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Un employeur fournit un matelas à une travailleuse enceinte, est-ce suffisant ?

Une travailleuse enceinte doit retourner travailler au bureau deux jours par semaine, étant donné la fin des mesures COVID-19.

Elle affirme que son employeur est obligé de lui permettre de travailler à domicile toute la semaine compte tenu de sa grossesse, de son niveau de fatigue élevé et de son besoin de dormir « pendant ma pause déjeuner, parfois même pendant mes pauses. Il est préférable pour moi de dormir dans mon lit, dans le noir et le calme, que par terre dans mon bureau ».

De son côté, l’employeur soutient que l’installation d’un matelas de sol dans le bureau de l’employé est conforme à son obligation d’« aménagement raisonnable ». Rappelons que l’« aménagement raisonnable » est un moyen utilisé pour mettre fin à une situation discriminatoire contraire à la Charte des droits et libertés du Québecqui interdit toute discrimination fondée sur l’état de grossesse.

Qui a raison ?

1. Tout d’abord, l’employeur peut-il normalement mettre fin au télétravail de son salarié ?

  • Un employeur peut mettre fin au télétravail et exiger un retour au bureau pour toute la semaine de travail ou une partie de celle-ci, car il s’agit de son droit de direction ;
  • De plus, les lieux de travail de l’employeur doivent être sûrs et assurer la santé et la sécurité de ses travailleurs ;
  • Dans certains cas particuliers, comme l’invoque le travailleur en l’espèce, l’employeur a l’obligation d’autoriser le télétravail afin de se conformer aux articles 10 et 16 de la Charte des droits et libertés.

2. Le fait de fournir un matelas de sol à la travailleuse pour qu’elle puisse faire une sieste dans son bureau constitue-t-il un « aménagement raisonnable » qui répond aux obligations de l’employeur ?

Face au refus de son employeur de permettre à la travailleuse enceinte de télétravailler à temps plein, elle a déposé une réclamation demandant notamment réparation de l’ensemble des préjudices matériels, moraux et exemplaires subis.

Le tribunal arbitral saisi de cette affaire a rappelé le principe suivant : lorsqu’on cherche un « accommodement raisonnable » tel que celui demandé par la travailleuse enceinte, l’employeur, la travailleuse et son syndicat doivent collaborer :

  • L’employeur « doit faire des efforts significatifs, sérieux et sincères » pour parvenir à une solution satisfaisante ;
  • La travailleuse et son syndicat ont « le devoir d’accepter une mesure d’adaptation raisonnable et ils ne peuvent pas s’attendre à une solution parfaite ».

Dans notre cas, le tribunal arbitral a décidé que l’employeur a rempli son devoir « d’accommodement » puisque la travailleuse et son syndicat ont rejeté toutes les propositions de l’employeur, y compris celle qui incluait un éventuel aménagement de l’horaire de travail au bureau.

En conclusion

Le droit de l’employeur de mettre fin au télétravail en tout ou en partie n’est pas absolu. Lorsque les circonstances l’exigent, il doit tenir compte des dispositions de la Charte des droits et libertés du Québec qui interdisent plusieurs formes de discrimination, notamment celles fondées sur la race, le sexe, l’âge ou la grossesse. Dans ces cas, un « aménagement raisonnable » doit être recherché.

D’autre part, les travailleurs et le syndicat doivent faire preuve d’ouverture pour trouver une solution réaliste et raisonnable et ne peuvent se limiter à exiger uniquement le télétravail à temps plein.

Met Bernard Cliche, avocat émérite

Avocats Beauvais Truchon

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