Un détenu battu à mort à la maison d’arrêt de Brest : l’accusé, un « enfant dans un corps d’adulte »
« J’ai tué mon codétenu à Brest. » Ces paroles prononcées « sans aucune émotion, sur un ton monotone », les experts psychiatres s’en souviennent parfaitement. C’est le jour où ils ont rencontré Florian Jouan à la maison d’arrêt, quelques jours après le drame.
« Ce qui nous frappe dans notre examen, c’est la froideur, l’absence d’émotions et la distance », a insisté l’experte Anne-Marie Hemery, lundi 15 avril, au deuxième et dernier jour du procès pour le meurtre d’un détenu de la maison d’arrêt de Brest. centre, la nuit du 23 août 2021. Une date hautement symbolique pour l’accusé.
« Les mal-aimés »
C’était son 25ème anniversaire. Comme si cette date lui rappelait « une enfance bouleversée dès le plus jeune âge par un environnement marqué par l’alcool et la violence paternelle ». Une enfance marquée également par un rejet important de la part de la mère qui l’a eu très jeune. « Mon père était en désaccord avec ma mère », pouvait-il dire.
Issu d’une famille de quatre personnes, Florian Jouan n’a plus aucun lien familial. C’est un homme complètement isolé. Il a « le sentiment d’être le mal-aimé de cette famille », a rapporté l’expert, faisant référence à un accusé peu bavard au visage de bébé entouré de longs cheveux blonds. Un « enfant dans un corps d’adulte », un « gamin qui ne supporte pas d’être restreint et qui ne voit pas les conséquences de ses actes ».
« Il ne sait ni lire ni écrire »
Un homme qui a tenté de se construire à travers de nombreux placements en maison d’hébergement depuis l’âge de 7 ans mais aussi des hospitalisations en milieu psychiatrique. A l’école, la vie s’avère tout aussi compliquée pour lui, avec des difficultés d’apprentissage, dues notamment à des troubles dyslexiques et dysorthographiques. « Il ne sait ni lire ni écrire » et « a un léger retard intellectuel », a précisé l’expert psychiatre, rappelant qu’il n’a aucun diplôme et n’a jamais travaillé.
À sa majorité, malgré son placement sous tutelle renforcée, la situation s’est aggravée avec un « sentiment d’abandon » qui s’est fortement aggravé. Florian Jouan s’est retrouvé à la rue, errant de gauche à droite, entamant un parcours délinquant qui s’est soldé par des périodes de détention, à partir de 2017, pour des affaires de vols de scooters, de vols de voitures sans permis ainsi que pour des escroqueries à la carte bancaire.
27 changements de cellules en un an
Dans ses relations avec les autres, la situation n’est guère meilleure. Pas de vie affective ou amoureuse. Selon l’expert psychiatre, Florian Jouan a une personnalité « immature » avec une « intolérance à la frustration », un « manque d’empathie, de considération pour l’autre » qui peut faire des « crises de colère » et se montrer violent, même à sa discrétion. contre, « pour des raisons triviales comme le manque de tabac ». Pour preuve, il suffit de constater les innombrables incidents disciplinaires et changements pénitentiaires tout au long de son parcours carcéral. Jusqu’à 27 changements de cellule en un an en raison de difficultés avec les codétenus. Des incidents qui pouvaient souvent survenir à l’approche des dates de sortie, comme s’il « avait peur de l’extérieur », a rapporté son conservateur au bar. « Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il n’a pas sa place en prison, qu’il a besoin de soins mais il refuse tout traitement », a-t-il ajouté.
Une « pulsion meurtrière »
Le 23 août 2021, entre 1 heure et 3 heures du matin, il finit par tuer, à mains nues, l’un de ses deux codétenus qui partageaient la cellule 454, située au 4e étage de la maison d’arrêt de Brest. Pendant d’interminables minutes, l’accusé, pesant plus de 100 kg, avait porté de multiples coups à la victime, après lui avoir attaché le ventre au sol et l’avoir bâillonné avec des sous-vêtements. Une « pulsion meurtrière », a assuré l’expert psychiatre, permettant d’apporter de l’eau au moulin des avocats de la défense. Car, si Florian Jouan a reconnu les coups mortels, il a nié avoir eu l’intention de tuer son codétenu.
Si à l’issue de l’examen psychiatrique de l’accusé, le Dr Anne-Marie Hemery a écarté toute « dangerosité psychiatrique immédiate », elle a retenu une « déficience du discernement » due aux troubles de la personnalité de l’accusé qui, tel un enfant, envisage le un avenir de vie au plus près de la nature et des animaux. « La liberté n’a pas de prix. Dehors, c’est mieux. Une canne à pêche et on peut manger », a-t-il déclaré à l’expert.