Il est plus de 14 heures lorsque les représentants des Maisons Kervran quittent le tribunal de commerce de Brest. Têtes baissées. Regards abattus. Mardi 23 juillet, la liquidation judiciaire de cette société créée il y a plus d’un demi-siècle a été annoncée. Vers 15 heures, les salariés de l’entreprise ont appris la triste nouvelle par téléphone. « On nous a dit que c’était fini. Liquidé », raconte un salarié, non sans émotion. « Il y a eu des larmes, bien sûr, même si nous avons reçu beaucoup de coups de fil qui nous ont fait chaud au cœur. »
Le chiffre d’affaires a doublé entre 2003 et 2007
L’histoire familiale débute en 1967 autour d’une entreprise de maçonnerie à Trégarantec où Joël Kervran, plâtrier, rejoint son père avant que son frère, Jean-Paul, ne vienne l’aider. L’activité de l’entreprise s’oriente alors vers la construction de maisons individuelles.
Les Maisons Kervran se sont rapidement forgé une solide réputation dans le Finistère Nord, avant de profiter du boom immobilier des années 2000, doublant le chiffre d’affaires de l’entreprise entre 2003 et 2007, et se targuant de construire, dans le meilleur des cas, « une maison par jour ». Développant également un solide réseau commercial, avec quatre agences dans le Finistère, à Folgoët, Brest, Crozon et Quimper. En construisant plus de 250 maisons par an, l’entreprise était alors considérée comme l’un des principaux constructeurs, si ce n’est le principal, du département.
Mais la situation du marché de la construction depuis plusieurs années, entre autres mais pas seulement, a fini par ébranler le solide édifice. « Le Covid, le conflit en Ukraine, l’explosion du coût de l’énergie et des matériaux… Tout ça fait que… », raconte ce salarié qui travaille « depuis très longtemps » dans le bâtiment. « On a été officiellement informés cet après-midi, mais je pense qu’on s’y préparait mentalement depuis un certain temps », souligne un autre. « On doutait déjà sérieusement de pouvoir passer l’été. » Le rythme de construction avait ainsi considérablement ralenti. Et c’est donc le couperet qui est tombé ce mardi.
« Nous sommes allés travailler avec le sourire »
Chez Kerno Elec, autre société du groupe placée en redressement judiciaire, ce ne sont pas moins d’une soixantaine de salariés qui se retrouvent désormais sans emploi. « Ça va être un crève-cœur de ne plus aller travailler là-bas », confie l’un. Quand un deuxième ajoute : « On a tout donné jusqu’au bout. Je suis dégoûté car on était une belle équipe avec une conscience professionnelle et un patron comme je n’en retrouverai jamais ». « On s’est vraiment mis au travail avec le sourire », clament-ils tous à l’unanimité, saluant un « patron sympathique et humain qui n’a pas voulu partir comme ça ». Une rencontre avec le liquidateur désigné par le tribunal de commerce est désormais attendue dans les prochains jours.
« Même si tout a été mis en œuvre pour limiter au maximum les dégâts pour tout le monde », assurent les salariés, il y a finalement, outre eux, les sous-traitants et les artisans, de nombreux clients impactés. Selon nos informations, plus d’une centaine de chantiers sont ainsi à l’arrêt. Autant d’autres victimes collatérales de cette onde de choc qui frappe la région de Lesneven et ses communes voisines.