UE-Mercosur : « Que voulez-vous faire de nous ? »
(Editorial) La perspective d’une conclusion imminente de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur donnera un peu plus de corps au caractère sacrificiel de l’agriculture et aux questions existentielles des producteurs. Un double affront, national et européen.
Le calvaire se terminera-t-il les 18 et 19 novembre avec le sommet du G20 à Rio de Janeiro (Brésil) ? Les pays du Mercosur (Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay, Uruguay) et l’UE pourraient y conclure des négociations, scellant ainsi un accord commercial sur la table depuis 25 ans. En jeu : la libéralisation des échanges entre 800 millions de consommateurs à hauteur de 40 à 45 milliards d’euros annuels, ni plus ni moins que le plus grand accord de libre-échange jamais conclu par l’UE. Le deal : l’exportation de biens et services made in Europe contre l’entrée massive de produits agricoles, sans aucune garantie de respect de nos normes sociales, sanitaires et environnementales, les fameuses clauses miroir et leurs garanties de loyauté et d’équité aux plans de sécurité et de compétitivité .
La France entre postures et imposture
Et pourtant, le 26 janvier, à deux pas de la barrière autoroutière de Carbonne (Haute-Garonne), le Premier ministre Gabriel Attal déclarait : « Les accords de libre-échange ne doivent pas se faire sans intégrer la réciprocité des normes et la mise en place de clauses miroir : ils doivent protéger les consommateurs et garantir à nos producteurs qu’ils luttent à armes égales avec leurs concurrents étrangers. « . Quelques jours plus tard, à l’issue d’un Conseil européen, le président de la République suivait ses traces : » En l’état des textes du Mercosur, la France s’oppose – et continuera de s’opposer – à cet accord de libre-échange avec la région du Mercosur « . Le 23 octobre, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a choisi les ondes de « Sur » (Sud) Radio pour claironner : » Les conditions d’un accord avec le Mercosur ne sont pas réunies. Cela n’est ni commercialement équitable, ni conforme aux engagements environnementaux et climatiques de la France. Je suis absolument hostile à ce projet d’accord avec le Mercosur, il s’agit de la défense de notre agriculture « . Autant de postures qui frisent l’imposture, la France n’ayant en réalité jamais tordu le bras, pas même le pouce, de la Commission européenne mandatée pour négocier l’accord.
Abandonné par la France, acheté par l’UE ?
Tant qu’on y est, finissons de briser l’abcès : quelles que soient les gesticulations et les cris, la Commission européenne aura le dernier mot car elle pourrait décider, à terme, de retirer le volet commercial de l’accord, afin de permettre leur adoption séparée. , les accords commerciaux relevant de sa seule compétence. Elle semble cependant explorer une autre voie, consistant à apporter des compensations financières aux secteurs agricoles potentiellement impactés. Quand le mépris frise le cynisme. Il n’en fallait pas beaucoup pour raviver les braises d’une protestation qui couvait tranquillement depuis des mois. Dans le Tarn, où le mouvement « On marche sur la tête » a débuté il y a exactement un an, le jeune éleveur Sylvain Laganthe pose la question : « Que veux-tu faire de nous ? « . Nous esquissons une réponse, en espagnol et en portugais : « matar ».