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« Un débat grotesque comme une élection déchaînée »

FIGAROVOX/TRIBUNE – Le spectacle affligeant offert par les têtes de liste aux élections européennes, ce lundi sur BFM TV, illustre le grand non-sens de ce début de campagne et la déconnexion croissante entre citoyens et politiques, estime l’historien Maxime Tandonnet.

Maxime Tandonnet est essayiste et historien. Il a notamment publié André Tardieu. L’incompris (Perrin, 2019), qui vient d’être réédité dans la collection « Tempus » (poche), enrichi d’un alphabet de ses citations.


500 000 : c’est l’audience moyenne du débat collectif du 27 mai sur BFMTV, dans le cadre de la campagne des élections européennes ; soit, environ, un électeur français inscrit sur 100. Et combien de téléspectateurs ont passé trois heures et dix minutes devant un spectacle aux accents de cour de récréation, comme Raphaël Glucksmann demandant au candidat Insoumise de «lâcher ses baskets» ? Cela signifie que les échanges entre les huit têtes de liste ne peuvent avoir qu’une influence marginale sur les sondages et sur le résultat de l’élection. Par ailleurs, ce débat se présentait comme le reflet fidèle d’une vie politique française dominée par la déconnexion du pays profond.

Jordan Bardella a été la cible de la plupart des candidats, fréquemment attaqué par les quatre partis de gauche représentés et par Valérie Hayer. La phrase maudite « extrême droite » est revenue comme un leitmotiv et même l’éternelle accusation de « pétainisme » de la part du candidat communiste ou «absence de toute l’humanité» d’une autre tête de liste. Résultat : selon un dernier sondage, Jordan Bardella progresse encore à 34% !

En effet, dans un climat de défiance populaire envers le monde politique, se lancer collectivement au jeu de la potence, au point de le placer en position de paria, revient à lui offrir un avantage inattendu. Le président du Rassemblement national ne propose rien de plus que les autres qui risque de lui valoir un tel succès électoral. Cependant, une partie du dégoût populaire s’identifie à son image. Là se cristallise, par un effet de psychologie des foules, la réaction d’une partie significative de la France profonde au sentiment de déclassement et de mépris à son égard de la part de la classe dirigeante.

Plus ils frappent le RN, plus ils le font monter. Le précédent débat, entre Gabriel Attal et Jordan Bardella, a une nouvelle fois illustré ce phénomène. Considéré comme un perdant (voire écrasé) par la plupart des experts et des « politiques », le président du Rassemblement national était plutôt considéré comme un vainqueur par l’opinion publique, selon différents sondages. Le fait que les dirigeants politiques ne voient pas ce phénomène d’identification populaire au paria est un signe clair de déconnexion ou d’aveuglement. Car ces élections au Parlement européen sont avant tout une libération. Ils rejouent en 2024, lors des urnes, la crise des gilets jaunes. La force de la liste RN ne vient ni d’un projet, ni d’idées (lesquelles ?), ni des personnalités qui l’animent. Sa force réside dans son statut de pestiféré qui lui permet d’incarner, mieux que les autres, le rejet populaire du pouvoir actuel.

Les élections européennes de 2024, en guise de communiqué, seront vite oubliées, surtout quand les élections municipales interviendront deux ans plus tard.

Maxime Tandonnet

Ce contexte explique aussi le naufrage de Valérie Hayer, qui n’est sûrement pas moins compétente que la moyenne des autres candidats. Elle se retrouve à contre-courant d’un puissant mouvement populaire d’hostilité envers le pouvoir en place et les hommes qui l’incarnent. Déstabilisée lorsqu’un des animateurs lui a demandé son avis sur la guerre entre la Russie et l’Ukraine, elle a simplement répondu «je ne suis pas un expert en la matière« . Cette réponse presque suicidaire révèle un profond malaise, sans doute amplifié par l’initiative infructueuse de Gabriel Attal la remplaçant pour débattre contre Jordan Bardella ou les déclarations transgressives d’un chef de l’Etat – en principe au-dessus de la mêlée politique en tant que président de tous les Français. des gens – désireux d’entrer dans l’arène et de lutter à sa place contre le RN.

Dans ce contexte, approximations et absurdités se sont perdues dans la tourmente, à l’image de ce candidat proposant une nationalisation européenne de l’entreprise Total. Mais en outre, la volonté d’élever le débat en parlant du fond des enjeux ne suffit pas à changer le cours d’un fleuve en colère. François-Xavier Bellamy a, une nouvelle fois, montré – sans invectives ni attaques personnelles – sa maîtrise des dossiers européens, par exemple sur le pacte européen sur l’immigration ou l’interdiction des véhicules thermiques. Quelques jours plus tôt, il avait fait irruption à l’écran en suscitant un large consensus autour de lui avec sa dénonciation vigoureuse du débat entre Gabriel Attal et Jordan Bardella, jugé antidémocratique (puisque privilégiant un seul candidat). Cependant, les sondages n’ont pratiquement enregistré aucun effet de son excellente campagne ou de son coup d’éclat. La malédiction actuelle qui frappe l’étiquette de « républicains de droite » est la clé de ce paradoxe. Elle est en grande partie due aux soupçons populaires de collusion avec la majorité au pouvoir, résultat des positions prises par ce parti, notamment lors de la crise sanitaire et sur la réforme des retraites.

Ainsi, les élections européennes de 2024, en guise de communiqué, seront vite oubliées, surtout lorsque les élections municipales interviendront deux ans plus tard. Toutefois, les dirigeants politiques de tous bords, et plus particulièrement de la droite LR, pourraient en tirer quelques enseignements essentiels pour l’avenir de leur mouvement politique.

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Cammile Bussière

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