un couturier, son épouse et deux anciens dirigeants jugés à partir de mardi
Un procès pour abus de biens sociaux s’ouvre du 8 au 11 octobre au tribunal correctionnel de Paris. L’épouse d’un caricaturiste de journal satirique est soupçonnée d’avoir exercé un métier fictif pendant 26 ans.
L’épouse d’un designer Canard enchaîné est soupçonné d’avoir occupé pendant 26 ans un poste fictif au sein de l’hebdomadaire satirique. Du mardi 8 octobre au vendredi 11 octobre, quatre personnes seront jugées pour abus de biens sociaux au tribunal correctionnel de Paris, après les révélations en 2022 d’un des journalistes de la rédaction du CanardChristophe Nobili. Ce dernier est notamment connu pour avoir enquêté sur des soupçons d’emploi fictif de l’épouse de François Fillon, Penelope Fillon, lors de la campagne présidentielle de 2017.
André Escaro, 96 ans, est poursuivi pour abus de biens sociaux tandis que son épouse Edith Vandenvaele comparaîtra pour recel d’abus de biens sociaux, escroquerie à un organisme social et fraude à la carte de presse. Deux anciens dirigeants du Palmipède, Michel Gaillard, président du journal de 1992 à juin 2023, et son successeur jusqu’au 31 décembre, Nicolas Brimo (ancien directeur général adjoint) sont poursuivis pour « utilisation abusive des biens ou du crédit d’une société par actions par un administrateur à des fins personnelles », « délivrance d’attestation inexacte pour obtenir une carte de journaliste professionnel », « déclaration fausse ou incomplète pour obtenir une allocation ou une prestation indue auprès d’un organisme de protection sociale » Et « faux et usage de faux en écrit ».
Des dégâts estimés à 3 millions d’euros
L’histoire commence en mai 2022 lorsque Christophe Nobili porte plainte contre Canard enchaîné. Une enquête pour « abus des biens sociaux » Et « recel d’abus de biens sociaux » est alors ouvert. Quelques mois avant la plainte, le 8 mars, Christophe Nobili publiait son livre Cher canard aux éditions JC Lattès, dans lequel il aborde cette histoire et d’autres conflits au sein de la rédaction.
Selon le rapport du chef de la brigade financière de la police de Paris, consulté par Médiapart avec un salaire annuel de plus de 80 000 euros pour Edith Vandenvaele, le préjudice est estimé à 3 millions d’euros entre 1996 et 2022. Mais en raison de prescription légale, les faits tenus il y a plus de douze ans ne peuvent être retenus. Le préjudice est donc réduit à 1,45 million d’euros. Contacté par l’AFP en décembre 2023, Christophe Nobili s’est exprimé à ce sujet : « Je sais très bien que depuis 25 ans, malheureusement, deux rédacteurs financent l’emploi fictif de la petite amie d’un de leurs anciens amis ».
Edith Vandenvaele aurait commencé à être payée par le Canard en 1996, lorsque son mari a souhaité prendre sa retraite, pour l’aide qu’elle lui aurait apportée au quotidien dans son travail, raconte Le monde . Mais selon le rapport consulté par Médiapart : « Il est incohérent que M. Escaro ait soudainement eu besoin d’un assistant pour l’épauler alors qu’il avait jusqu’alors réalisé des milliers d’illustrations pour Le Palmipède depuis 1949 ». Par ailleurs, l’épouse d’André Escaro « n’avait aucun poste de travail dans les locaux », « n’a participé à aucune réunion professionnelle », « n’a jamais exercé aucune activité journalistique ou professionnelle dans les locaux », « n’a pas été présenté à l’équipe » Et « ne détenait aucune action du Canard chainé contrairement aux autres journalistes. »
Pour Hervé Liffran, directeur général des éditions Maréchal-Le Canard Enchaîné, responsable de l’édition du journal, il n’y a pas eu « d’abus de biens sociaux » de la part de l’ancienne direction. Si à partir de 1996, André Escaro n’est plus employé, son épouse, entre 1996 et 2022, a soumis 8000 dessins au journal. « Il n’était pas payé, mais elle l’était. Pas les deux en même temps. On ne voit donc pas où il peut y avoir un abus de biens sociaux», indique Hervé Liffran à Figaroprécisant laisser la justice faire son travail.
Une demande de report du procès
Lors de l’enquête en mars dernier, le canard enchaîné a porté plainte à son tour, s’estimant victime de « recherche numérique illégale » portant « attaque contre tous les piliers de notre État de droit » concernant une entreprise de presse. Une enquête est alors confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Les accusations font référence au rapport de la brigade financière de la police judiciaire de Paris, faisant état de la consultation par un enquêteur d’un « lien » numérique assuré par l’un des journalistes, Christophe Nobili. Ce lien aurait donné accès, selon l’enquêteur, « sur la page de garde du système de documentation numérique du Canard Enchainée ». Finalement, la plainte a été classée sans suite en juillet, a indiqué le tribunal judiciaire de Paris ce mercredi 2 octobre. Une nouvelle plainte a été déposée le 10 juillet par Le canard enchaînéavec constitution de partie civile pour obtenir le renvoi devant un juge d’instruction.
Déjà prévue en juillet dernier et reportée à la demande du tribunal, l’audience se tiendra finalement en octobre. Cependant, le procès pourrait être à nouveau reporté, puisqu’une demande de report a été déposée par les avocats d’André Escaro, en raison de son mauvais état de santé. Pour Me Maria Cornaz Bassoli, avocate aux côtés de Me Pierre-Olivier Lambert de Christophe Nobili et d’autres actionnaires minoritaires de la société qui se portent partie civile, « Il serait cependant important que cette affaire soit jugée maintenant, pour permettre au Canard Enchaîné d’avancer »elle partage Figaro.