un an après la mort de Nahel, la mère de l’adolescente témoigne
Nahel, 17 ans, a été tuée le 27 juin 2023 à Nanterre par des tirs de policiers. Sa mort a été suivie de six jours d’émeutes à travers le pays. De son côté, le policier, mis en examen pour homicide volontaire, est sous contrôle judiciaire.
« C’était le plus beau cadeau que Dieu m’ait fait. Et puis… Il me l’a repris. » Le 27 juin 2023, il y a presque un an, Nahel, 17 ans, était tué par un tir à bout portant d’un policier alors qu’il refusait d’obéir à sa voiture à Nanterre (Hauts-de-Seine). Dans une interview accordée à Elle et publiée ce mercredi 5 juin, sa mère se confie.
Alors que le policier à l’origine de la fusillade a été libéré et placé sous contrôle judiciaire après quatre mois de détention, Mounia Merzouk affirme qu’elle compte quitter la France après le procès et la condamnation.
« Ce policier a détruit quatre familles. Les miens, les siens et ceux des deux enfants qui étaient dans la voiture et qui ont vu leur ami mourir. Je les vérifie souvent. Eux aussi font des cauchemars», confie-t-elle à Elle.
«C’était fusionnel»
En effet, la mère de Nahel explique qu’elle a déserté sa chambre et dort désormais sur le canapé du salon car elle ne peut plus passer chaque matin devant la chambre vide de son fils, où tout reste tel quel.
«Je suis morte intérieurement», dit-elle.
Mounia Merzouk a élevé seule son fils. Le père violent l’a quittée au début de la grossesse. « J’ai toujours travaillé, j’ai travaillé pour qu’il ne manque de rien, chaque mois il avait droit à un cadeau, comme une paire de baskets, pour qu’il n’aille pas voler ou faire n’importe quoi », ajoute la mère.
« Nous nous envoyions quinze à vingt messages par jour. C’est pas passé loin (…). Il était le plus beau cadeau que Dieu m’ait fait. Et puis… Il me l’a repris », raconte-t-elle.
« J’ai eu de la chance que la scène soit filmée »
« Je me pose toujours les mêmes questions. Je dis, Nahel, pourquoi tu n’es pas descendu de la voiture ? Cette voiture jaune, ces coups de crosse de fusil qu’il a reçus, tout ça me dérange », ajoute-elle. Le jeune Nahel, qui n’avait pas de permis de conduire, a été tué alors qu’il conduisait une Mercedes immatriculée en Pologne, louée par un ami.
« Nous avons dit qu’il était connu de la police, mais c’était une petite bêtise. Oui, il conduisait sans permis, mais il ne méritait pas de mourir pour ça », déplore Mounia Merzouk.
« Le policier aurait pu le sortir de la voiture, l’attraper par les cheveux, le menotter… ou bien le laisser partir, avec toutes les caméras de vidéosurveillance de la ville de Nanterre, on l’aurait retrouvé, ils auraient pu Je suis venu le chercher chez moi, j’ai défoncé ma porte, je m’en fiche, au moins mon fils serait toujours avec moi », ajoute-t-elle.
Ce matin du 27 juin 2023, alors qu’elle livrait des produits de chimiothérapie à des patients recevant des soins ambulatoires, elle a reçu un appel d’une amie lui annonçant que son fils avait eu un accident. Sur l’autoroute encombrée, elle roule sur la bande d’arrêt d’urgence. « J’ai dit mon Dieu, si tu le prends, emmène-moi avec lui », a-t-elle déclaré à l’hebdomadaire.
Lorsqu’elle arrive sur place, à Nanterre, la police lui annonce la mort de Nahel, sans évoquer la fusillade, et elle pense qu’il s’agit d’un accident de la route. « Dans mon malheur, j’ai eu la chance que la scène soit filmée. Si ces images n’avaient pas existé, seule la version des policiers serait restée », affirme-t-elle aujourd’hui.
« Tu tues un Arabe, tu deviens millionnaire ? »
La mort de Nahel a été suivie de six jours d’émeutes à travers le pays. Mais Mounia Merzouk n’y prêtait que peu d’attention. « Quand on est en deuil, on ne voit rien. Je n’ai vu que mon fils, je le voyais partout », explique-t-elle. Elle a cependant reçu des menaces et des insultes par courrier.
Avec Elle, la mère de Nahel évoque également la collecte de fonds lancée par le polémiste d’extrême droite Jean Messiha en soutien au policier en question. « Que voulez-vous que je vous dise? Est-ce la France ? Tu tues un Arabe, tu deviens millionnaire ?», déplore-t-elle.
Mounia Merzouk regrette également le manque de communication entre la police et les jeunes du quartier. « C’est immédiatement agressif, c’est électrique », dit-elle, expliquant que les habitants vivent dans la peur pour leurs enfants.