Ubisoft en désarroi : le jeu vidéo et les bas : épisode 8/44 du podcast Homo œconomicus
Acteur majeur de l’industrie du jeu vidéo, riche d’un historique de titres captivants et d’un rayonnement mondial, Ubisoft a été fondée en 1986 par les frères Guillemot, cinq Bretons désireux de renouveler l’entreprise familiale de fournitures agricoles. Connu pour ses franchises mondialement connues (Assassin’s Creed, Watch Dogs, Rainbow Six Siege, Rayman, etc.) et vendues à des millions d’exemplaires, Ubisoft a été construit dans les années 1980 et 1990, en pleine explosion du marché du jeu vidéo. vidéo, permettant de créer un savoir-faire vidéoludique « à la française ».
Si les épisodes de déstabilisation de l’entreprise se sont toutefois multipliés depuis les années 2000, la période post-pandémique semble particulièrement difficile pour Ubisoft : les salariés de plusieurs studios seront en grève les 15, 16 et 17 octobre pour réclamer de meilleures conditions de travail et de salaire, dans un contexte où l’industrie du jeu vidéo a licencié plus de 11 000 salariés en France depuis début 2024. Les difficultés d’Ubisoft sont-elles représentatives de celles de l’industrie du jeu vidéo ? le jeu vidéo dans son ensemble, alors qu’il tend à devenir de plus en plus dynamique ? Que dit l’histoire d’Ubisoft de celle de la construction de l’industrie française du jeu vidéo ?
La crise sociale chez Ubisoft s’inscrit dans un contexte économique difficile pour le secteur, qui a déjà connu plus de 11 000 licenciements depuis début 2024. Julien Pillot déclare : « Aujourd’hui, le secteur du jeu vidéo est dans une phase de restructuration et de consolidation – avec également les stratégies des grands éditeurs de jeux vidéo de plus en plus financiarisés, et qui font évidemment pression sur un acteur tout à fait unique comme Ubisoft qui a fait le choix historique d’adopter un stratégie moins financiarisée« . L’entreprise, entrée en bourse en 1996, ne distribue en effet aucun dividende à ses actionnaires. Ces multiples pressions s’exercent in fine sur les salariés, souligne Alexis Blanchet qui a rendu visite aux grévistes en février dernier : « On sent qu’il y a un vrai problème de sens du travail chez Ubisoft, et sans doute ailleurs. Les salariés sont un peu désorientés par rapport à leurs fonctions« . Le chercheur rappelle que le premier mouvement syndical chez Ubisoft a eu lieu dans les années 1990, mais qu’il tend à se structurer avec l’apparition de syndicats comme le STJV ou Solidaires Informatique.
L’entreprise familiale, fondée en 1986 par la fratrie Guillemot, a trouvé sa place sur le marché français suite au krach du marché du jeu vidéo en 1983. « Ils sont entrés sur ce marché au milieu des années 1980, à une époque où le jeu vidéo mondial se remettait encore d’un premier krach survenu aux États-Unis au début des années 1980, et dans un contexte où le jeu vidéo en France est, si pas embryonnaire, presque inexistant. On commence tout juste à voir des sociétés japonaises comme Sega et Nintendo tenter timidement de percer en France en lançant respectivement la Master System et la Nintendo NES qui étaient à l’époque des produits ultra-niche.« , rappelle Julien Pillot. Dès le départ, la stratégie d’Ubisoft différait de celle des studios comparables de l’époque : « l’un des marqueurs importants d’Ubisoft est que c’est une famille de tradersnoté Alexis Blanchet. Ubisoft part vraiment de l’idée de faire des jeux vidéo d’une part, et de celle d’embaucher des personnes qui ont déjà de l’expérience, donc déjà de recruter des développeurs qui ont un ou deux jeux à leur actif. Par ailleurs, la société adopte un positionnement éditorial assez marqué par une réelle influence du cinéma de genre hollywoodien (cinéma de Romero ou Carpenter), du cinéma vidéoclub des années 1980, et des thématiques liées au fantastique et à l’heroic fantasy.« .
Références sonores :
Références musicales :
- Générique d’ouverture : « Attrape-moi! »bande originale du jeu Chants de Senaar, lauréat du prix du Meilleur jeu de l’année aux Pégases 2024
- Mélange Rayman OriginsPixelophonia, Opéra Bastille à Paris, 22/09/2017
Pour aller plus loin :
Alexis Blanchet, Guillaume Compagnon (réal.) : Une histoire du jeu vidéo en France éd. Pix’n Love, 2020