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un an après les attentats du 7 octobre, les Gazaouis dans le dénuement et la peur

Un an après les attaques du Hamas en Israël, plus de deux millions de personnes ont dû quitter leur maison ou leur appartement dans la bande de Gaza. Le journaliste palestinien Rami Abu Jamous rend compte des conditions de vie dans les camps de personnes déplacées.

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Temps de lecture : 4 min

Rami Abu Jamous est un journaliste palestinien de 46 ans. Le 7 octobre 2023, il vivait à Gaza. Après le début des opérations militaires israéliennes, il quitte la ville avec sa femme et ses enfants pour se réfugier à Rafah, au sud de la bande de Gaza, puis à Deir el-Balah. Il rend compte de la situation sur place à travers des vidéos sur les réseaux sociaux, des articles pour le site Orient XXI et sur franceinfo.

Rami Abou Jamous : Depuis que nous avons quitté notre maison, depuis le début de la guerre, nous vivons une vie d’humiliation : quitter la maison est le début de l’humiliation. Nous sommes humiliés lorsqu’on nous bombarde chez nous, nous sommes humiliés parce que nous ne pouvons pas faire d’enterrements. Cela fait un an que la guerre a commencé et il y a encore des gens sous les décombres. Nous sommes humiliés lorsque nous sortons à pied avec seulement quelques sacs et malgré cela, on nous tire dessus. Nous sommes humiliés dès notre arrivée dans une tente. Nous sommes humiliés parce que nous ne trouvons pas de nourriture. Nous sommes humiliés parce que nous ne mangeons que des canettes. Nous sommes humiliés parce que lorsque mon fils Walid est malade, je ne trouve pas de médicaments pour lui car il y a un blocus et rien n’arrive, surtout pas de médicaments.

« Nous sommes revenus en tout au Moyen Âge : nous vivons sur des matelas, sur du sable. Nous cuisinons au feu et dans un four en terre cuite… Tout cela n’est que humiliation.

Rami Abou Jamous

sur franceinfo

franceinfo : Vous avez écrit dans votre journal de bord sur le site Orient XXI : « Je me rends compte que tout ce que nous faisons, tout ce que nous vivons aujourd’hui nous fait détester l’endroit où « nous vivons ». Pour vous, c’est ce que veut Israël ?

Bien sûr, il s’agit de haïr Gaza, de haïr la Palestine, de haïr l’appartenance à ce territoire. Ce que les Israéliens ont fait, c’est effacer tout lien avec cette terre : ils ont bombardé des sites archéologiques, des musées, des universités, des écoles… 85 % des maisons de Gaza ont été détruites. Et non seulement nous avons réussi à effacer tout lien avec cette terre, mais ils veulent aussi nous faire détester cette terre. Nous commençons à détester où nous sommes.

Vous êtes avec votre fils, les enfants de votre femme. Comment faire en sorte que ce conflit ne soit pas trop douloureux pour eux ? ?

C’est le plus difficile pour moi. C’est toujours mettre un masque sur mon jeune fils Walid, pour le mettre dans une vie un peu parallèle à celle que nous vivons. C’est-à-dire que les explosions sont des feux d’artifice, il faut applaudir. Quand la nuit devient rouge avec les bombardements, c’est un spectacle, il faut applaudir. Vivre sous une tente, pique-niquer, c’est une aventure très confortable.

« J’essaie toujours de me comporter comme un clown et j’essaie toujours de mettre ce masque, de garder le sourire quand il y a un bombardement. C’est ma façon de protéger les enfants. »

Rami Abou Jamous

sur franceinfo

Et quand on parle de tente, du mot « tente », j’essaie toujours de le supprimer de mon vocabulaire. Quand je parle à Walid (car je lui parle tout le temps en français), c’est toujours « la villa ». J’ai envie jusque dans son cerveau d’inscrire que le mot « tente » n’existe pas, c’est une villa, on vit dans le luxe. Je ne sais pas si j’ai encore réussi. Walid grandit. Quand la guerre a éclaté, il avait deux ans, aujourd’hui il en a trois. Je ne sais pas combien de temps durera cette guerre, et je ne sais pas si ce cinéma que je fais durera longtemps, ni quand la vérité sera réellement connue.

Dans ta tête, ton propre cœur, qu’y a-t-il ?

C’est la peur, l’anxiété, la peur de l’avenir. Peur pour ma famille, peur d’être bombardé. C’est la peur de ne pas pouvoir subvenir à tous les besoins de mon fils. c’est la peur que mon fils me le dise un jour « Papa, pourquoi m’as-tu laissé à Gaza ? » Je veux que mon fils soit fier de moi, fier de cette décision. Je veux qu’il ait toujours le mot dignité dans sa tête et dans son cœur. Car tout ce que nous faisons aujourd’hui, même si nous vivons dans l’humiliation, c’est justement parce que nous recherchons la dignité. Nous avons perdu tout cela parce que nous recherchons la dignité. Nous préférons mourir plutôt que de quitter la Palestine.

Votre femme est enceinte. Comment voyez-vous l’avenir dans ces conditions ? ?

Je sais que c’était une décision très difficile, mais c’est notre façon de résister. C’est notre manière de dire à l’occupant que malgré le génocide que j’appelle « Gazacide », la vie continue. L’amour continue, même sous une tente. Plusieurs centaines, milliers de fleurs fanées, ces enfants qui sont morts. Il y aura des fleurs qui naîtront et nous continuerons le chemin. Et un jour, ces fleurs continueront, nous réussirons à avoir un État indépendant et à vivre à côté d’Israël, en paix.

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr

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