Une obéissance sans faille. Entre 18 et 19 ans, Irmgard Furchner a travaillé comme dactylo pour le commandant du camp de concentration de Stutthof, créé par les nazis près de Gdansk, en Pologne. C’était pendant la Seconde Guerre mondiale. La vieille femme, aujourd’hui âgée de 99 ans, y a travaillé de juin 1943 à avril 1945.
La Cour fédérale de justice allemande a confirmé mardi la peine de deux ans de prison avec sursis contre l’ancienne secrétaire qui avait fait appel de sa condamnation pour « complicité de meurtre ». « L’appel est rejeté (…) le verdict est définitif », a annoncé le juge du tribunal fédéral de Leipzig, en Allemagne. Entre octobre 2021 et novembre 2022, Irmgard Furchner avait comparu pour « complicité de meurtre dans plus de 10.000 affaires » devant le tribunal d’Itzehoe, dans le nord de l’Allemagne.
Ordonnances d’exécution et d’expulsion
Le tribunal a accusé Irmgard Furchner d’avoir participé au meurtre de prisonniers à Stutthof, où 65 000 personnes sont mortes, « des prisonniers juifs, des partisans polonais et des prisonniers de guerre soviétiques » qui ont été systématiquement assassinés, selon le parquet allemand. Selon l’avocat Christoph Rückel, qui représente depuis des années des survivants de l’Holocauste, « elle a conservé toute la correspondance du commandant du camp ». « Elle a également dactylographié les ordres d’exécution et de déportation et a apposé ses initiales », a-t-il assuré à la chaîne publique régionale NDR.
Selon son avocat, Wolf Molkentin, elle n’était pas au courant du sort exact des prisonniers. « Ma cliente a travaillé parmi des SS expérimentés dans la violence. Mais doit-elle partager leur niveau de connaissance ? », a-t-il demandé dans une interview au quotidien. Miroir. L’avocat de la défense avait insisté sur l’utilisation de termes « codés » dans la correspondance entre les dirigeants de la machine de mort nazie « de telle manière qu’une secrétaire ne pouvait pas forcément les déchiffrer », selon lui.
S’échapper en taxi
En fauteuil roulant et chapeau sur la tête, l’accusée avait fini par admettre ses regrets devant les juges, assurant toutefois qu’elle ne connaissait pas « l’existence des chambres à gaz ». Pour elle, son travail était « un travail de bureau comme un autre, comme dans une banque », raconte-t-elle. Le Parisien.
Le procès avait pris dès le début une tournure bizarre. La résidente d’une maison de retraite près de Hambourg avait pris la fuite en taxi le matin de la première audience. Elle avait été retrouvée dans la journée et immédiatement placée en détention provisoire. Après une longue série d’audiences ne durant que quelques heures par jour compte tenu de l’âge avancé de l’accusée, elle avait finalement été condamnée en décembre 2022. A proximité immédiate des prisonniers, « l’odeur des cadavres était omniprésente », avait jugé le tribunal, jugeant « inimaginable que l’accusée n’ait rien remarqué ».
La « bête féroce » d’Auschwitz-Birkenau
Au cours des dix dernières années, quatre anciens gardiens ou comptables des camps nazis de Sobibor, Auschwitz et Stutthof ont été jugés, mais peu de femmes, selon les historiens. Ces derniers estiment que 4 000 femmes travaillaient comme gardiennes ou employées dans les camps de concentration, ces petites mains qui permettaient au régime nazi de mettre en œuvre sa vaste politique d’extermination. Les tribunaux se sont penchés sur les cas d’au moins trois d’entre elles, dont une autre secrétaire qui travaillait à Stutthof, mais elle est décédée avant la fin du procès, rappelle-t-on. Le Figaro.
Parmi ceux qui ont répondu des atrocités commises sous le Troisième Reich, la gardienne du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau Maria Mandl, surnommée « la bête féroce », a été pendue en 1948 après avoir été condamnée à mort par un tribunal de Cracovie, en Pologne. Entre 1946 et 1948, à Hambourg, 38 personnes dont 21 femmes ont comparu devant des juges militaires britanniques pour avoir officié au camp de concentration de Ravensbrück, spécialement réservé aux femmes.