« Tueurs fous » du Brabant : l’enquête classée par la Belgique, le mystère toujours entier après 40 ans
Des milliers d’empreintes digitales vérifiées, des centaines d’échantillons d’ADN comparés. En vain. Ce vendredi 28 juin, la justice belge a classé sans suite le dossier des « tueurs du Brabant », une série de braquages sanglants qui ont traumatisé le pays il y a 40 ans et qui resteront probablement à jamais inexpliqués.
Vingt-huit personnes au total ont été tuées dans cette série de braquages de supermarchés et de petits commerces du centre de la Belgique entre 1982 et 1985. Le parquet fédéral belge, qui avait centralisé l’enquête pendant six ans, a dû faire face à l’incompréhension de certaines familles de victimes, en les réunissant pour annoncer la fin des investigations.
« C’est l’enterrement du dossier »
« Toutes les actions d’enquête possibles ont été menées (…) Malheureusement, nous n’avons pas pu faire éclater la vérité », a déclaré la chef du parquet fédéral, Ann Fransen, lors d’une conférence de presse. Elle a dit regretter « le nouveau coup dur » que représente cette annonce pour les familles, tout en soulignant la nécessité d’être « claire et transparente » avec elles.
« C’est l’enterrement du dossier, ça me rend très triste », a réagi Irena Palsterman, dont le père fut l’une des huit victimes de l’attentat du supermarché Delhaize à Alost le 9 novembre 1985.
Les tueries ont eu lieu en deux vagues. La seconde, à l’automne 1985, fut particulièrement sanglante, frappant au hasard des familles avec enfants qui allaient faire des courses. Au total, 16 personnes sont décédées les 27 septembre et 9 novembre 1985.
La piste de l’implication des gendarmes
L’une des pistes les plus sérieusement envisagées était celle d’une tentative de déstabilisation de l’Etat belge menée par des gendarmes ou d’anciens gendarmes réputés proches de l’extrême droite. Mais cette piste n’a jamais abouti en quarante ans, malgré des enquêtes régulièrement relancées et de nouvelles arrestations aboutissant parfois à des inculpations.
L’avocat des parties civiles, Kristiaan Vandenbussche, a dénoncé ce vendredi une enquête « sabotée par la gendarmerie », dont certains membres auraient veillé à protéger les auteurs en trompant les enquêteurs.
En 2019, un ancien policier à la retraite avait été inculpé, soupçonné d’avoir sciemment manipulé l’enquête en jetant des armes et des munitions ayant appartenu aux tueurs dans un canal, fin 1986. Deux ans plus tôt, en 2017, c’était le témoignage télévisé du frère d’un ancien gendarme qui avait déclenché un nouvel emballement médiatique autour de l’affaire.
Cet homme affirmait avoir reçu des confidences de son frère peu avant sa mort, qui lui avait assuré qu’il était le « géant » de la bande des tueurs, dont le portrait identitaire est devenu célèbre. Enfin, le parquet fédéral, qui avait repris les enquêtes en 2018, a dû constater qu’aucune piste sérieuse ne pouvait conduire aux auteurs des faits.
Près de 3 000 empreintes digitales enregistrées
Ces dernières années, une dizaine de policiers étaient encore mobilisés sur cette instruction. Ils ont vérifié « 1.815 éléments d’information, anciens et nouveaux », traité 2.748 empreintes digitales, comparé 593 nouveaux échantillons d’ADN à ceux déjà présents dans le fichier. « Plus de 40 corps ont été exhumés à des fins de recherche », a ajouté Ann Fransen.
L’affaire est d’autant plus mystérieuse que les assaillants ont semé la mort tout en récoltant des sommes dérisoires lors de leurs braquages : « 28 morts pour sept millions de francs belges de butin » (environ 170 000 euros)a rappelé la chaîne RTBF.
Une audience dite de « règlement de procédure » doit se tenir prochainement au tribunal de Bruxelles avant la décision formelle de non-lieu. Les parties civiles auront encore la possibilité à cette occasion de demander de nouveaux actes d’instruction. Les faits restent imprescriptibles, selon le droit belge.