôtre ?

Je pense que oui. Je pense que cela ne coûterait pas un euro de plus à l’État. Cette taxe existe déjà et est prélevée sur la vente des produits, mais elle ne sert qu’au recyclage. Aujourd’hui, une bonne partie devrait servir à former des réparateurs et à faire en sorte que les produits soient réparés et reconditionnés plus souvent.

Votre client, à l’origine, est un consommateur qui vient acheter un téléphone reconditionné sur votre plateforme. Désormais, vous nouez aussi de plus en plus de partenariats avec des distributeurs, Bouygues Telecom en France, Verizon aux États-Unis. Est-ce pour les empêcher de créer leurs propres canaux sans vous ?

Pas du tout. Notre objectif est de démocratiser la consommation de produits reconditionnés. Aujourd’hui, un Français sur trois achète son terminal reconditionné, donc c’est déjà six fois mieux qu’il y a dix ans, mais ce n’est pas suffisant. La majorité des terminaux sont encore achetés neufs. Donc ce qu’on se dit c’est qu’on ne va pas demander trop d’efforts aux Français, on ne va pas demander trop d’efforts, même aux citoyens américains…

Mais si Bouygues Telecom propose vos produits dans ses magasins, ils ne vont pas créer leur propre secteur.

Non, justement, ils vont s’appuyer l’un sur l’autre et c’est tout l’intérêt de ce partenariat. Bouygues Télécom est un réseau établi qui fonctionne très bien, qui est connu de tous les Français. Back Market commence maintenant à être connu de tous les Français pour les produits reconditionnés. Nous combinons donc le meilleur des deux mondes. Nous proposons des terminaux reconditionnés chez Bouygues Télécom et Bouygues Télécom propose des forfaits chez Back Market qui permettent aujourd’hui aux consommateurs de Back Market de bénéficier d’une réduction de 120 euros lorsqu’ils achètent un terminal et un forfait chez nous.

Orange encourage ses clients à rapporter leur téléphone en magasin pour lui donner une seconde vie. Voilà qui, pour une fois, vous fait concurrence.

Non, c’est magnifique, au contraire.

« Il y a 100 millions de produits qui restent et qui dorment dans les tiroirs des Français. C’est un gros problème. »

Thibaud Hug de Larauze, Président de Back Market

à franceinfo

Nous ne réalisons pas que nos produits, lorsque nous ne les utilisons plus, ont encore beaucoup de valeur.

Mais c’est de moins en moins vrai.

Malheureusement, c’est encore trop vrai. Et c’est pour cela que nous avons créé une application. Et nous allons inciter les Français à revendre leurs produits dont ils ne se servent plus pour récupérer de l’argent.

L’association de protection des consommateurs UFC-Que Choisir a porté plainte contre Back Market pour pratiques commerciales trompeuses. Les prix affichés sur votre site sont présentés comme des promotions avec des prix barrés et des prix réduits. Sauf que, selon l’UFC, vous comparez le prix du produit neuf avec celui du produit reconditionné, alors que cela n’a rien à voir. Qu’en dites-vous ?

Ce que je dis, c’est que je crois que nous sommes fermes, que le consommateur doit être informé. L’avantage dont je vous parlais en premier, pour un consommateur, c’est une économie de prix.

Sauf que vous comparez les torchons à vaisselle aux serviettes de table.

Non, c’est le même produit. Ici, par exemple, dans ma poche, j’ai un iPhone 8 Plus, je pourrais l’acheter neuf, je pourrais l’acheter reconditionné…

Oui, mais remis à neuf signifie qu’il présente déjà une certaine usure, donc cela coûte moins cher.

Donc ça coûte moins cher et c’est normal.

Oui, en comparant ces deux prix, on comprend que l’UFC-Que Choisir affirme que le consommateur est un peu trompé sur les économies réalisées, même si elles sont réelles.

Nous partons toujours de ce que les consommateurs nous disent. Nous leur demandons donc leur avis et c’est ainsi que nous avons construit la plateforme depuis dix ans et que nous continuons à la construire.

« Aujourd’hui, si nous avons réussi à augmenter la consommation de produits reconditionnés, c’est parce que ces 15 millions de clients que nous avons depuis dix ans sont contents puisque nous avons réalisé deux fois plus de commandes depuis notre lancement. »

Thibaud Hug de Larauze, Président de Back Market

à franceinfo

Donc, les clients, quand ils viennent une fois et qu’ils reviennent une fois, je pense que c’est ce qui est le plus important. Qu’ils soient satisfaits de leur expérience pour qu’ils achètent du reconditionné plutôt que du neuf.

Donc ce n’est pas une triche ?

Non, ce n’est pas une tromperie. C’est assez clair. Après, je laisserai chacun juger.

Mais il existe un droit de la consommation.

Donc, c’est pour ça que les informations sont clairement explicites sur le site. Quand vous regardez une fiche produit, on vous dit voici le prix de référence neuf de ce produit, voici le prix du produit reconditionné. Ensuite, vous choisissez l’état esthétique de votre produit, vous choisissez si vous voulez une batterie neuve ou pas, vous choisissez si vous voulez un forfait Bouygues ou pas, mais on fait simple et le plus transparent possible.

Votre entreprise, Back Market, fait partie des rares licornes françaises valorisées à plus d’un milliard de dollars. Elle en vaut aujourd’hui cinq fois plus. Et pourtant, vous ne commencez à être rentable que cette année, en 2024. C’est donc un marché qui arrive à maturité petit à petit. Il est effectivement compliqué de gagner de l’argent.

Non, ce n’est pas que c’est compliqué, c’est que Back Market a une ambition qui dépasse le territoire français. Ce que nous souhaitons, c’est pouvoir démocratiser la consommation de produits reconditionnés. C’est pour cela que nous sommes présents dans 18 pays sur trois continents. La France est notre marché historique, c’est notre bébé. Nous sommes là depuis dix ans, nous sommes Français, les trois fondateurs, donc c’est le premier marché que nous avons développé. Et grâce aux bénéfices, à la rentabilité que nous avons en France, nous finançons notre expansion internationale au Japon, aux États-Unis et c’est comme ça que nous avons développé l’entreprise dès le début. Nous avons donc choisi d’investir dans le développement international pour démocratiser les produits reconditionnés.